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Des contextes régionaux et locaux a priori défavorables

Les ressources hydriques endogènes des îles armoricaines

3. Quelles ressources hydrogéologiques sur les îles bretonnes ?

3.1. Des contextes régionaux et locaux a priori défavorables

3.1.1. L’échelle régionale : une découverte tardive des ressources souterraines

Le tiers du territoire métropolitain français est constitué de socle (Massif Central, Vendée, Bretagne, Vosges, Ardennes, Maures, Estérel…), régions où les roches plutoniques et métamorphiques sont très peu perméables. Les nappes sont généralement peu étendues et se limitent aux manteaux d’altération (arènes) et aux dépôts alluviaux, ainsi qu’aux zones fracturées et fissurées. Les ressources en eau y sont donc faibles, ce qui a eu pour conséquence historique la dispersion de l’habitat. Dans ces régions, il faut avoir recours aux eaux de surface pour avoir des débits importants. Jusque dans les années 1970, il était admis que les massifs anciens ne contenaient aucune ressource en eaux souterraines, du fait du caractère imperméable des roches qui les composent (tab.4.7). Intrinsèquement, les granites, gneiss et roches métamorphiques tels que les schistes présentent effectivement des porosités d’interstices très faibles, la porosité d’une roche correspondant à un certain pourcentage de vides pouvant être occupé par un fluide tel que l’eau. Inversement, les tufs volcaniques et les sables contiennent une importante part de vides et constituent ainsi des réservoirs aquifères grâce à leur pouvoir capacitif. Pourtant, un cas particulier de vide dans les roches compactes est la fissuration, obtenue par le jeu de la tectonique et qui peut se décliner sous forme de failles, fissures ou diaclases. Ce sont justement ces accidents géologiques qui vont former des réservoirs hydrogéologiques exploitables, en Bretagne notamment et dans quelques îles en particulier.

Tableau 4.7 : Ordres de grandeur de la porosité d’interstices.

D’après de Marsily, 1996.

La sécheresse de 1976, durement ressentie en Bretagne, a souligné la criticité des ressources en eau superficielle de cette région : l’image du « toit d’ardoise » qui lui était classiquement appliquée a dû être quelque peu modifiée : « La période de sécheresse de l’été 76 a été la cause d’une « première vague » importante de forages » (Quété et Chauvel, 1977). L’amélioration et le développement des techniques de forage (marteau fond de trou) ont permis de mettre en évidence la présence de fractures conductrices dans lesquelles circule suffisamment d’eau pour développer son exploitation. De nombreux puits ont ainsi été installés avec de bons résultats d’exploitation. En Bretagne, 20 % de l’alimentation en eau potable est aujourd’hui assurée par les eaux souterraines. Très

Nature géologique Valeur de porosité d’interstices

Granites et gneiss non altérés 0,02 à 1,8 %

Quartzites 0,8 %

Schistes, ardoises et micaschistes 0,5 à 7,5 %

Tufs volcaniques 30 à 40 %

souvent, il s’agit de petits aquifères dont la productivité est généralement faible : 400 à 1 000 m3/j (Touchart, 1999). Deux types d’aquifères peuvent être distingués en Bretagne : les bassins tertiaires et les roches fracturées.

Les premiers sont majoritairement localisés dans la partie orientale du Massif armoricain. Ils sont petits et superficiels ; leur épaisseur varie, pouvant atteindre quelques dizaines de mètres. Ils sont composés de faluns (sable coquillier) ou de sables siliceux plus ou moins argileux. Ces milieux ont la particularité d’avoir des porosités et des perméabilités très importantes (de Marsily, 1986 ; Castany, 1982). Ces aquifères sont très productifs ; cependant, en raison des circulations rapides, les réserves en eau sont limitées et la réalimentation est fortement dépendante de la pluviométrie. De plus, leur forte perméabilité les rend très vulnérables aux pollutions superficielles.

La nature géologique de la Bretagne induit inévitablement la prédominance du deuxième type d’aquifères de socle, contenus dans les zones de fracturation des roches. Deux ensembles se superposent, induisant l’existence de deux aquifères différents :

− un aquifère superficiel caractérisé par une « perméabilité de pore » : la texture limono-argileuse qui caractérise le plus souvent ces formations superficielles implique des paramètres hydrogéologiques médiocres et aggravés par le faible volume de l’eau emmagasinée (extension limitée de l’aquifère) ;

− un aquifère profond caractérisé par une « perméabilité de fissure » : cet aquifère est lié à la nature du substratum rocheux et à son degré de fissuration. Dans ces conditions, certains ensembles géologiques (grès, granite, roches métamorphiques grossières…, couloirs de fracturation) possèdent de bonnes caractéristiques hydrogéologiques et sont susceptibles d’être exploitées avec profit.

La nappe la plus couramment captée correspond à la nappe superficielle (ou nappe phréatique). Jusqu’à la fin des années 1970, la grande majorité des puits utilisés par les particuliers et les collectivités ont des profondeurs ne dépassant pas la dizaine de mètres ; ils sont ainsi très sensibles aux fluctuations saisonnières du niveau de la nappe dont l’amplitude normale est de l’ordre de quelques mètres. En cas de sécheresse prononcée, la nappe suspendue contenue dans le manteau meuble superficiel peut s’assécher totalement (Quété et Chauvel, 1977).

Pour l’aquifère profond, les fractures sont généralement verticales, localisées au niveau de zones de contact entre deux lithologies différentes, voire au sein d’une même formation géologique du fait de l’influence de la tectonique. Ce type d’aquifère est composé d’un manteau d’altérites en surface, qui représente la fonction capacitive, et d’un réseau de fractures, de pendage principalement vertical et de faible extension latérale, qui assure la fonction conductrice. Le plus souvent, les extensions hydrogéologiques se limitent à la zone de contact induisant une surface de recharge limitée. Les capacités de recharge sont fonction de l’épaisseur d’altération, de la présence ou non d’argiles dans les altérites, et des conditions météorologiques locales (pluviométrie, évaporation). L’exploitation de l’eau souterraine est possible si la fracturation est suffisante, ouverte et étendue, relayée par tout un réseau de fissures et de préférence surmontée par des niveaux altérés jouant un rôle capacitif. « L’aire d’alimentation de ces réservoirs par la fraction de l’eau de pluie qui s’infiltre est généralement d’extension limitée aux quelques dizaines d’hectares qui les surplombent directement » (Audren et al., 1993).

3.1.2. Aquifères côtiers et insulaires : une exploitation contraignante

Les aquifères qui peuvent être présents sur les littoraux et les îles sont souvent menacés par les intrusions d’eau salée du fait de leur proximité avec la mer. Le principe qui régit le fonctionnement hydrodynamique des ressources aquifères est celui de Ghyben-Herzberg. Il repose sur le simple fait que l’eau douce météorique qui ruisselle et s’infiltre à la surface de l’île, de densité égale à 1, est plus « légère » que l’eau salée de densité égale à 1,025 en moyenne. Ainsi, l’eau infiltrée « flotte » littéralement sur l’eau salée d’origine marine : une réserve hydrique se constitue ainsi, formant une lentille d’eau douce appelée aussi lentille de Ghyben-Herzberg. Une équation mathématique simple, fondée sur les valeurs de densité de l’eau, permet de localiser l’interface théorique eau douce - eau de mer en fonction du niveau piézométrique de la nappe :

, f s f s d d h h − = où :

hs est la profondeur d’eau douce sous le niveau de la mer,

hf est l’altitude de l’eau douce aquifère au-dessus du niveau de la mer, es et ef sont les densités respectives de l’eau salée et de l’eau douce.

Il est ainsi admis que pour un niveau piézométrique de + 1 m, la lentille de Ghyben-Herzberg est profonde de 40 m. Lors de l’exploitation de ces ressources, l’abattement de la nappe induit par le pompage doit être contrôlé, une baisse du niveau piézométrique de 1 m engendrant une remontée possible de l’interface avec l’eau de mer de 40 m.

Figure 4.14 : Schéma de la lentille de Ghyben-Herzberg : exemple de l’île de Molène.

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