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LES DÉVELOPPEMENTS DE CES RÉFORMES : LE CAS DE NOGENT

L a p r é p a r a t i o n et l ' o r g a n i s a t i o n d e l ' a r r ê t d e t r a n c h e d e N o g e n t s ' i n s - c r i v e n t d a n s le p r o l o n g e m e n t d e s r é f o r m e s a m o r c é e s a u B u g e y . L e n o m b r e d e s C h a r g é s d ' a f f a i r e et d e s C h a r g é s d e c o n t r ô l e a c o n s i d é r a - b l e m e n t a u g m e n t é , s u i v a n t e n cela l ' a c c r o i s s e m e n t d e s t r a v a u x c o n f i é s a u x e n t r e p r i s e s privées. P l u s d e 9 0 % d e s t r a v a u x d e l ' a r r ê t s o n t réalisés p a r la s o u s - t r a i t a n c e , c ' e s t - à - d i r e q u e la t o t a l i t é d e s t r a v a u x m é c a n i q u e s s o n t s o u s - t r a i t é s . M i l l e p r e s t a t a i r e s t r a v a i l l e n t s u r le site t o u t a u l o n g d e s 4 7 j o u r s q u e v a d u r e r l ' a r r ê t a n n u e l . L e s a g e n t s d e m a i n t e n a n c e d ' E D F , q u ' i l s s o i e n t t e c h n i c i e n s , t e c h n i c i e n s c o n f i r m é s o u c o n t r e m a î t r e s , n ' e x é - c u t e n t p l u s d e t r a v a u x p e n d a n t les a r r ê t s : ils a s s u r e n t la s u r v e i l l a n c e d e s c h a n t i e r s t e n u s p a r les s o u s - t r a i t a n t s .

L a p r é p a r a t i o n de l ' a r r ê t axée s u r les contrats passés a v e c les prestataires

L a p r é p a r a t i o n d e l ' a r r ê t d e N o g e n t e s t p l u s a p p r o f o n d i e et p l u s l o n g u e q u e celle p r a t i q u é e a u B u g e y . C o m m e à D i a b l o C a n y o n e t a u B u g e y , u n e o r g a n i s a t i o n t e m p o r a i r e est m i s e e n p l a c e . Six à s e p t m o i s a v a n t le d é b u t d e l ' a r r ê t le « n o y a u d u r » d e s a c t e u r s d e la « S t r u c t u r e d ' a r r ê t » est n o m m é . L e c h e f d ' a r r ê t est d é s i g n é p a r le d i r e c t e u r d é l é g u é d u site et il agit s u r « l e t t r e d e m i s s i o n » ( u n e n o u v e a u t é s u r les sites n u c l é a i r e s d ' E D F ) , s o n a d j o i n t est é g a l e m e n t n o m m é , ainsi q u e les res- p o n s a b l e s d ' a c t i v i t é s c ô t é m a i n t e n a n c e , le C h e f d ' E x p l o i t a t i o n d é t a c h é et u n c a d r e t e c h n i q u e p o u r la C o n d u i t e . E n p a r a l l è l e , u n e p e t i t e cellule d e p l a n i f i c a t i o n se m e t e n p l a c e , a v e c u n c o n t r e m a î t r e p l a n i f i c a t e u r et u n t e c h n i c i e n , d e f a ç o n t o u t à fait s i m i l a i r e à c e q u e n o u s a v o n s d é c r i t p o u r le site d u B u g e y . L e c h e f d ' a r r ê t n e c h o i s i t p a s les m e m b r e s d e s o n é q u i p e , c e s o n t les services q u i d é s i g n e n t les a g e n t s q u i s e r o n t affectés a u x a c t i v i t é s d e l ' a r r ê t d e t r a n c h e .

« La gestion des personnes, elle ne m ' i n c o m b e pas. Ce sont les chefs de service qui définissent les responsables d'activités et les chargés d'affaire, mais ceci est peut-être en train de changer car il devrait y avoir u n consensus. » (Chef d'arrêt, Nogent)

« Six mois avant l'arrêt, en a m o n t de l'arrêt, on se met ensemble avec l'autre responsable d'activité et on choisit nos chargés d'affaire, on regarde le retour d'expérience, qui a fait quoi et qui est susceptible de faire, et on décide après

avec l'aval du chef de service. Après on choisit les chargés de contrôle en y impliquant les contremaîtres... Ça arrive que le chef d'arrêt soit pas d'accord avec certains choix et à partir de l'an prochain le chef d'arrêt sera impliqué, ce qui me semble tout à fait normal. » (Responsable des activités primaires, Chef d'exécution, Nogent)

La cellule de Conduite est constituée plus tardivement, quelque trois mois avant le début de l'arrêt, et ses membres, le chef d'exploitation déta- ché - anciennement d é n o m m é ingénieur de Conduite, et d o n t les fonc- tions en ce qui concerne l'arrêt de tranche restent les mêmes -, u n cadre technique et deux contremaîtres d'exploitation (CME) sont arrivés de façon décalée. C o m m e dans le cas du Bugey, la cellule de Conduite est concernée par la création des consignations mères et la programmation des demandes de régimes.

Le planning de l'arrêt est également discuté plus en amont que dans le cas du Bugey. Plusieurs scénarios sont m ê m e étudiés par une Struc- ture Permanente d'Arrêt de Tranche (SPAT), qui ensuite les propose au directeur délégué du site et au chef d'arrêt.

« Cette année il y avait plusieurs scénarios, il y en avait quatre, un à 39 jours, un à 40 jours et deux à 41 jours, ils ont retenu le plus court, moi j'aurais pas retenu celui-ci et puis c'était pas forcément le moins cher... pourquoi ils ont choisi le plus court j'en sais rien, le mieux c'était le 40 ou le premier des deux 41. C'est le plus cher, le 39, parce qu'on va faire travailler les gens le dimanche. » (Membre de la Structure Permanente d'Arrêt de Tranche, Nogent)

U n e fois la décision de la durée de l'arrêt prise, les modifications de dernière minute, qui étaient monnaie courante par le passé, ne sont plus tolérées. Deux à trois mois avant l'arrêt, le programme des activités est définitivement gelé.

« Au 24 juillet [1994], j'ai envoyé une télécopie à Paris en disant on s'ar- rêtera le 24 septembre, j'envoie ça à l'Exploitation du Parc Nucléaire et déjà cinq à six mois avant le début de l'arrêt, les dates elles bougent plus dans le

"planum" hors variation climatique. » (Préparateur Structure Permanente d'Arrêt de Tranche)

La durée et l'enchaînement de l'arrêt connus, la phase des passations de commande aux prestataires commence. Une fois que les « affaires » ont été découpées, que les travaux ont tous été identifiés d'après les listings des programmes de base par les préparateurs, les 25 « chargés d'affaire », récupèrent un dossier qu'il faut monter, éplucher et ordonner. Les dos- siers montés en affaire concernent les activités du « chemin critique ».

Désormais, pour les travaux dont les fournisseurs ou prestataires ne sont pas imposés par les services centraux parisiens, c'est-à-dire pour les activités que le site peut gérer directement, l'objectif est de favoriser les

« mises en concurrence » et les « appels d'offre » afin de retenir les pres- tataires offrant le meilleur service au meilleur prix. La passation de contrats «au forfait» est fortement encouragée. C o m p t e tenu de la connaissance apportée par les expériences des arrêts de tranche passés, les sites considèrent que les entreprises doivent être capables de propo- ser la révision d ' u n ensemble de vannes pour u n « forfait », au prix fixe

Une fois que les « chargés d'affaire » sont suffisamment familiarisés avec l'ensemble des travaux, ils rédigent les cahiers des charges, les « Cahiers des Clauses Techniques Particulières », afin d'aboutir à des propositions de commandes. Ils contactent alors les entreprises et s'appuient dans leurs démarches pour les aspects commerciaux et tarifaires sur le tout nou- veau « service des marchés » du site.

« Nous on s'imprègne de tout ce programme de base donné par la prépa- ration. Là-dessus on tient compte des modifications, des affaires génériques, on recueille tout ce qu'il y a à faire sur la cuve, on regarde tous les incidents sur les autres sites grâce aux fiches événements, on a maintenant un chargé d'affaire à UTO sur lequel on peut s'appuyer, une fois qu'on a tout en main on contacte toutes les entreprises, mais bon des fois on n'a pas le choix... On délimite bien les responsabilités, les commandes c'est nous, on fait des pro- positions de commande. » (Chargé d'affaire à Nogent)

Outre les activités de passation de commandes, les « chargés d'affaire » doivent également planifier l'enchaînement des travaux dont ils sont res- ponsables. Ils doivent programmer dans le détail l'enchaînement des phases et anticiper toutes les demandes d'assistance dont pourraient avoir besoin les équipes travaillant sur leur affaire. T o u t un ensemble de liens logiques et d'arbitrages aussi bien techniques que logistiques est de leur ressort. Enfin, peu avant l'arrêt, ils doivent préparer les demandes de régimes.

1. Si leurs salariés m e t t e n t moins de temps q u e prévu, l'entreprise fait donc u n béné- fice. E n revanche, si elle dépasse le temps qui lui est impartie, elle ne sera pas payée davan- tage. A l'exception bien sûr des cas o ù il est prouvé q u e c'est par la faute d u site que l'en- treprise a enregistré des retards dans l'exécution de son contrat. C o m p t e tenu des aléas que les activités de maintenance recèlent, il n'est pas rare q u e des litiges opposent les agents d ' E D F en charge des dossiers, chargés d'affaire ou responsables d'activités, et les respon- sables de chantier côté entreprises, ingénieurs d'affaire, ou chefs de chantier. N o u s aurons l'occasion d'y revenir.

« Une fois que le chargé d'affaire a mis au point toute son intervention, il faut caler les interfaces avec tous les autres services, et la planification au fond c'est le plus gros travail, on doit aller rendre visite à tous les autres services pour se coordonner. » (Chargé d'affaire à Nogent)

Une fois que les commandes sont passées, que les appels d'offres ont eu lieu, les «chargés d'affaire» préparent les «réunions d'enclenche- ment » et la « levée des préalables » c o m m e par le passé. Les agents des sites de production nucléaire sont peu habitués à cette rigueur dans les négociations avec les prestataires. Certains y ont mis un certain enthou- siasme, n o t a m m e n t les jeunes embauchés, titulaires de BTS, d'autres n'ont de cesse de critiquer sans relâche u n processus qui, disent-ils, leur a fait perdre tout leur savoir-faire technique.

En conclusion, on peut dire que la préparation de l'arrêt de tranche de Nogent est une préparation qui se place plus en amont que celle d u Bugey, avec la mise en place de « chargés d'affaire » et l'établissement d ' u n planning et d ' u n « chemin critique » beaucoup plus tôt. D e surcroît, elle obéit aux nécessités de passer des contrats beaucoup plus détaillés et rigoureux que par le passé.

Une Structure d'arrêt bicéphale

L'organisation temporaire mise en place à Nogent a deux centres ner- veux : le premier constitué par les « bungalows », où siègent les « Char- gés d'affaire » et le second, constitué par la « Structure d'arrêt « propre- ment dite, où siège l'équipe du Chef d'arrêt.

Les bungalows. - Quelques deux semaines avant le début de l'arrêt, les

« bungalows », qui désignent le groupement d'algécos installés au pied du bâtiment de la structure d'arrêt, entrent en effervescence. Ils sont peu- plés des « Chargés d'affaire », qui y occupent u n bureau, et des « Char- gés de contrôle », qui peu à peu prennent possession des dossiers qu'ils auront à contrôler. O n y croise également les chefs de travaux ou les repré- sentants des entreprises privées qui commencent à se renseigner et à prendre contact avec les personnels d ' E D F qui seront chargés de sur- veiller leurs chantiers.

Les « Chargés de contrôle », techniciens et ouvriers des services de maintenance du site, ont deux semaines pour prendre connaissance des dossiers d'intervention. Il leur faut s'assurer que les dossiers sont com- plets, présentant toutes les pièces requises pour effectuer leurs missions.

Ils constatent tous que c'est rarement le cas. Ils inscrivent les phases sur

les plans de qualité où ils souhaiteraient être appelés. Beaucoup soulignent q u ' à partir du m o m e n t où ils sont nommés, la gestion informelle des rela- tions avec les prestataires, exécutants comme chargés de chantier, leur incombe. Pourtant rien n'indique qu'ils doivent s'en occuper. Il ne s'agit pas forcément des relations relatives aux contrats, qui sont bien davan- tage le domaine des « Chargés d'affaire », mais de celles relevant du quo- tidien, en particulier concernant l'emploi du temps « réel » des hommes des chantiers. En effet, en dépit de la préparation conséquente des plan- nings, tant que les chantiers n'ont pas démarré, les emplois du temps heure par heure des exécutants ne sont pas connus. Or les prestataires ont abso- lument besoin de connaître à quel m o m e n t exact ils doivent arriver, et surtout combien de week-ends libres ils peuvent espérer afin de rentrer dans leurs familles. Ils cherchent par exemple à savoir s'ils pourront, en s'arrangeant tacitement avec les « Chargés de contrôle » et le « Chargé d'af- faire », quitter le site le vendredi vers midi de façon à rentrer chez eux dans la soirée, en acceptant de travailler 14 ou 15 heures d'affilée sur les chan- tiers le reste du temps, ce qui est illégal. Autant d'arrangements que les

« Chargés de contrôle » acceptent parfois de mettre sur pied avant ou pen- dant l'arrivée des prestataires sur le site. Les tâches du «Chargé de contrôle » sont laissées pour une bonne part à sa libre interprétation.

Les relations entre les « Chargés d'affaire » et les « Chargés de contrôle » se nouent rapidement : les h o m m e s se connaissent bien, ils appartien- nent aux rangs de l'Exécution du site. Bien qu'il n'existe officiellement pas de liens hiérarchiques explicites entre les Chargés d'affaire et les Char- gés de contrôle, il semble bien que de telles relations sont assumées par les Chargés d'affaire.

« Moi, je prends comme telle l'existence de liens hiérarchiques entre Char- gés d'affaire et Chargés de contrôle, pour moi le Chargé d'affaire c'est un donneur d'ordres à la fois pour les entreprises et pour les Chargés de contrôle, les Chargés de contrôle c'est l'œil et les bras du Chargé d'affaire, un peu comme le rondier et l'opérateur. » (Chargé d'affaire, Nogent)

Les fonctions de Chargé d'affaire sont assurées par les contremaîtres et des techniciens supérieurs du site. Quant aux Chargés de contrôle, ce sont la plupart du temps des techniciens, voire parfois des techniciens supérieurs, qui ont refusé d'occuper les fonctions de Chargé d'affaire.

La Structure d'arrêt. - Le chef d'arrêt et ses responsables d'activité occu- pent le deuxième étage d ' u n petit bâtiment de maintenance. Les res- ponsables d'activité sont tous des Chefs d'Exécution, mais on constate plusieurs nouveautés : la présence de jeunes ingénieurs de service comme

adjoints ; d'autre part, la présence de préparateurs à la Structure d'arrêt ; enfin l'existence d'une cellule budgétaire, qui fournit au C h e f d'arrêt des documents lui permettant de faire un suivi financier très serré de son arrêt.

Les « Chargés d'affaire » des bungalows dépendent théoriquement des res- ponsables d'activité, mais en pratique leurs liens sont plutôt lâches. Enfin, autour du Chef d'Exploitation, on peaufine le planning des activités Conduite, et on prépare les régimes de consignation, de manière à pra- tiquer les retraits d'exploitation le plus sereinement possible.

O n a donc constaté que la préparation de l'arrêt de tranche de Nogent est beaucoup plus poussée que celle du Bugey. Une plus grande rigueur entoure la passation des commandes aux prestataires et des change- ments importants ont eu lieu dans les pratiques de travail. O n s'interro- gera cependant dans le chapitre suivant sur l'acceptation par les agents E D F de cette nouvelle donne, qui, on le pressent déjà, affaiblit le pou- voir de la maîtrise E D F .

3. L ' E X C E P T I O N D E N O R T H A N N A : L ' A R R Ê T E S T U N N O N - É V É N E M E N T

North Anna fait figure d'exception par rapport aux trois autres cen- trales. Point de préparation à outrance comme à Diablo Canyon, point d'Outage Control Center ou de « Structure d'arrêt », pas plus de « Chargés d'affaire » que de « Chargés de contrôle ». Aucuns moyens supplémen- taires ne sont dédiés à la préparation et à la réalisation d ' u n arrêt de tranche et chacun fonctionne c o m m e à l'habitude.

« On essaie vraiment de ne pas changer notre façon de faire entre les périodes sans arrêt et les périodes d'arrêt de tranche. » (Superintendant Préparation et Planning, North Anna)

A. UNE PRÉPARATION CENTRÉE SUR LA CRÉATION DU PLANNING