Section II La réduction du phénomène entrepreneurial aux seules entreprises nouvellement créées ou E.N.C.
Section 1 L’étendue des options stratégiques en question
C) Arguments portant sur les ressources
nombre restreint de segments souvent étroits avec un petit nombre d’activités présentant des points communs. On comprend bien qu’exercer plusieurs activités permettrait certes de bénéficier d’économies de champs, mais que cet objectif est inaccessible faute de détenir une expérience dans une activité initiale et de pouvoir profiter des apprentissages dans un secteur voisin.
C) Arguments portant sur les ressources
Il s’agit d’admettre que la concurrence entre nouveaux entrepreneurs s’exerce moins sur les clients -‐ ceux ci pouvant être versatiles et chaque entrepreneur proposant des innovations -‐ et davantage sur les ressources qui se trouvent au contraire des modes de satisfaction des besoins, en nombre limité dans l’environnement. La jeune entreprise aura tout intérêt à éviter cet affrontement sur les ressources et à choisir des stratégies peu coûteuses comme les stratégies visant à développer une activité précise. A contrario, les stratégies cherchant à bénéficier d’économies d’échelle comme celles de domination par les coûts, fortement demandeuses en augmentation de capacité de production ou d’achat semblent, par les investissements exigés, hors de portée des nouvelles firmes.
La nouvelle entreprise attirant plus difficilement qu’une autre les ressources nécessaires à son fonctionnement, se dotera alors d’objectifs peu excessifs, se détournant par exemple des compétences pointues d’un cadre, qui préférera, être recruté par une firme renommée, plutôt que par une nouvelle venue, dont la réputation reste à faire et la pérennité à prouver. Pour pallier son faible accès au ressources, l’entrepreneur décide de coopérer avec d’autres firmes afin de mettre en commun les moyens nécessaires. Les nouvelles entreprises sont ainsi incitées à nouer des alliances et les firmes établies mettent en place des politiques d’essaimage pour permettre à un de leur salarié de développer son propre projet.
Au-‐delà des stratégies peu coûteuses, la nouvelle entreprise cherche également par manque de ressources, à maintenir ses choix initiaux, s’ils paraissent satisfaire les intérêts des différents acteurs et correspondent aux objectifs à moyen terme de la firme.
En effet, chaque stratégie requérant des compétences et des procédures particulières, la nouvelle firme préfère donc concentrer ses efforts sur une stratégie de croissance suivie dans le temps, limitant ainsi une dispersion des ressources.
Boeker observe ainsi un maintien des choix initiaux chez les firmes survivantes par rapport à celles ayant cessé leur activité (Boeker 198997). Ce phénomène est
particulièrement remarquable lorsque la stratégie est qualifiée de dominante, c’est-‐à-‐ dire correspondant à un type stratégique clairement identifiable par l’environnement et retranscrit comme tel par l’entrepreneur. En fait, l’auteur interroge 51 fondateurs de firmes d’informatique de la Silicon Valley en utilisant la typologie de Maidique et Patch (premier entrant, stratégie du suiveur, du producteur au moindre coût et stratégie de niche98), car l’estimant plus adaptée au caractère technologique de la firme que celle de
Porter ou de Miles et Snow. A chaque fondateur, il demande de qualifier leur stratégie initiale et actuelle sur une échelle à 100 points, avec pour règle qu’une stratégie obtenant plus de 50 points est réputée unique ou dominante. Cette recherche met en évidence les corrélations entre les scores de points et le maintien des stratégies : les stratégies qualifiées de dominantes étant maintenues dans le temps et les autres, décrites comme multiples en raison des scores dispersés accordés par les fondateurs, sont modifiées dans le temps.
Ces stratégies dominantes seraient davantage reconnaissables que des stratégies mixtes et l’argument des ressources nous inciterait à recommander un positionnement stratégique net, évitant ainsi toutes stratégies hybrides ou enlisées dans la voie médiane, qui nuiraient à la reconnaissance de la nouvelle venue par l’environnement. On peut néanmoins avec l’auteur avancer des raisons plus psychologiques, pour lesquelles : les premiers choix engagent les acteurs, qui par volonté de cohérence et recherche d’un équilibre cognitif, préfèrent persévérer dans la voie initiale.
En résumé dans cette perspective, les nouvelles entreprises auraient intérêt,
pour des raisons de difficile accès aux ressources, à n’adopter ni des stratégies
97BOEKER, W., Strategic change: the effects of founding and history, Academy of management journal, vol.32, n°3, 1989, p.489-515
frontales de concurrence sur les ressources, ni des stratégies hybrides et à maintenir autant que faire se peut leurs premiers choix, signalant ainsi leur existence dans un nouvel environnement, par un positionnement stratégique, dont la nature importe moins que la clarté.
D) Arguments portant sur l’incertitude
Les nouvelles firmes font face à une importante situation d’incertitude. Elles vont dans leurs choix stratégiques, éviter d’accroître les risques en affrontant trop directement les entreprises existantes, qui, elles, bénéficient d’une expérience sur le marché. Les E.N.C. préféreront, du moins au démarrage, proposer un faible nombre d’activités (stratégie de spécialisation) mais également s’attacher à servir une cible étroite (stratégie de concentration fondée sur les coûts ou sur la différenciation). Le faible nombre d’activités proposées n’exige pas la maîtrise de savoir-‐faires trop nombreux, ni le recours à du personnel et des procédés variés. Toutefois “ une stratégie de spécialisation étroite favorise l’apparition de facteurs nouveaux de vulnérabilité -‐ par exemple, plus on se spécialise, plus le nombre de clients diminue ” -‐ (Saporta 1997 p.3111). L’entreprise peut donc souhaiter se diversifier sur les produits proposés, mais à condition de conserver des cibles étroites. En effet, le maintien d’une cible étroite se comprend dans la mesure où la firme devient de plus en plus efficiente sur son segment, qui, s’il reste raisonnable, ne sera que peu l’objet de convoitise des entreprises existantes. “ Les segments visés étaient médiocrement servis par les concurrents aux cibles plus larges... La nouvelle firme qui se concentre peut alors obtenir un avantage concurrentiel en se consacrant exclusivement à ces segments ” (Porter 1997 p. 28).
Une autre manière de réduire l’incertitude consiste à adopter des stratégies familières. Ainsi Feeser et Willard ont montré que les entreprises à succès
empruntent plus fréquemment que d’autres, des voies stratégiques expérimentées dans le passé professionnel de leur fondateur (Feeser et Willard
199099). Plus exactement leur recherche, portant sur 108 fondateurs de firmes
99FEESER, H.R., WILLARD, G.E. Founding strategy and performance: a comparison of high and low growth high tech firms, Strategic management journal, vol. 11, 1990, p.87-98