• Aucun résultat trouvé

Les ressources hydriques endogènes des îles armoricaines

2. Normalité et variabilité hydroclimatique des îles bretonnes

2.2. Bilans hydrologiques moyens

2.2.2. Variations mensuelles des bilans hydrologiques moyens

La répartition mensuelle des précipitations est caractéristique du domaine tempéré océanique. De manière générale, la prédominance des pluies de front explique la fréquence élevée des précipitations et la modération des totaux pluviométriques, traduisant de faibles intensités moyennes. L’inertie thermique de l’océan et sa fraîcheur pendant l’été atténuent l’instabilité, ce qui a pour conséquence une diminution des pluviométries estivales par rapport aux pluviométries hivernales (Viers et Vigneau, 1990). Les apports pluviométriques des mois d’automne et d’hiver (octobre à mars) et des mois de printemps et d’été (avril à septembre) sont globalement de deux tiers un tiers pour les stations insulaires du Ponant.

En reprenant l’équation initiale du bilan hydrique (1) et en contractant ruissellement et infiltration sous le terme de pluies efficaces, comme il a été précédemment admis (Castany, 1982), il est possible de dresser les bilans hydrologiques mensuels des îles en situation d’insularité hydraulique, bilans quantitatifs qui corroborent évidemment la caractérisation hydroclimatique établie précédemment. La recharge des réserves hydrologiques assurée par les pluies efficaces est effectivement automnale et surtout hivernale (fig.3.6). Celles-ci apparaissent généralement en octobre où elles demeurent assez faibles ; une nette augmentation de la part du ruissellement et de l’infiltration s’observe dès le mois de novembre pour atteindre des maxima en décembre, janvier et février. Si « seulement » 68 % des pluies efficaces sont enregistrées au cours de ces trois mois à Houat, ils concentrent en moyenne les trois quarts des surplus hydrologiques à Ouessant, Sein, Groix et Belle-Île. Globalement, plus de 95 % des pluies efficaces sont enregistrés durant le premier semestre hydrologique (octobre à mars). Ces ratios sont sensiblement inférieurs pour les stations littorales de Brest-Guipavas (91 %), Quimper-Pluguffan (91 %) et Lorient-Lann-Bihoué (94 %) ; en revanche, ils se distinguent nettement pour le seul trimestre décembre-février qui ne cumule en moyenne que 57 % des pluies efficaces pour les deux premières stations, et tout de même 64 % pour la troisième.

En corollaire, l’évapotranspiration est moins importante pendant l’hiver et commence à croître en mars. La réserve utile peut être sollicitée dès ce mois pour combler les déficits pluviométriques. La part d’évapotranspiration augmente sensiblement jusqu’en mai. Alors que les températures moyennes sont plus élevées, le mois de juin marque globalement sa diminution : la réserve utile du sol ne suffit plus à compenser les déficits pluviométriques, elle se vide progressivement comme en témoigne la part de moins importante qu’elle occupe dans la complétion d’ETR. Le déficit d’évaporation s’installe alors durablement pour toute la période estivale. La réserve est presque vide en août ; le mois de septembre achève l’année hydrologique en dessinant le retour à des précipitations qui satisfont une évapotranspiration moins intense du fait du recul relatif des températures moyennes conjugué à celui des durées d’insolation. La réserve utile peut même commencer à se reconstituer. Cette reconstitution se prolonge durant l’automne : la situation revient à la normale en novembre ou en décembre.

Figure 3.6 : Bilans hydriques mensuels moyens (ETP Penman, période 1975-2005).

2.2.2. Bilans hydrologiques annuels moyens

A l’échelle annuelle, la variation moyenne de la réserve utile est nulle et l’équation du bilan hydrologique peut être simplifiée :

P = ETR + Peff,

où P représente les précipitations, ETR l’évapotranspiration réelle et Peff les pluies efficaces. Les précipitations annuelles moyennes dépassent difficilement 800 mm pour l’île de Sein, restant comprises entre 688 mm à Belle-Île et 771 mm à Groix (tab.3.2). Ces valeurs sont significativement inférieures aux totaux pluviométriques enregistrés dans les stations littorales du Ponant telles que Brest-Guipavas (1171 mm) ou Quimper-Pluguffan (1273 mm), voire de Lorient Lann-Bihoué (936 mm) ; leurs bilans hydriques sont finalement assez équilibrés, les hauteurs annuelles de précipitations étant mobilisées à parts presque égales par l’évapotranspiration, d’une part, et les ruissellements et les infiltrations, d’autre part (fig.3.7). Si les lames d’eau évapotranspirées sont du même ordre de grandeur tant pour les stations continentales qu’insulaires, une différence flagrante concerne les pluies efficaces qui sont deux à trois fois moins abondantes sur les îles. Ce déficit hydrologique relatif résulte directement de hauteurs de précipitations plus faibles au cours du premier semestre hydrologique (fig.3.6) : les stations météorologiques insulaires ne bénéficient pas des ascendances orographiques et surtout des effets de rugosité du relief côtier qui favorisent justement la formation des précipitations (Vigneau, 2005).

Tableau 3.2 : Valeurs moyennes annuelles et part relative des termes du bilan hydrologique des îles en situation d’autonomie hydraulique.

Stations Période Précipitations =

Evapo- transpiration réelle + Pluies efficaces Ouessant/Molène 1966-2005 715 = 531 (74 %) + 184 (26 %) Sein 1974-2005 815 = 580 (71 %) + 235 (29 %) Groix 1966-2005 771 = 607 (79 %) + 164 (21 %) Belle-Île 1966-2005 688 = 487 (71 %) + 201 (29 %) Houat/Hoëdic 1966-2005 775 = 515 (67 %) + 260 (33 %)

Relativement élevées par rapport à une moyenne annuelle française estimée à 470 mm (de Marsily, 1996), les valeurs insulaires d’ETR s’expliquent par la conjugaison de facteurs climatiques favorables : un ensoleillement généreux et la douceur des températures hivernales, qui participent d’ailleurs de leur attractivité touristique, ainsi que la prédominance du vent. Dans ce bilan, les lames d’eau disponibles pour la recharge des réserves hydrologiques représentent annuellement quelque 30 % des apports météoriques totaux, soit environ 200 mm. Ces chiffres sont d’ailleurs comparables aux conditions hydroclimatiques de certaines îles méditerranéennes, à l’instar de Rhodes pour laquelle les travaux du PNUE concluent à une perte par évapotranspiration de 70 % des précipitations annuelles moyennes (Manoli et al., 2004).

Figure 3.7 : Bilans hydriques annuels moyens (ETP Penman, période 1975-2005).

* * *

L’hydroclimatologie fonctionnelle des îles bretonnes étudiées est marquée par une dichotomie semestrielle évidente : le premier semestre hydrologique (octobre à mars) est humide et correspond à la période de recharge des réserves hydrologiques par voie de ruissellement et d’infiltration, le second semestre coïncide avec une période de déficit d’évaporation, l’été étant finalement une saison sèche. Pourtant, si ce canevas général donne une tendance moyenne, il ne saurait satisfaire des objectifs de gestion rationnelle des ressources en eau insulaires. La variabilité interannuelle du climat doit impérativement être intégrée et la notion de sécheresse introduite. L’intérêt de sa connaissance approfondie et de son étude géographique réside dans les impacts et les conséquences qu’elles peuvent effectivement avoir sur les ressources en eau insulaires car, « à terme, la préoccupation majeure est de pallier leurs effets néfastes » (Dubreuil, 1994).

3.

Sécheresses

et

variabilité

interannuelle

des

bilans

Outline

Documents relatifs