• Aucun résultat trouvé

4 Comme il se trouvait avec eux, il leur enjoignit de ne pas s’éloigner de Jérusalem,

mais d’attendre ce que le Père avait promis – ce dont, leur dit-il, vous m’avez entendu parler : 5 Jean a baptisé d’eau, mais vous, c’est un baptême dans l’Esprit saint que

vous recevrez d’ici peu de jours.

6 Ceux qui s’étaient réunis lui demandaient : Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu vas

rétablir le Royaume pour Israël? 7 Il leur répondit : Il ne vous appartient pas de

connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. 8 Mais

vous recevrez de la puissance quand l’Esprit saint viendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et en Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre (1.4-8).

258 Ibid., p. 130-131 : « Here we will consider Jesus’ responses that deflect away from himself the

recognition, honor (sincere or sarcastic), or attention a character, group of characters, or the narrator intends to give. The words of the Markan Jesus do not echo the words (titles, descriptions, assertions, questions) of the Markan unclean spirits and demons, crowds, and suppliants; John the baptizer; the disciples and other followers; the Jewish authorities; Pilate; or the centurion. »

2 – Comment? 2.3 – Christologie détournée

Tous conviennent que les premières lignes des Actes se superposent à la finale de l’évangile pour construire une transition avec l’épisode de l’ascension comme charnière259. Il n’y a donc rien de surprenant à trouver dans cette péricope le mode de fonctionnement de l’évangile avec Jésus qui donne l’instruction aux apôtres de rester à Jérusalem pour attendre ce que le Père avait promis, conformément à ce qu’il leur avait déjà dit (1.4), en faisant alors référence à Jean Baptiste (1.5). Cette annonce au sujet de l’Esprit saint est comprise par les apôtres comme une référence messianique et eschatologique, d’où leur question : « Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu vas rétablir le Royaume pour Israël? (1.6) », une question qui avait déjà été soulevée dans l’évangile (Lc 17.20-21; 19.11; 21.5-36)260. La réplique de Jésus dévie et ne répond pas vraiment à la question. Il attire l’attention sur un autre sujet, ce que les apôtres doivent maintenant attendre alors que Jésus est ressuscité et sur le point de disparaître (1.7-8). Jésus détourne subtilement la question des apôtres qui le caractérisaient comme celui qui va rétablir le Royaume (1.6) en éludant sa fonction messianique au profit de l’Esprit.

Jésus demande plutôt aux apôtres de rester à Jérusalem pour attendre l’Esprit, mais après, que va-t-il arriver? Par leur questionnement, ils remettent – involontairement – en question le plan divin; la réponse de Jésus corrige et fait alors office d’ouverture programmatique de l’ensemble du livre, selon une progression géographique (1.8)261. A priori, on n’apprend rien

de nouveau sur le personnage Jésus Vivant dans cette péricope où il dispose des mêmes traits que le Jésus de l’évangile. Cependant, si l’ouverture des Actes peut nous rappeler celle de

259 Marguerat, Les Actes des Apôtres (1–12), p. 44 : « Le prologue du livre des Actes (1.1-14) se

superpose à la fin de l’évangile (Lc 24.44-53) par un procédé de tuilage voulu du narrateur, afin de souder les deux parties de son œuvre. »

260 Conzelmann, Epp et Matthews, Acts of the Apostles, p. 6. 261 Tannehill, The Narrative Unity of Luke-Acts, p. 15-16.

2 – Comment? 2.3 – Christologie détournée

l’évangile où l’Esprit était très présent (1.15, 17, 35, 41, 67, 80; 2.25, 26, 27; 3.16, 22; 4.1, 14, 18), la référence à Jean Baptiste construit en quelque sorte une mise en parallèle. En effet, de la même manière que Jean corrige une erreur qui l’identifierait avec le Christ (Lc 3.15), celui qui est oint et qui donne l’Esprit, Jésus corrige une erreur concernant le temps eschatologique, c’est-à-dire le temps de l’effusion de l’Esprit saint. La question des apôtres concernait le temps où Jésus devait rétablir le Royaume pour Israël – avec l’action de Jésus comme point central. De la même manière que le personnage Jean s’efface au profit de son cousin, Jésus s’efface en 1.8 au profit de l’Esprit, en ne disant rien sur lui-même. Cet effacement est aussi confirmé par la manière dont les paroles du Jean de l’évangile sont reprises – et modifiées – par le Jésus des Actes. Dans l’évangile, Jean n’annonce pas seulement la venue de celui qui est plus fort que lui, mais aussi de celui qui baptisera dans l’Esprit saint et le feu (Lc 3.16). Or, en 1.8, Jésus amoindrit son rôle en ne s’identifiant pas à celui qui donnera l’Esprit – ce qui attire l’attention des apôtres, et du lecteur par la même occasion, sur ceux qui reçoivent ainsi que sur l’objet reçu : une puissance, l’Esprit saint. Bref, dès le début des Actes, le personnage Jésus prépare lui-même son recul, son effacement – mais d’une manière subtile, détournée. Cette caractérisation détournée permet de souligner le fait que ce n’est pas le narrateur qui choisit de gommer la prééminence du personnage principal de l’évangile dans les Actes, mais que cet effet est voulu par le personnage lui-même, dans une stratégie de caractérisation où son effacement sera plus porteur de sens que sa présence sur scène, ce que Charles Francis Moule a appelé la christologie de l’absence262.

262 Charles Francis Digby Moule, « The Christology of Acts » dans Leander E. Keck et James Louis

Martyn, éds., Studies in Luke-Acts, Nashville, Abingdon Press, 1999 (1966), 316, p. 179, mais aussi Conzelmann, The Theology of St. Luke, p. 185-186 et George W. Macrae, « ”Whom Heaven Must Receive Until the Time” Reflections on the Christology of Acts », Interpretation 27 (1973), 151-165, p. 160-165 cité par Ripley, « Those Things That Jesus Had Begun to Do and Teach », p. 87-88.

2 – Comment? 2.3 – Christologie détournée