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la période future

Chapitre 5 De la « préférence pure pour le présent » à la préférence pour le non

1.2. Impacts du critère actualisé dans un modèle de croissance

1.2.1. Description d’un modèle de croissance simple

Nous suivons ici l’analyse menée par Koopmans (1965, 1968) en nous donnant une économie comportant une seule région et utilisant un seul bien composite qui sert à la fois de bien de consommation et de bien d’investissement. Ce bien est produit par la combinaison des facteurs de production capital et travail efficace notés respectivement Kt et Lt. La production F(Kt,Lt) est ensuite répartie entre la consommation et l’investissement qui permet d’accroître le stock de capital qui se

8 Le fait que la suite des poids {a

t} tende vers 0 n’implique pas qu’elle soit décroissante. Néanmoins, at peut être

rendu aussi petit que souhaité dès que la période t est suffisamment lointaine.

9 Il nous semble intuitivement que les critères de Chichilnisky sont la famille la plus large de critères vérifiant 1,

déprécie à un taux constant (noté η). En nous plaçant en temps continu, la dynamique de cette économie peut être formalisée de la manière suivante10 :

K•t = F(Kt,Lt) -η.Kt - Ct Dynamique d’accumulation du capital (5.4)

Nous ferons l’hypothèse que la fonction de production est à rendements constants. Nous supposerons d’autre part que la productivité marginale de chacun des facteurs est décroissante. Mathématiquement, nous supposerons que la fonction de production F est deux fois dérivable et vérifie les propriétés suivantes :

F(0,L)=0, F(K,0)=0 Production nulle s’il manque 1 facteur (5.5)

F(aK,aL)=aF(K,L) Homogénéité de degré 1 (5.6)

∂F

∂K>0,

∂F

∂L>0,

∂²F

∂K²<0 Productivité marginale du capital positive mais décroissante

avec le capital, productivité marginale du travail positive (5.7)

limK→∞ ∂F

∂K(K,L) = 0 La productivité du capital tend vers 0 si le capital s’accroît

alors que le travail reste constant (5.8)

Nous supposons que le travail croît à un taux g constant indépendant de la marche de l’économie. Il est alors pratique de réécrire l’équation (5.4) en introduisant des grandeurs par tête. Le facteur Lt représentant la quantité de travail efficace de l’économie, il serait plus juste de parler de grandeurs par unité de travail efficace, mais nous conserverons par abus de langage l’expression « par tête ». En outre, du fait de l’hypothèse d’homogénéité de la fonction de production, celle-ci peut s’écrire comme le produit de la quantité de travail Lt par une fonction f dépendant uniquement du capital par tête. En notant kt le capital par tête et ct la consommation par tête, nous obtenons donc finalement :

k•t = f(kt) - (η+g).kt - ct Dynamique d’accumulation du capital par tête (5.9)

La fonction ϕ(kt) = f(kt) - (η+g).kt représente la production nette de capital par tête, une fois déduits les effets de la dépréciation du capital (terme η) et de l’accroissement du travail (terme g). Du fait des hypothèses formulées sur la fonction de production F, la fonction ϕ est nulle en 0. Elle croît ensuite avant de décroître à nouveau pour s’annuler pour une valeur k¯ > 0. Cette valeur s’interprète comme un capital par tête limite si grand que la production qu’il permet de générer est tout juste suffisante pour compenser l’accroissement de la population et la dépréciation du capital.

Soit k0 le niveau de capital par tête initial de notre économie. Les trajectoires de croissance (ct,kt) qui vérifient à la fois kt=0 = k0 et à tout instant l’équation (5.9) sont les dynamiques réalisables de l’économie. Une dynamique particulièrement importante est celle qui consiste à se placer au point de consommation par tête soutenable maximale, c’est-à-dire telle que ct soit constante et maximale. Cette trajectoire stationnaire (c*,k*) est caractérisée par les deux équations suivantes :

ϕ’(k*)=0 (5.10)

c* = ϕ(k*) (5.11)

10 Mise à part l’expression en temps continu, le lecteur pourra vérifier qu’il s’agit du même modèle de croissance

k c ϕ(k) k* c* k ¯

Figure 5.1 : Niveau de consommation par tête indéfiniment soutenable maximal dans le plan (k,c). La courbe en cloche représente la fonction ϕ(k).

Pour illustrer graphiquement la nature de la trajectoire (c*,k*), il est utile de se placer dans le plan (k,c). La courbe en cloche de la figure 5.1 représente la courbe d’équation c=ϕ(k). Par définition de la production nette de capital, si nous nous plaçons à un niveau de capital k donné, et si nous choisissons de consommer précisément la quantité c = ϕ(k) de bien composite, alors la quantité totale de capital de l’économie n’est pas modifiée. A l’instant d’après, il reste toujours une quantité k de capital par tête, ce qui autorise à consommer à nouveau c, et ainsi de suite. Nous pouvons donc suivre ici indéfiniment une trajectoire de consommation stationnaire. Le niveau de capital par tête k* présente en outre la particularité d’être celui qui autorise la consommation par tête indéfinie la plus élevée.

Nous supposons maintenant que le capital par tête initial k0 est petit devant k*. Il existe une infinité de trajectoires admissibles vérifiant cette condition initiale. Il nous faut donc un critère permettant de discriminer ces trajectoires entre elles. Nous utilisons pour ce faire le critère actualisé. Nous recherchons donc la trajectoire qui maximise la fonction d’utilité sociale intertemporelle donnée par11 :

W =

⌡⌠

0 ∞ u(ct).e -δt dt Critère de maximisation (5.12)

Nous supposerons que la fonction d’utilité est croissante en c, et que l’utilité marginale de la consommation est décroissante. Nous posons de plus que l’utilité tend vers -∞ lorsque la consommation tend vers 0, ceci afin d’éviter autant que faire se peut des niveaux de consommation trop faibles.

u'(ct)>0, u"(ct)<0, lim c→0 u(c) = -∞ (5.13)

Notons enfin que le choix d’une fonction d’utilité intertemporelle ne prenant pas en compte la taille de la population ne constitue pas une hypothèse très restrictive pour notre propos. Si nous avions en effet

11

Koopmans (1960) démontre son théorème dans le cadre d’un modèle en temps discret. Nous n’en connaissons pas d’extensions formelles de son théorème en temps continu. L’analyse d’un modèle de croissance en temps continu ne constitue cependant à notre sens pas un problème dans la mesure où les résultats que nous obtenons peuvent être transposés dans le cas de modèles de croissance en temps discrets analogues à celui développé au chapitre 1.

considéré la maximisation de la somme totale des utilités à chaque période (5.14), le critère serait en fait identique au critère (5.12) avec un taux d’actualisation de l’utilité δ-g.

W =

⌡⌠

0 ∞ Lt.u(ct).e -δt dt (5.14)

1.2.2.

Résolution du modèle

Le programme de recherche de la trajectoire de croissance optimale par rapport au critère W est donc donné par les équations suivantes :

Max

⌡⌠

0 ∞ u(ct).e -δt .dt Critère de maximisation (5.15)

k•t = f(kt) - ct - (η+g).kt Dynamique d’accumulation du capital (5.16)

0 ≤ ct≤ f(kt) Bornes de la consommation (5.17)

kt=0 = k0 Condition initiale sur le capital (5.18)

a) Théorème de Pontryaguine

Les mathématiques nous fournissent des outils puissants pour rechercher les extrêmums d’une fonction à une ou plusieurs variables réelles. Nous en avons fait abondamment usage dans le chapitre précédent. Le problème (5.15)-(5.18) est plus complexe dans la mesure où le critère à maximiser est défini sur un ensemble de fonctions. Le théorème de Pontryaguine12 permet de résoudre ce problème en se ramenant à une infinité de petites maximisations de fonctions à variables réelles. Nous commençons précisément par définir le Hamiltonien réduit H du problème par :

H(kt,ct,pt,t) = u(ct) + p(t).[f(kt) - ct - (η+g).kt] (5.19)

Le théorème de Pontryaguine stipule alors que s’il existe un contrôle optimal c(t) du programme (5.15)-(5.18) continu par morceau, alors il doit vérifier les quatre conditions nécessaires suivantes :

p•t

pt = δ + g + η - f'k (5.20)

k•t = f(kt) - ct - (η+g).kt (5.21)

ct maximise H à tout instant, c’est-à-dire :

Soit pt = 0 et ct est maximale (5.22)

Soit pt > 0 et ∂

H

∂c = 0 ⇔ u'(ct) = pt (5.23)

lim t→∞ e-δt.pt.kt = 0 (5.24)

12 Le lecteur trouvera un exposé complet du théorème de Pontryaguine dans Culioli (1994) ou dans Kamien et

b) Interprétation économique des conditions nécessaires d’optimalité

L’équation (5.20) définit la dynamique de la variable adjointe pt, qui peut être interprétée comme le prix implicite courant du capital. Le Hamiltonien H s’interprète alors comme l’utilité totale rapportée à chaque instant par la consommation et l’investissement. Les équations (5.22) et (5.23) traduisent simplement que ct maximise cette quantité d’utilité à chaque instant. La condition (5.24) est enfin une condition de transversalité qui traduit le fait qu’à long terme, la valeur résiduelle du capital (mesurée en unités d’utilité rapportées à la date initiale), doit être nulle. Dans le cas contraire, il est possible d’augmenter la consommation pour exploiter cette manne.

L’équation (5.20) nous indique tout d’abord que le prix du capital diminue avec le temps, et ce d’autant plus vite que la productivité marginale nette du capital est élevée. De plus, l’égalité traduit le fait que l’on doit investir jusqu’à ce qu’à la marge, la valeur d’une unité supplémentaire de capital créé (donnée par pt.(f'k-η)) soit exactement compensée par la baisse du prix induite par l’accumulation du capital (p•t).

c) Système différentiel équivalent

Supposons pour le moment que le prix du capital n’est pas nul, et éliminons cette variable des équations (5.21)-(5.23). En réintroduisant la fonction de production nette ϕ(k), les conditions nécessaires d’optimalité se réduisent finalement au système différentiel suivant :

k•t = ϕ(kt) - ct (5.25)

u"(ct)

u'(ct) c• = t δ - ϕ'(kt) (5.26)

La dynamique de ce système reste difficile à étudier dans le cas général. Pour avancer nous nous limitons au cas de fonctions d’utilité vérifiant la propriété (5.27). Le paramètre ν contrôle la vitesse de décroissance de l’utilité marginale avec la consommation. Notons que dans le cas particulier ν=1, nous retrouvons la fonction d’utilité logarithmique que nous avons utilisée dans le modèle STARTS développé au chapitre 1.

u'(ct) = ct-ν avec ν>0 (5.27)

Le système différentiel (5.25)-(5.26) s’écrit alors de la manière suivante :

k•t = ϕ(kt) - ct (5.28)

c•t ct =

ϕ'(kt)-δ

ν (5.29)

Arrêtons-nous un instant sur la signification du système que nous venons d’écrire. Il traduit les conditions nécessaires d’optimalité pour la trajectoire de croissance (kt,ct). La première équation est évidente : pour que la trajectoire soit optimale, il faut d’abord qu’elle soit admissible, c’est-à-dire qu’elle vérifie la dynamique du capital du modèle de croissance. La seconde condition donne une règle pour choisir la consommation à chaque instant le long du sentier de croissance optimal : le taux de croissance instantané de la population multiplié par la courbure de l’utilité ν doit en effet être égal à la productivité marginale nette du capital moins le taux d’actualisation de l’utilité.

Cette seconde condition peut se réécrire de la manière (5.30) suivante. Or le ratio c• /ct t représente le taux de croissance de la consommation, et le terme ν = -ct.u''(ct)/u'(ct) est l’élasticité intertemporelle de l’utilité marginale de la consommation. Sachant qu’au premier rang, le taux d’actualisation d’une économie est égal au taux de productivité marginal du capital, nous vérifions ainsi la règle de décomposition du taux d’actualisation (1.2) que nous avions introduite au premier chapitre.

ϕ'(kt) = δ + ν c•t

ct (5.30)

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