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l’évaluation des politiques climatiques

2.3. Calibration du modèle : infrastructures de transport

Nous considérons deux secteurs « rigides » et « flexibles » caractérisés par des durées de vie du capital différentes. Chacun de ces secteurs recouvre en fait le stock de capital qui dirige la demande énergétique et l’offre énergétique correspondante.

- Le secteur « rigide » englobe les infrastructures de transport (routes, voies ferrées, aéroports, ports), et la part des planifications urbaines qui contraint la forme des villes et les besoins en transport urbains.

- Le secteur « flexible » à la fois l’habitat est l’industrie.

Nous rangeons l’habitat dans le secteur flexible dans le but d’isoler l’ensemble des infrastructures (voies de transport et formes urbaines) qui structurent la demande de mobilité. C’est en effet dans ce secteur que l’on trouve à la fois les durées de vie du capital les plus longues (bâtiment excepté) et des mécanismes auto-renforçants qui accroissent de manière importante l’inertie du système économique. Nous supposons bien entendu dans les simulations qui suivent que la structure des bâtiments n’est pas modifiée dans l’optique de réduire les émissions : les abattements dans l’habitat proviennent ainsi uniquement de changements dans les équipements « end-use ».

En termes de durée de vie du capital, nous supposons que le capital rigide a une durée de vie de 12 périodes (60 ans) alors que le capital flexible a une durée de vie de 5 périodes (25 ans). Compte tenu de la quantité de capital dans chacun des secteurs, la durée de vie moyenne du capital est donc à l’équilibre de 32 ans, ce qui correspond aux taux de dépréciation du capital moyen utilisé dans les modèles de croissance agrégés.

2.3.1.

Trajectoire de croissance de référence

Nous construisons le modèle sur une période 2000-2200 par périodes de 5 ans. Le choix d’un horizon de calcul aussi long constitue un moyen empirique de limiter l’incidence des effets de bord sur le comportement du modèle entre 2000 et 2100, qui constitue notre période d’étude.

Nous utilisons pour scénario de référence le scénario IIASA A2 (Nakic'enovic' et al., 1998, IIASA & WEC, 1995). Le taux de croissance est donc de 2,5% par an de 2000 à 2200. Les émissions de CO2 issues de la combustion des énergies fossiles passent de 7 GtC en 2000 à 15,1 GtC en 2050 et à 22,1 GtC en 2100. Nous supposons que cette valeur constitue un maximum et nous étendons ainsi le scénario IIASA A2 sur le XXIIe siècle en projetant une décroissance des émissions de référence jusqu’à 4 GtC par an en 2200. Les émissions non fossiles sont conformes au scénario retenu au chapitre 1.

Le travail de l’IIASA et du WEC présente l’intérêt de désagréger ses scénarios d’émissions de manière sectorielle. La part du secteur des transports dans les émissions totales est ainsi supposée passer de 25% aujourd’hui à 31% en 2100. La faible augmentation du secteur des transports s’explique par le fait que le scénario A2 est bâti autour d’une utilisation massive du pétrole puis du charbon pour la production d’électricité. Les technologies propres ne pénétrant que très marginalement dans un secteur énergétique dont l’activité est par ailleurs très importante, le niveau total des émissions est particulièrement élevé, et la part relative des transports n’augmente que marginalement.

2.3.2.

Répartition sectorielle du capital

La répartition du capital entre secteurs est plus difficile à évaluer. Un changement dans le dessin des systèmes de transport affecterait en effet non seulement les infrastructures spécifiques au déplacement mais aussi la partie des infrastructures urbaines qui accompagnent les précédentes. En l’absence de données précises, nous adoptons l’hypothèse conventionnelle suivante : un tiers des investissements publics et privés dans le BTP sont sensibles à la forme des systèmes de transport. Les investissements

dans le domaine (strict) des transports représentant 5 à 7% des investissements totaux dans les pays de l’OCDE et, l’ensemble du BTP représentant environ 45% de ces mêmes investissements, nous obtenons un chiffre de 20% comme part du secteur rigide dans le capital total de l’économie.

D’un point de vue dynamique, nous considérons que la part du secteur rigide dans le stock de capital total reste constante bien que sa part dans les émissions augmente. Il s’agit là d’une hypothèse structurelle raisonnable, qui correspond au fait qu’il y ait peu de substitutions possibles entre secteurs dans la fonction de production. Le choix méthodologique consistant à conserver constant le capital total dans chacun des secteurs, et donc le ratio entre niveau de capital dans les deux secteurs, apparaît ainsi peu contraignant en première approximation21.

2.3.3.

Distribution entre générations

Pour calibrer les générations de capital à l’instant initial (i.e. les paramètres Kv,t=1,s), nous supposons que l’économie se trouve sur une trajectoire de croissance équilibrée au taux de 2,5% par an. Les niveaux d’investissement dans chaque secteurs croissent en particulier à ce taux. Les quantités de capital par génération croissent donc à un taux constant. Il nous reste alors plus qu’à déterminer la quantité de capital présente dans une génération pour chaque secteur. Or nous connaissons le ratio capital flexible sur capital rigide. Si nous nous donnons d’autre part le niveau d’investissement total en 1990, via le niveau de production mondiale à cette période (choisi à 18 G$ 90) et le taux d’épargne (20%), nous pouvons finalement calculer la distribution initiale du capital en générations. L’hypothèse d’un taux de croissance constant et d’un partage constant du capital entre secteur rigide et secteur flexible nous permet ensuite de calculer itérativement la composition du capital en générations à chaque période future.

Le choix de calibrer les générations de capital non pas sur des chroniques d’investissement passés dans les deux secteurs, mais sur une économie virtuellement équilibrée ne traduit pas uniquement la difficulté de recueillir, de traduire et d’analyser des séries statistiques au niveau mondial pour une période s’étendant de 1940 à 2000. Ce choix nous permet aussi d’examiner de manière « clinique » l’incidence de la politique climatique sur la dynamique du capital, et en particulier les phénomènes d’accélération du capital. Si nous avions utilisées des données statistiques réelles, nous aurions en effet généré une distribution initiale du capital irrégulière qui aurait entraîné des chocs sur la distribution future du capital. Eliminer ces chocs en nous ramenant à une distribution « lisse » du capital nous permet d’isoler l’influence de la contrainte climatique sur la distribution du capital22.

2.3.4.

Indices d’émissions de référence

Nous calibrons les indices d’émissions du capital installé avant 2000 en supposant que l’indice d’émissions par unité de capital a diminué à un taux constant jusqu’en 2000. Connaissant le niveau d’investissement à chaque période ainsi que le niveau d’émissions, nous pouvons alors calculer itérativement les indices d’émissions ¯εts. Les indices d’émissions ainsi obtenus présentent cependant de petites irrégularités. Nous approximons ces valeurs par une fonction polynomiale d’ordre 4. Nous obtenons ainsi des indices d’émissions lissés (figure 6.1). Nous recalculons enfin les émissions de telle sorte qu’elles correspondent à ces nouveaux indices.

21 Les hypothèses formulées sur la structure du capital devraient être précisées par des études empiriques plus

fines. Ce calibrage sera de toute manière plus facile lorsque nous disposerons d’un modèle à 4 ou 5 secteurs dont les contours seront plus en phase avec les découpages sectoriels classiquement utilisés dans la littérature.

22

Il serait par contre intéressant d’examiner empiriquement dans quelle mesure de tels « chocs » sont possibles. S’il est en effet nécessaire à une période future donnée d’investir massivement pour remplacer une quantité importante de capital qui viendrait au même moment au rebut, les marges de manœuvre pour la mise en œuvre d’une politique climatique sont alors réduites. Ce sera en particulier le cas en France lorsqu’il faudra remplacer les centrales nucléaires qui arriveront en fin de vie dans un laps de temps très court.

0 20 40 60 80 100 120 140 2000 2025 2050 2075 2100 2125 2150 2175 2200 Coefficient d'émissions (tC/M$) rigide flexible

rigide lissé flexible lissé

Figure 6.1 : Coefficients d’émissions par unité de capital avant lissage (trait pointillé) et après lissage (trait plein) en tC par millions de dollars 90. Les courbes correspondant au secteur rigide sont représentées avec des carrés noirs. Les courbes après lissages sont en traits pleins.

2.3.5.

Fonctions de coûts de réduction des émissions

Les fonctions de coûts du « leap frogging » sont calibrées de telle sorte que les coûts d’une stabilisation des émissions à 550 ppm faisant appel uniquement à des technologies moins émettrices (et pas à une rotation accélérée du capital) soient de 1% de la consommation totale actualisée. Ces fonctions dépendent des coûts d’une hypothétique technologie totalement non carbonée (paramètres

φs) qui sont supposés décroître avec le temps (paramètres de progrès technique autonome λts). Une telle calibration est cependant plus difficile dans un modèle à deux secteurs dans la mesure où elle requiert des hypothèses sur deux technologies « backstop » différentes.

Dans les simulations numériques qui suivent, nous supposons que les coûts de réduction des émissions sont plus élevés dans le secteur rigide que dans le secteur flexible. En effet, selon les experts, la technologie « backstop » dans le premier secteur proviendra probablement de l’électricité ou des piles à combustible, ce qui requiert une étape supplémentaire entre l’énergie primaire et le service final à l’usager, ou des biocarburants, dont les coûts totaux doivent inclure les effets induits sur l’usage des sols, la production de nourriture et le coût de stockage des déchets. Enfin, dans la mesure où tous les scénarios sont construits sur des hypothèses en matière de formes urbaines, le basculement modal vers le fluvial ou le ferroviaire est supposé être très intensif en capital23.

Pour les mêmes raisons, nous supposons que le progrès technique autonome est plus rapide dans le secteur flexible (1% par an) que dans le secteur rigide (0,25%) dans la mesure où le second dépend en fait du premier. Nous choisissons ainsi finalement φR = 1, φF = 0,5 , λtR = 0,25 + 0,75.e

-0,0025.∆

et λtF = 0,25 + 0,75.e-0,01.∆.

23 Il est bien certes possible d’imaginer des politiques de long terme qui génèrent des formes urbaines et des

coûts du transport qui ne soient pas, tous comptes faits, plus chers que les systèmes étudiés. Mais ceci revient à construire une nouvelle trajectoire de référence dans STARTS.

Le modèle STARTS est codé sous le langage GAMS (code à l’annexe 3) et résolu par les solveurs non linéaires GAMS/MINOS et GAMS/CONOPT. L’optimisation a lieu sur 41 périodes de 5 ans entre 1990 et 2200 afin de minimiser la propagation des effets de bord sur l’horizon d’étude du modèle.

(6.13) Max ε ts,Its W =

t=1 T C t (1+ρ)∆t Objectif de Maximisation (6.10) Ct = Y¯t - It1 {1+φt1(ε¯t1-εt1)} - It2 {1+φt2(ε¯t2-εt2)}

Répartition de la production entre consommation et investissement

(6.6) K1,t+1,s = ∆.Its

Formation de la nouvelle génération de capital à partir de l’investissement

(6.9) Kv+1,t+1,s≤ Kv,t,s

Evolution des générations de capital dans le temps (6.11) φts(¯εts-εts) = φs.(1 - εts ε ¯ts )².λts Coûts de « leap-frogging » (6.2) Ets =

v=1 ns Kv,ts.εt-v,s Emissions de CO2 fossiles (6.12) Mt+1 = Mt + ∆.[a.(

s Ets + EDt) - δ (Mt – M-∞)] Dynamique d’accumulation du CO2 atmosphérique (6.8)

v=1 ns Kv,ts = K¯ts

Quantité totale de capital par secteur constante

(6.14) Mt≤ M¯ Contrainte environnementale

Tableau 6.2 : Présentation synthétique des équations du modèle STARTS 2.

Ct Consommation variable (1012 $90/an)

Its Investissement variable (1012 $90/an)

Y¯t Production totale Y¯t = 23.e0,025.∆.t (1012 $90/an)

ρ Taux d’actualisation 5%

εts Indice d’émissions par unité de capital variable (tC/10

6 $90)

Kvts Quantité de capital de la génération v variable (106 $90/an)

K¯ts Quantité totale de capital par secteur de référence calibré par le modèle (10

6

$90/an)

ε

¯ts Indice d’émissions par unité de capital de référence paramètre calibré (tC/10

6 $90)

φs Coûts de la technologie sans carbone φR=1, φF=0,5

∆ Durée d’une période 5 ans

λts Progrès technique autonome λtR = 0,25+0,75.e-0,025.∆.t

λtR = 0,25+0,75.e-0,025.∆.t

ns Durée de vie du capital par secteur nR=12 périodes, nF=5 périodes

T Nombre total de périodes 41

Ets Emissions de CO2 fossiles variable (GtC/an)

a Taux d’absorption des émissions par l’atmosphère 0,38 ppm/GtC/an

b Taux de « fuite » du CO2 vers l’océan 0,01 an-1

Mt Concentration atmosphérique en CO2 variable (ppm)

M¯ Plafond de concentration 450, 550 ou 650 ppm

M0 Concentration en CO2 1990 356 ppm

M-∞ Concentration préindustrielle en CO2 278 ppm

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