Problématique II Tutorat collectif
Encadré 18 De la problématique aux questions de travail
Problématique Question de travail
Quelles sont, au sein des E.N.C., les sources d’écarts entre les pratiques stratégiques effectives et celles recommandées par les approches normatives et rationnelles?
Question de travail 1 :
En suivant la conception de Bruyat sur les dialogiques entre créateur et projet, n’y aurait-‐il pas également dialogiques entre les stratégies des individus et celles de la nouvelle entreprise expliquant pour partie les écarts entre les approches normatives et celles effectives?
⇒ exploration empirique (chapitre
3)
Question de travail 2 :
Une autre explication serait également à chercher dans les aménagements théoriques que les approches rationnelles ont subi depuis Simon et qui nous obligent à décrire l’ensemble des facteurs cognitifs pouvant avoir une influence sur la prise de décision stratégique.
⇒ exploration théorique (chapitre
4)
comporte une part d’implicite en présupposant une évolution d’une stratégie d’individu à une stratégie d’entreprise (B).
A - Stratégie d’entrepreneur et stratégie d’entreprise : l’explicite...
La formulation de question de recherche exige l’ébauche d’un cadre conceptuel (a) qui évite quelques fausses surprises (b).
a) Un cadre conceptuel préliminaire
“ Un cadre conceptuel décrit sous une forme graphique ou narrative les principales dimensions à étudier, facteurs-‐clés ou variables-‐clés, et les relations présumées entre elles ” (Huberman et Miles 1991181, p.19). En entrepreneuriat deux
cadres d’analyse prévalent. Le premier, proposé par W.B. Gartner, décrit quatre groupes de variables : les caractéristiques de l’individu qui démarre la nouvelle entreprise, le type d’organisation qu’il crée, l’environnement entourant la nouvelle firme et les processus par lesquels la nouvelle firme démarre (Gartner 1985182). Le deuxième de A.C.
Cooper, repris par B. Saporta, sophistique le “ framework ” précédent en proposant des liens entre groupes de variables et ajoute la performance comme résultat final (Cooper 1993183, Saporta 1994184)
181HUBERMAN, A.M. et MILES, M.B., Analyse des données qualitatives, De Boeck méthodologie de la recherche, 1991, 480p
182GARTNER, W.B., A conceptual framework for describing the phenomenon of new venture creation, Academy of management review, vol.10, n°4, 1985, p.696-706
183COOPER, A.C., Challenges in predicting new firm performance, Journal of business venturing, 8, (1), 1993, p.241-253
184SAPORTA, B. La création d’entreprise: enjeux et perspectives, Revue française de gestion, novembre décembre 1994, p.74-86
Au vu de la littérature sur la question des stratégies d’entrée des E.N.C. présentée dans le chapitre précédent, les variables environnement, entrepreneur, processus et entreprise créée peuvent être adaptées à notre sujet. Sans prétendre à l’exhaustivité, le détail des variables agit comme un guide, cadrant l’exploration empirique. La variable dépendante devient, dans notre cas, celle mesurant les écarts entre les pratiques effectives et les normes stratégiques souhaitées et conseillées par les gestionnaires dont nous acceptons l’existence comme un postulat de départ185. Enfin, A.C. Cooper
recommandant d’étudier les “ interrelations entre variables comme variable modératrice ”, nous définissons les éventuelles relations entre stratégies individuelles et stratégies collectives, comme modérant la relation entre les facteurs dépendants et ceux indépendants (Cooper 1993, p.243).
185Bien que le paradigme stratégique soit en cours de constitution, nous pouvons admettre que les modèles LCAG de l’école d’Harvard, l’approche d’Ansoff et celle de Porter forment le “ noyau dur ” au sens de Lakatos, soit des hypothèses de base sous-tendant le programme de recherche en stratégie. Ces théories, proches des modèles de résolution de problèmes (identification du problème, inventaire des solutions et choix d’une solution pour atteindre les objectifs) reposent sur la rationalité des acteurs et le suivi de raisonnements conformes à la logique. Notre objectif n’est pas ici de discuter ces théories mais d’accepter qu’elles constituent une forme de norme de référence des différents conseillers et partenaires à la création d’entreprise.
Figure 10 : Le cadre conceptuel de Cooper et al. 1993 (Saporta 1994)
caractéristiques de l’environnement caractéristiques de l’entrepreneur caractéristiques du
processus de création caractéristiques de l’entreprise créée
performanc e
b) Des questions de recherche délimitées pour éviter les fausses surprises
Construire des questions de recherche dans le cadre d’une étude exploratoire demande au chercheur un effort sur lui même : il contrarie son rêve d’explorateur en “ terra incognita ” qui se laisse aller aux charmes des découvertes, sans craindre de révéler des vérités éventées. Par défaut de cadre conceptuel, le risque est de se laisser surprendre par des résultats déjà lisibles dans le framework et sans questions en tête, l’exploration s’apparente à la superficielle “ balade touristique ”186, où l’on observe tout
et rien, avec pour seul butin un impressionnant fourmillement de détails, dont le sens général nous échappe.
Interroger l’entourage du créateur n’a pas été notre première démarche. C’est uniquement lorsqu’un entrepreneur nous a avoué avoir modifié sa stratégie personnelle à la demande insistante de son unique salarié, que nous avons décidé d’interroger les acteurs du processus entrepreneurial. De même, le choix d’une variable dépendante
186Thiétard 1999, p.51
Figure 11 : Cadre conceptuel de la recherche
Environnement Entrepreneur Entreprise créée Processus Dialogiques entre les dimensions individuelles et collectives de la stratégie Les écarts entre les stratégies effectives et normatives
portant sur les comportements effectifs demande de compléter l’interrogation des acteurs par des observations et consultations de données secondaires.
Sans limiter la recherche à l’énoncé fastidieux d’une liste de variables, nous avons plutôt souhaité explorer la manière dont certaines semblent agir plus que d’autres. Il s’agit en fait de hiérarchiser les priorités des données à collecter (Huberman et Miles 1991, p.56). Les interrelations entre stratégies deviennent ainsi notre objet principal de préoccupation et le rôle des caractéristiques de la création sur les écarts de pratique se placent au second rang, tant leur description serait peu conciliable avec un objectif d’exploration d’un thème neuf. Dans la même veine, la formulation ouverte des questions laisse une latitude au chercheur dans l’identification de nouvelles variables, qui viendront peut-‐être enrichir le guide conceptuel précédent.
B - ...et l’implicite
Les questions de recherche ainsi formulées comportent des présupposés d’ordre normatif non négligeables (a) qui enrichissent le cadre conceptuel d’une interrogation supplémentaire (b).
a) Présupposés normatifs