Section II La réduction du phénomène entrepreneurial aux seules entreprises nouvellement créées ou E.N.C.
Encadré 16 : les organisations incubatrices
B) Arguments d’efficience
relativement faible à la volonté des acteurs, tant cette dernière se trouve partagée entre les actions environnementales et les choix structurels et entre le mélange unique représenté par la congruence entre variables. A ce titre, la contingence comme argument à la pluralité des choix stratégiques est discutable. Néanmoins, nous sommes bien obligée de constater que la variété des configurations possibles ne limite pas les choix stratégiques et qu’une infinité d’options stratégiques est envisageable. Par conséquent les perspectives de la contingence, même si elles n’appartiennent pas strictement aux thèses volontaristes, permettent toutefois d’envisager des choix stratégiques multiples.
B) Arguments d’efficience
Une démarche efficiente consiste à chercher le meilleur rapport avantages/ coûts et à utiliser les moyens disponibles de la manière la plus productive. Si l’on conseille à chaque fois aux nouvelles entreprises de démarrer avec de faibles ressources et de chercher la stratégie la moins coûteuse, il se trouve pourtant des situations où, possédant d’importants moyens, il serait peu opportun de ne pas adapter la stratégie aux ressources. C’est particulièrement le cas des entreprises démarrant avec un capital appartenant en majorité à d’autres entreprises ou l’exemple plus particulier des filiales communes ou “ joints ventures ”. Les nouvelles venues pouvant bénéficier d’économies d’échelle et de champ ainsi que de la réputation des entreprises -‐ mères, il n’y a plus de raison valable à vouloir se cantonner à des niches inoccupées. Les performances des entreprises s’emparant d’une portion convenable de la demande et s’y maintenant sont supérieures à celles démarrant timidement et voulant croître par la suite. Ainsi, les choix stratégiques s’opérant bien en fonction des moyens et des objectifs, sont à ce titre très variés.
Biggadike, dans une recherche souvent citée, étudie les performances de 68 activités de biens industriels lancées par 35 firmes déjà existantes, dans des domaines sur lesquels elles n’intervenaient pas auparavant (Biggadike 1979126). Il remarque que
des manoeuvres de diversification consistant à démarrer sur un petit segment et à
vouloir gagner des parts de marché par la suite, sont doublement handicapantes. En effet premièrement, l’entreprise, partant d’une faible part de marché et souhaitant l’augmenter, devra fréquemment effectuer des sacrifices de marges aboutissant quelquefois à des situations de déséquilibre financier, deuxièmement, une part de segment modeste ne permet pas de bénéficier d’économies d’échelle et donc les marges du nouvel entrant se trouvent être par nature plus restreintes que celles des leaders, rendant l’entreprise fragile financièrement, dès son démarrage.
L’auteur conseille de rentrer sur une large échelle : les performances de ceux
qui s’emparent d’une portion convenable de la demande et s’y maintiennent sont supérieures à celles démarrant timidement et voulant croître par la suite. “ Le plus
grand risque [d’une nouvelle entreprise] est d’entrer sur une trop petite échelle ” (Biggadike 1979, p.108). Ainsi il s’agit d’adopter une stratégie de démarrage qui soit fonction de ses moyens et si ceux-‐ci sont importants, une entrée à large échelle ne peut être exclue sans autres raisons.
Cette volonté d’utiliser les ressources de la manière la plus productive qui soit, se fait également sentir lorsque ces dernières sont restreintes. Il en est de la sorte pour les 203 femmes créatrices de commerces de détail de moins de 6 ans étudiées par Carter et al. (Carter et al. 1997127). Remarquant, de manière générale, que les entreprises lancées
par des femmes nécessitent moins de ressources que celles initiées par des hommes et sans en vouloir chercher les causes, a priori d’ordre sociologique, ces chercheurs se demandent si les faibles ressources initiales ne pourraient pas être compensées
par des choix stratégiques judicieux. Leurs résultats mettent en évidence des
stratégies de généraliste, c’est-‐à-‐dire proposant plusieurs activités, permettant de faire diminuer les probabilités de discontinuité de l’activité -‐ une firme en discontinuité d’activité correspondant ici à une entreprise que les chercheurs n’ont pu contactée, soit parce qu'elle a cessé son activité, soit parce qu’elle est dormante, rachetée ou ayant fusionné 128. Les choix stratégiques répondent à une utilisation optimale des ressources
127CARTER, N.M., WILLIAMS, M. et REYNOLDS, P.D., Discontinuance among new firms in retail: the influence of initial resources, strategy and gender, Journal of business venturing, 12, 1997, p.125-145
128 Les chercheurs américains semblent faire les mêmes distinctions que ceux de l’APCE en France entre taux de continuité de l’entreprise et taux de survie de l’entrepreneur. La recherche de Carter et al. s’intéresse au taux de discontinuité de l’entreprise, qui nous semble un indicateur plus pertinent si l’on s’intéresse aux entreprises.
mais il faut bien reconnaître que certaines conditions concurrentielles facilitent plus ou moins la prise de décision.
C) Des conditions concurrentielles favorables
Certaines caractéristiques des concurrents sont susceptibles de favoriser le recours pour des E.N.C. à un ensemble très divers de comportements stratégiques. Cooper et al. remarquant que le concept de niche est trop limité pour décrire la variété des comportements stratégiques des nouvelles entreprises, étudient le cas de cinq d’entre elles qui, tenant tête aux firmes importantes, vont jusqu’à leur prendre leurs clients (Cooper et al. 1986129). L’intérêt de cet article repose moins sur la méthode
employée, qui utilise les cas comme des illustrations, que sur l’examen des conditions concurrentielles favorables à l’entrée de challengers sérieux dans des marchés dominés par des grandes entreprises comme ceux de la téléphonie, de l’informatique, de l’alimentaire des compagnies aériennes et des aciéries.
Pour Cooper et al., lorsque les produits des concurrents sont fortement
standardisés ou bien facilement substituables par d’autres produits ou encore s’il existe d’importantes distorsions de prix dans le secteur, comme c’est le cas
actuellement dans le secteur de la téléphonie, la nouvelle entreprise peut chercher à tirer profit de ces caractéristiques structurelles ou passagères pour entrer sur le marché avec toute la panoplie des stratégies possibles. Pour tester le pouvoir d’application au contexte français, nous avons rencontré le fondateur d’une société de téléphonie française qui nous permet d’illustrer par un mini cas la création d’une entreprise dans un secteur occupé par de très grandes entreprises, dans un marché présentant de fortes distorsions tarifaires.
Remarquons que cette distinction est très importante en fonction des secteurs comme dans celui des cafés hôtels restaurants: pour les seuls cafés le taux de survie à 7 ans est de 30 % alors que celui de continuité est de 82 %. (APCE)
A.P.C.E., Taux les plus faibles de survie à 7 ans des chefs d’entreprise par activités fines (créations et reprises cumulées) Observatoire de l’APCE, 08-10-97, 4p.)
129COOPER, A.C., WILLARD, G.E. et WOO, C.Y., Strategies of high - performing new and small firms: a reexamination of the niche concept, Journal of business venturing, 1, 1986, p.247 - 260