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chez Saccharomyces cerevisiae 1 Prélude

COMPLEXE REGULATEUR 19S

3.6 Mécanistique de la dégradation des substrats du protéasome

3.6.6 Déubiquitinylation du substrat

3.6.6.1 Couplage déubiquitinylation/dégradation

Une fois reconnu par le protéasome 26S, le susbstrat polyubiquitinylé est déplié et transloqué à travers le pore axial du 20S vers la chambre protéolytique. De façon concomitante, le substrat est déubiquitinylé (Pickart & Cohen, 2004). La déubiquitinylation des substrats au niveau du protéasome est importante pour plusieurs raisons : le recyclage de l’ubiquitine est nécessaire pour maintenir une concentration suffisante d’ubiquitine libre dans la cellule et donc assurer des taux de protéolyse normaux – de nombreux autres enzymes de déubiquitinylation (DUB) non-associés au protéasome y contribuent également (voir ci- dessous). Du point de vue du 26S, le clivage de la chaîne d’ubiquitine avant la dégradation du substrat est un processus essentiel à la dégradation. Seules les protéines dépliées peuvent pénétrer par les pores axiaux du protéasome 20S. Or, un tétramère d’ubiquitine, qui correspond au signal minimal de ciblage au protéasome, a un diamètre d’environ 28Å et bloquerait nécessairement la translocation du substrat en entrant en contact avec le pore dont le diamètre maximal est de 20Å (Groll et al, 2000; Lee et al, 2002). De plus, l’ubiquitine est une protéine très stable (Wintrode et al, 1994) et, en conséquence, sa dégradation très lente. Ainsi, un substrat d’ordinaire rapidement protéolysé, lorsqu’il est conjugué à une ubiquitine

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mutée au niveau de la glycine 76 empêchant son hydrolyse par les DUB voit son turnover diminué d’un facteur 10 (Yao & Cohen, 2002). Cependant, bien que la déubiquitinylation du substrat soit indispensable à sa dégradation, elle ne peut avoir lieu trop précocément, au risque de dissocier et « régénérer » le substrat. Le désassemblage de la chaîne de polyubiquitine doit donc être étroitement couplé à la dégradation. La protéine clé de ce processus est la sous-unité intrinsèque du couvercle de la RP Rpn11 (Verma et al, 2002; Yao & Cohen, 2002). Le domaine MPN de Rpn11 renferme un motif MPN+/JAMM correspondant à une activité métalloprotéase à Zn2+. La mutation de ce domaine chez la levure entraîne l’accumulation de protéines polyubiquitinylées et la mort cellulaire. In vitro, les protéasomes mutants sont incapables de déubiquitinyler leurs substrats, ce qui inhibe la dégradation (Verma et al, 2002; Yao & Cohen, 2002). Rpn11 coupe la liaison isopeptidique entre le substrat et la première ubiquitine et libère des chaînes de polyubiquitine intactes (Yao & Cohen, 2002). Alors que des complexes 19S isolés sont capables de libérer les chaînes d’ubiquitine indépendamment de l’ATP, l’activité de déubiquitinylation de Rpn11 dans le contexte du protéasome 26S requiert son hydrolyse (Yao & Cohen, 2002). Ceci reflète probablement le couplage de l’activité de Rpn11 avec l’activité de dépliement et de translocation des ATPases de la base de la RP afin de synchroniser déubiquitinylation et dégradation en contrôlant l’accès de l’ubiquitine proximale au site actif de Rpn11 (Yao & Cohen, 2002). Un rôle général de l’hydrolyse de l’ATP dans le couplage mécanistique des différents processus nécessaires à la dégradation des protéines polyubiquitinylées a récemment été proposé (Liu et al, 2006). Rpn11 est la seule sous-unité du couvercle possèdant une activité catalytique13. Le domaine MPN de Rpn8 est très similaire à celui de Rpn11, mais est dépourvu de certains résidus catalytiques. L’activité déubiquitinylase est en fait l’unique fonction connue à ce jour pour le couvercle – mais quelle fonction ! Sa découverte a permis de comprendre, enfin, pourquoi les protéasomes 26S eucaryotes ont un couvercle, de comprendre, enfin, l’intérêt de la structure bipartite de la RP, et de comprendre, enfin, le lien entre le couvercle et l’ubiquitine.

3.6.6.2 Remodelage des chaînes d’ubiquitine

Deux autres déubiquitinases sont associées au protéasome : Ubp6/USP14 et UCH37. Ubp6 s’associe directement à la sous-unité Rpn1 de la base du 19S via son domaine UBL N- terminal, ce qui stimule très fortement son activité déubiquitinase ; même si sa stoéchiométrie par rapport au 26S reste toujours à déterminer, Ubp6 est généralement considérée comme un membre à part entière du protéasome (Hanna & Finley, 2007). UCH37 est un composant du 19S chez les métazoaires et la levure fissipare S. pombe, mais n’est pas retrouvée chez S.

cerevisiae (Lam et al, 1997; Pickart & Cohen, 2004). Il a été montré que l’interaction directe

d’UCH37 avec hRpn13 stimule son activité isopeptidase (Hamazaki et al, 2006; Qiu et al, 2006). Contrairement à Rpn11, Ubp6 et UCH37 sont des protéases à cystéine active et ne sont pas essentielles ; surtout, elles ne sont pas impliquées dans le couplage déubiquitinylation/dégradation du substrat mais semblent au contraire réguler négativement la protéolyse en enlèvant graduellement les ubiquitines du substrat à partir de l’ubiquitine distale de la chaîne – une ubiquitine à la fois pour UCH37 (Lam et al, 1997), une ou plusieurs ubiquitines pour Ubp6 (Hanna et al, 2006). Ce mécanisme de modification (« editing » en

13 Rpn11 semble également réguler la structure et la fonction des mitochondries chez S. cerevisiae, un rôle

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anglais) de la chaîne d’ubiquitine pourrait servir de « contrôle qualité » du signal de ciblage au protéasome en assurant que seuls des substrats dont la chaîne est suffisamment longue sont reconnus par le protéasome (Lam et al, 1997). L’interaction d’UCH37 avec hRpn13, un récepteur intrinsèque de l’ubiquitine qui lie avec une forte affinité les protéines mono- ou diubiquitinylées, irait dans ce sens (Husnjak et al, 2008). Un mécanisme encore plus complexe de remodelage des chaînes d’ubiquitine au niveau du protéasome a été proposé chez S. cerevisiae (Crosas et al, 2006). Il est assuré par Ubp6 et l’ubiquitine ligase Hul5 (HECT ubiquitin ligase 5), également associée très étroitement au protéasome (via Rpn2). Hul5 favorise la dégradation en allongeant les chaînes d’ubiquitine des substrats, jouant ainsi un rôle d’E4, alors qu’Ubp6 a un effet opposé en désassemblant les ubiquitines conjuguées par Hul5. Ces 2 activités antagonistes confèrent au protéasome lui-même un rôle actif de régulation de la spécificité et du devenir de ses substrats. (Rinaldi et al, 2008)

Récemment, Hanna et al. ont montré qu’un mutant catalytique inactif d’Ubp6 conserve sa capacité à inhiber la dégradation protéasome-dépendante in vitro et in vivo. Ubp6 possède donc à la fois une activité déubiquitinylase et une activité inhibitrice du protéasome. L’action non-catalytique d’Ubp6 consiste à empêcher la déubiquitinylation « en bloc » du substrat par Rpn11, ce qui entraîne un retard de dégradation au cours duquel Ubp6 déubiquitinyle progressivement le substrat (Hanna et al, 2006). Le même laboratoire a montré qu’un déficit intracellulaire en ubiquitine provoque l’induction et l’accumulation d’Ubp6. En d’autres termes, un stress ubiquitine modifie la composition du protéasome pour favoriser le recyclage de l’ubiquitine (Hanna et al, 2007). Upb6 comme interprète majeur d’un dialogue fonctionnel constant entre le protéasome et l’ubiquitine…

Une troisième DUB, Doa4/Ubp4, est associée au protéasome en quantité sous- stoéchiométrique, mais fonctionne probablement majoritairement dans le trafic intracellulaire (Amerik et al, 2000). Il existe en fait plusieurs dizaines d’enzymes de déubiquitinylation chez les eucaryotes, dont la très grande majorité n’est pas associée au protéasome. Elles sont nécessaires au clivage des précurseurs inactifs de l’ubiquitine pour générer l’ubiquitine libre, au désassemblage des chaînes oligomèriques libres pouvant interférer avec les substrats polyubiquitinylés pour la liaison au protéasome, et jouent un rôle significatif dans le trafic intracellulaire des protéines membranaires. Des DUB substrats-spécifiques remplissent qui plus est certaines fonctions physiologiques très précises. A noter que des DUB pouvant désassembler des chaînes liées par la lysine 63 ainsi que des protéases agissant sur les UBL ont été identifiées (pour une revue, (Amerik & Hochstrasser, 2004)).