C HAPITRE 6. D YNAMIQUES VEGETALES REGIONALES DEPUIS 1974
III. IMPLICATIONS DES PRATIQUES PASTORALES GENERALES
I.3. D ES ESTIVES OVINES EN COURS DE FERMETURE
I.3.
D
ES ESTIVES OVINES EN COURS DE FERMETURELes estives ovines suivent des trajectoires variables avec des espaces fermés (strates arbustive et arborée) mais dans des proportions moindres (de 40 à 49 % en moyenne). Chaque estive semble suivre une trajectoire propre.
La dynamique végétale sur Manson entre les deux dates (tab.20, fig.56) s’apparente à celle des estives bovines, par une nette amélioration du pâturage liée au recul de la lande (77 % des landes en 1974 sont herbacées en 2004) et une proportion d’arbustes inférieure à celle d’arbres, significative d’une stabilisation de la colonisation ligneuse. Les aménagements de drains sur cette estive ont également permis un recul des zones humides au profit de la pelouse (60 % des zones humides sont en pelouse en 2004). Par ailleurs, on peut observer, sur la carte de 1974, la présence de deux layons de girobroyage sur le parc de la Fontaine Saint‐Aubin. Cette technique plus légère de girobroyage est mise en place en soutien à l’action du troupeau bois pour clôturer les parcs. Cependant, il peut s’agir également d’erreurs dans la digitalisation ou de calage entre les différentes photographies aériennes. La méthode d’orthorectification, malgré les 50 points de calage peut avoir des limites…
Tableau 20 : Part des surfaces (en pourcentage) des estives et parcs ovins en 1974 et 2004.
SN : sol nu, affleurements rocheux ; P : pelouses ; L : landes ; a : arbustif ; A : arboré ; C : cultures. ZH : zone humide.
M : Manson ; O : Orcines ; F : Fontêtes ; Re : Recoleine
Orcines (fig.57‐58) suit une évolution toute particulière avec une perte d’espaces ouverts de 10 % au profit de la strate arbustive pour 31 % et de la strate arborée pour 30 % (on note plus d’implantations d’arbres sur les landes, 17 %, que sur les pelouses, 13 %). A titre comparatif, la moyenne des zones herbacées dans les autres estives ovines s’élève à 55 % (avec 83 % à Manson) contre 26 % pour Orcines. En ce qui concerne la lande, on remarque une régression importante en zone centrale au profit des herbacées (fig.55). Ce secteur, où se trouvent un second parc de tri, la cabane du berger mais également une zone d’abri arbustive, est donc fortement pâturé et marqué par la présence de Nardus stricta. La surface en forêt est, quant à elle, passée de 50 à 180 ha en 30 ans, ce qui fait une moyenne de déploiement de 4 ha/an, elle est majoritairement issue de l’évolution naturelle des taillis arbustifs (43 %). Cette strate arbustive recouvre actuellement 180 ha contre 224 ha en 1974, la dynamique semble donc en cours de régulation même si les proportions restent importantes.
Figure 55 : Au premier plan, touffes de Nardus stricta à proximité du parc de tri et de la cabane de berger sur le parc principal d'Orcines, en arrière plan taillis de Corylus avellana sur le contrebas du petit puy de Dôme (ML, 07/09).
L’estive des Fontêtes (fig.59) est caractérisée par une dynamique ligneuse moyenne avec une progression naturelle de la strate arborée à partir de la strate arbustive (90 % des arbustes en 1974 sont des arbres en 2004). L’implantation arborée s’est également produite aux dépens des zones ouvertes, avec une diminution des espaces ouverts de 24 % (12,5 % de pelouses et 11,5 % de landes). Ce phénomène est dû à une colonisation par dispersion provenant des plantations à Picea abies proches. L’évolution de la lande est également particulière avec une amélioration du pâturage dans la plaine du puy des Gouttes aux dépens des flancs du volcan, et dans les parcs nommés Bruyères rouges au nord, une inversion de la qualité fourragère.
Ces deux parcs sont actuellement envahis de cytisaies qui évoluent sans contrainte mécanique.
Année 1974 2004
Type SN P L a A ZH C SN P L a A ZH
M 0 67 31 0,5 0,5 1 0 0 83 6 2 8 1
O 3 32 21 35 8 0 1 1 26 16 29 28 0
F 1 52 29 7 11 0 0 0 38 35 0 27 0
BLC 0 20 20 52 8 0 0 0 63 3 20 14 0
Re 4 31 63 2 0 0 0 2 36 5 20 37 0
Figure 56 : Evolution de l'occupation du sol sur l'estive de Manson entre 1974 et 2004.
Tableau de contingence : SN : sol nu, affleurements rocheux ; P : pelouses ; L : landes ; a : arbustif ; A : arboré ; C : culture ; ZH : zone humide ; EE : étendue d’eau. MMN : Monges nord ; MMS : Monges sud ; MPM : Puy de Manson ; MFSA : Fontaine Saint‐Aubin ; MPA : parc de l’abreuvoir.
Figure 57 : Occupation du sol sur l'estive d'Orcines en 1974. Tableau de contingence : SN : sol nu, affleurements rocheux ; P : pelouses ; L : landes ; a : arbustif ; A : arboré ; C : cultures.
OFB : Fontaine du Berger ; OPC : Parc des Collières ; OPP : Parc Principal ; OPPg : Parc du Péage ; OPPg2 : Parc du Péage 2.
Figure 58 : Occupation du sol sur l'estive d'Orcines en 2004. Tableau de contingence : SN : sol nu, affleurements
rocheux ; P : pelouses ; L : landes ; a : arbustif ; A : arboré ; C : cultures.
OFB : Fontaine du Berger ; OPC : Parc des Collières ; OPP : Parc Principal ; OPPg : Parc du Péage ; OPPg2 : Parc du Péage 2.
Figure 59 : Evolution de l'occupation du sol sur l'estive des Fontêtes entre 1974 et 2004.
Tableau de contingence : SN : sol nu, affleurements rocheux ; P : pelouses ; L : landes ; a : arbustif ; A : arboré.
Figure 60 : Evolution de l'occupation du sol sur l'estive de Recoleine entre 1974 et 2004.
Tableau de contingence : SN : sol nu, affleurements rocheux ; P : pelouses ; L : landes ; a : arbustif ; A : arboré.
RM : parc Montgy ; RL : parc Lassolas ; RLM : parc La Moulerir ; RP : parc Pourcharet.
Les parcs ovins de Beaune‐le‐Chaud (fig.52) ont vu une nette amélioration de leur pâturage avec le recul de la lande (80 % des landes sont herbacées en 2004). Les taillis arbustifs des années 1970 ont évolué naturellement vers la forêt (à 15 %) mais ont également été majoritairement coupés (50 %) ainsi que les arbres (54 %) comme dans les parcs bovins. Aujourd’hui la strate arbustive est toujours plus couvrante que la strate arborée, la dynamique de fermeture est donc encore active.
Les parcs ovins de Recoleine (fig.60) ont subi la plus forte dynamique de colonisation ligneuse du secteur, avec l’évolution de leur taux de fermeture de 2 à 57 % entre 1974 et 2004. Comme pour les Fontêtes, la proximité de plantations à Picea abies a provoqué un essaimage galopant, 60 % des pelouses, 47 % des landes et 66 % des arbustes de 1974 sont ainsi maintenant recouverts d’arbres. La proportion d’arbustes actuelle, couvrant encore 20 % du territoire, implique une dynamique végétale toujours forte. La disparition de la lande (baisse de 58 %) au profit d’arbustes et d’arbres à 70 % est aussi significative d’une amélioration du pâturage (vers des herbacées), en contrebas des puys, à hauteur de 23 %. Ainsi, on assiste sur cette estive à une dichotomie entre espaces ouverts de bonne qualité fourragère et espaces fermés encore dynamiques.
Bilan
La situation des estives à l’heure actuelle, caractérisée dans le chapitre précédent, se trouve ici mieux expliquée du fait de l’analyse diachronique. On observe des trajectoires variées, et des situations beaucoup plus complexes que ne laissent le prévoir les séries évolutives généralement admises dans la bibliographie.
Les dynamiques sont parfois beaucoup plus rapides, concernant notamment l’installation de Picea abies, et parfois beaucoup plus lentes du fait des pratiques (girobroyage, clôtures légères notamment) et des abandons ou reprises successifs. On observe ainsi des allers‐retours de strates basses à hautes et inversement. Les variables nécessaires à la compréhension de ces dynamiques ne sont donc pas uniquement écologiques, elles sont également morphopédologiques et liées à l’évolution temporelle des pratiques et leur impact. On peut d’ores et déjà signaler que les estives ovines ont suivi une dynamique ligneuse beaucoup plus agressive que les estives bovines, et que cet état est clairement le fait des types de pratiques plus que du type de bétail. On peut également apercevoir, au sein de ces unités, des variations selon le type morphopédologique (puy/plateau). La partie suivante s’attache à montrer ces inégalités.
II. ROLE DU CONTEXTE MORPHOPEDOLOGIQUE DANS LES EVOLUTIONS VEGETALES
puys, sauf Manson, qui est sur le plateau. Or, Manson voit sa dynamique végétale significativement identique à celle des estives bovines (hormis le parc du puy de Manson), et le parc bovin de Recoleine subit une colonisation végétale sur les flancs du puy Pourcharet alors que la zone basse est très ouverte. Nous avons donc choisi d’éliminer la distinction ovin‐bovin dans l’analyse suivante, afin de distinguer seulement la dichotomie puys/plaine108. Sur le terrain, comme sur les cartes (fig.61, 62, 64, 65), les puys apparaissent beaucoup plus boisés et embroussaillés que les zones planes des estives. L’estive d’Orcines est assez caractéristique de cette dichotomie, mais elle se retrouve également sur celle des Fontêtes et de Recoleine que nous avons choisi de présenter ici plus en détails.
108 L’analyse pourrait être enrichie des distinctions morphopédologiques plus précises émises dans la présentation de la zone d’étude, mais l’acquisition de ces données était trop chronophage pour être développée dans le cadre de la thèse.
II.1.
C
ONSIDERATIONS METHODOLOGIQUESA partir des courbes de niveau et de la carte volcanologique de la Chaîne des puys, nous avons pu dissocier les entités puys/fortes pentes et zones planes pour chaque estive concernée. La localisation et les distinctions géologiques de ces entités sont visible en figure 61. Puis, les cartes de végétation établies au préalable ont été découpées selon cette trame et analysées séparément. Ensuite, nous avons analysé et quantifié la répartition de la couverture végétale dans le secteur en 1974 et en 2004.