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Comme l’objectif central de la thèse porte sur le développement de la parentalité qui a été établi à l’aide d’une grille élaborée à cette fin, il faut d’emblée souligner que l’opérationnalisation de cette grille avait comme objectif de rechercher une cohérence dans la conception que se fait l’individu de sa réalité parentale (sa théorie naïve de la parentalité), c’est- à-dire la nature des tâches qu’il juge nécessaires à l’exercice de sa fonction et la manière dont il les articule entre elles pour leur donner du sens. L’analyse des éléments que les parents ont jugés pertinents à mentionner pour exprimer cette conception a conduit à la mise en évidence de quatre grandes étapes dans le développement de la parentalité, chacune dotée de la propre cohérence. Ces étapes rejoignent à plusieurs égards celles élaborées dans le modèle de Perry8(1971). À noter que, pour cerner cette cohérence, il a été également nécessaire d’analyser quels aspects de leur enfant leur apparaissaient pertinents pour mener à bien leur rôle parental. En général, ils se sont appuyés sur certains aspects du vécu de leur enfant, tels que l’âge, le sexe, les expériences, la

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Il faut rappeler que certains concepts en lien avec la parentalité rejoignent certains de ceux utilisés par Perry (connaissances, autorité, degré d’implication, etc.).

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personnalité, etc. Ceci n’est pas surprenant puisque, en continuelle interaction avec leur enfant, les parents vivent des expériences diverses, plus ou moins difficiles à gérer, qui les amènent à se questionner, réfléchir et élaborer différentes stratégies pour répondre au mieux aux diverses situations rencontrées dans l’exercice de leur rôle parental. Ainsi, progressivement, chaque parent acquiert un certain degré d’expertise en la matière.

Dans les paragraphes qui suivent, sont résumés succinctement les différents niveaux de développement observés. Il faut rappeler ici que le caractère développemental des données recueillies se révèle à travers les diverses conceptions récoltées et non pas selon l’évolution effective de chacun des participants puisqu’ils n’ont été interrogés qu’une seule fois. Cependant, certains parents, par voie rétrospective, ont décrit eux-mêmes certains aspects de leur évolution.

Le premier niveau de développement (dualiste) se caractérise par une conception plutôt rigide et catégorique de la parentalité. Convaincu de détenir l’autorité, le parent de ce niveau tend à se gratifier des bons comportements de son enfant; au contraire, devant des résultats négatifs, il les attribue à des causes externes, indépendantes de lui. Pour lui, le parent idéal est celui qui sait toujours ce qu’il doit faire ou se fie à des sources qu’il juge dignes de foi pour justifier sa manière d’agir ou d’intervenir. Il évalue positivement sa compétence parentale quand les comportements de son enfant sont conformes à ses attentes ou à celles des autres (professeurs, éducateur, coach, parent d’amis de l’enfant, etc.).

Au niveau suivant, le multiplicisme, le parent conçoit la parentalité comme une tâche complexe à accomplir. Il commence à se rendre compte que son enfant joue un rôle actif dans son apprentissage, grâce à ses motivations et ses intérêts. Il voit son rôle comme celui d’un guide qui oriente son enfant vers ce que lui, comme parent, considère bien ou bon pour son enfant; cependant, dans certains cas, les parents disent laisser l’enfant faire ses choix. En fait, à ce niveau, le parent vit une certaine ambivalence entre ces deux aspects. Considérant les comportements de son enfant comme souvent imprévisibles, il doute de l’évaluation que lui ou quelqu’un d’autre pourrait faire de sa compétence parentale, ne pouvant pas déterminer ce qui peut en résulter. Dans le même sens, il croit qu’il est impossible d’être un parent idéal étant donné toutes les contraintes, surtout extérieures, qui trop souvent entravent son action (ex; conciliation travail-famille). Enfin, ce parent fait remarquer qu’il est difficile de savoir comment

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réagir avec un enfant puisqu’aucun enfant ne se comporte de la même manière; cette constatation rend difficile, selon lui, d’effectuer des recommandations aux parents concernant le type d’intervention à effectuer auprès de leur enfant.

Enfin, aux deux derniers niveaux de parentalité (relativisme et relativisme engagé9), les parents en décrivent une conception plus complexe et globale et vont même jusqu’à dégager les processus qui y sont impliqués et à envisager la possibilité de les appliquer à d’autres contextes. Le parent relativiste voit son rôle parental en termes d’expérience enrichissante, variable selon les enfants et les contextes, et insiste sur la nécessité de dialoguer, d’être en interaction avec son enfant pour assurer une bonne compréhension des situations vécues ou à vivre. Considérant que c’est en étant actif que l’enfant se développe, le parent dit miser sur les capacités de ce dernier à cerner des aspects significatifs de sa réalité et à y réagir de façon de plus en plus autonome à mesure qu’il grandit. Il va ainsi encourager son enfant à tenter des expériences nouvelles, à chercher par lui-même des solutions à ses difficultés, à raconter ses exploits, mais aussi ses échecs, de manière à le faire réfléchir sur ses intentions et ses actions pour qu’il en comprenne mieux la portée. C’est en s’appuyant sur des critères internes que le parent fait l’auto-évaluation de ses compétences parentales. En effet, il juge moins important de tout savoir que de savoir prendre du recul pour s’analyser comme parent. Pour lui, le parent idéal est celui qui cherche à s’améliorer ou à se développer en fonction de ses réussites, mais aussi de ses échecs. Au niveau engagé, vient s’ajouter une composante d’engagement personnel et social fondée sur des principes et valeurs personnelles. C’est ainsi que le parent engagé accorde une importance accrue au fait de vivre en société et de l’influence réciproque qui existe entre l’enfant et la société (famille, école…). Il perçoit également le fait d’être confronté à des difficultés comme formateur tant pour lui que pour son enfant.

La distribution des niveaux obtenus corrobore les résultats d’autres études menées avec l’échelle de Perry (Harris, 1984; Lavallée, Gourde & Rodier, 1990 ; King et Kitchener, 2004 ; Rodier & Lavallée, 1990) où la majorité des participants se situent au niveau multipliciste (autour de 50 %), entre 15 et 20 % se retrouvent au niveau dualiste et 20 à 30 % au niveau

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Sont regroupés ici, les participants relativistes et relativistes engagés, compte tenu du très faible nombre de ces derniers.

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relativiste (incluant le relativiste engagé); et où une relation significative est observée entre les différents niveaux atteints et les grades de scolarité rapportés.