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1 – La dépendance féminine à l’égard du père et du mari

Quel que soit le type de sources, narratives ou archivistiques, les femmes y sont principalement mentionnées par leur attachement filial (« fille d’un tel ») ou marital (« épouse d’un tel »). À travers ces désignations complémentaires s’exprime l’appartenance des femmes, tout au long de leur vie, par la naissance puis par le mariage, à différentes unités familiales. Car « la famille est dans les sociétés médiévales la structure de formation et de protection de l’individu »478. Ces désignations peuvent être employées séparément ou au contraire s’articuler entre elles.

« Fille de »

Le 24 mai 1267, lors du traité de Viterbe, est arrangé le mariage d’Isabelle de Villehardouin avec le fils du roi de Naples, Philippe d’Anjou479. Âgée d’environ huit ans, la jeune fille y est désignée en référence à son père, le prince de Morée Guillaume de

476 BOURIN, Difficultés, p. 7.

477 LETT, Hommes et femmes, p. 58. Isabelle Ortega, qui a étudié les désignations des femmes nobles dans la version française de la Chronique de Morée, relève qu’elles sont toujours définies par rapport à « un mâle référent » : père, frère ou époux. ORTEGA, Lignages, p. 556.

478 CASEAU Béatrice, « Introduction », dans Les réseaux familiaux. Antiquité tardive et Moyen Âge in memoriam A. Laiou et É. Patlagean, CASEAU Béatrice (éd.), Paris, 2012, p. 2.

479 Le traité de Viterbe doit permettre au prince de Morée de s’assurer l’appui militaire du roi de Naples face aux Grecs. En échange, le roi obtient la suzeraineté sur la principauté et ses dépendances qui, à la mort du prince, doivent revenir au fils du roi. Ce « traité conclu entre eux […] faisait du fils du roi l’héritier de la principauté et […] laissait au prince la jouissance de ce pays au nom du roi » ; Τὸ χρονικὸν τοῦ Μορέως, v. 5922-5934, trad. BOUCHET, Chronique, p. 206-207. Toutefois si le fils du roi meurt avant le prince et sans enfant, alors la principauté revient au roi lui-même ou à son héritier dans le royaume. C’est ce qui se produit puisque Philippe d’Anjou, fils du roi et époux de la princesse de Morée, meurt en 1277, soit un an avant la mort du prince Guillaume en 1278. LONGNON, Empire, p. 236-237.

Villehardouin : Ysabellam, filiam nostram480, car elle n’a pas encore été mariée et qu’elle se trouve donc toujours sous sa protection. D’après Didier Lett, « si la dépendance participe à la définition de l’enfance », l’utilisation du prénom est un marqueur du « degré d’autonomie d’un jeune individu »481. Très tôt, avant même l’âge de douze ans, Isabelle de Villehardouin est donc désignée par son prénom, ce que l’on peut considérer comme un « marqueur solide de l’identité »482.

Dans la principauté de Morée, la désignation féminine par le lien paternel n’est pas seulement le propre des enfants. Elle est également employée pour qualifier des jeunes filles nubiles483 et des femmes déjà mariées. Désigner une femme par rapport à son père peut alors être un acte de mémoire ayant pour but de rappeler une illustre ascendance et, lorsqu’elle est légataire, d’affirmer ses droits sur l’héritage. En 1394, à la mort du seigneur de Corinthe, Nerio Acciaiuoli, ses filles, Bartholomea et Francesca, âgées d’environ quinze-vingt ans, sont toutes deux mariées. Mais, dans le testament de leur père, c’est par leur lien de parenté avec ce dernier, et non avec celui de leur époux, qu’elles apparaissent mentionnées dans le cadre de la répartition des biens héréditaires484. Dans la Chronique de Morée, au moment de son remariage avec Florent de Hainaut en 1289 qui lui permet de revêtir son titre de princesse, Isabelle de Villehardouin est désignée : « madame Ysabeau, la fille jadis dou bon prince Guillerme »485. Le souvenir de cette filiation met en valeur les droits héréditaires de la jeune femme sur la principauté d’Achaïe486 alors même que, quelques années auparavant, après la mort de son premier époux Philippe d’Anjou, la principauté était passée aux mains des Angevins et qu’Isabelle avait perdu tout droit sur son héritage.

Mais dans les sources, l’expression « fille de » peut avoir une autre signification ; elle désigne en effet quelquefois la bru. Le terme servant habituellement à désigner les

480 Guillaume de Villehardouin précise qu’il a eu sa fille avec Agnès, fille du despote Michel II Comnène Doukas, sa femme : Ysabellam, filiam nostram, quam ex Agnete, nata Michalicii despoti, uxore nostra. PERRAT, LONGNON, Actes, p. 208.

481 LETT, Adolescente, § 10.

482 Ibid., § 11.

483 Vers 1275, Agnès d’Autremencourt, âgée d’environ dix-quinze ans et sur le point de se marier, est désignée comme la fille du seigneur de Salona : Agnetem, f. Guillelmi, dom. Salone. Voir I Registri della cancelleria, t. XIII, p. 138 n° 416. L'adolescence féminine médiévale s’étend de douze à seize-dix-sept ans, c’est-à-dire « de la puberté à la fin de la maturation sexuelle et de la croissance ». LETT, Adolescente, § 6.

484 L’aînée est nommée : « Bartholamia nostra fia », tandis que la cadette est désignée par : « nostra herede la duchessa Francischa nostra filia general e speciale ». Notons qu’apparaît, au travers de ces désignations féminines, la querelle existante entre Nerio et son gendre, l’époux de Bartholomea. Non seulement cette dernière, bien qu’elle soit l’aînée, n’hérite pas de son père, mais encore aucune mention de son statut de femme mariée n’apparaît dans sa désignation, contrairement à sa sœur qui est nommée duchesse, titre obtenu par son mariage, et héritière générale. Monumenta Peloponnesiaca, p. 314-315, § 24-25.

485 Livre de la conqueste, § 586, 595.

486 « Comment elle fu depuis princesse d’Achaÿe et comment la dicte princesse Ysabeau recovra la princé d’Achaÿe son heritaige », Ibid., § 586.

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consanguins désigne alors aussi les affins487. Dans les archives angevines de Naples, Isabelle de Villehardouin est ainsi désignée : Isabella filia Karoli Primi488, c’est-à-dire comme la fille du roi Charles Ier d’Anjou tandis qu’elle n’est que sa belle-fille. Pourquoi Isabelle est-elle rattachée par sa filiation à la maison angevine de Naples au début des années 1290, alors que son premier époux, Philippe d’Anjou, fils du roi Charles Ier, est décédé depuis 1277 et qu’elle est remariée à Florent de Hainaut depuis 1289 ? Cela signifie-t-il que la famille d’alliance issue d’un premier mariage possède plus de poids que les familles des époux de secondes et troisièmes noces ? Cette filiation traduit-elle une proximité entre Isabelle de Villehardouin et le pouvoir royal angevin, renforcée par la disparition de son père, Guillaume de Villehardouin, en 1278 ? Il nous semble plus probable que cette filiation soit le reflet de la volonté angevine de placer la princesse de Morée sous la dépendance du roi de Naples ; ceci afin de rappeler la suzeraineté de ce dernier sur la principauté de Morée ainsi que l’impossibilité pour Isabelle de se marier sans son accord489, tels l’autorité et le contrôle d’un père vis-à-vis de l’alliance de sa propre fille ou en vertu du principe du « droit souverain à marier les filles épiclères (ou redevenues filles à la suite d’un veuvage) »490.

« Épouse de »

Dès lors qu’elle est mariée, la dame passe sous la tutelle masculine du mari et, dans les textes, cette transition se traduit par une évolution de la désignation complémentaire, la parenté d’alliance succédant à la parenté d’origine491. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que la filiation paternelle est évincée au profit du lien marital. Dans les sources de la principauté de Morée, le passage d’une dépendance à l’autre semble progressif. Dans de nombreux cas, la désignation des dames de la Morée franque est binaire ; elle se compose à la

487 Au regard des définitions données par Isabelle Ortega, les consanguins sont des enfants issus du même père, tandis que les affins sont des parents par alliance. À l’époque de la Grèce antique, les termes qui désignent les consanguins ne peuvent aussi désigner des alliés, mais ce type d’assimilation apparaît dans l’empire byzantin à partir des Xe-XIIe siècles ORTEGA, Lignages, p. 689-690 ; WILGAUX Jérôme, « Les évolutions du vocabulaire grec de la parenté », dans Parenté et société dans le monde grec de l’Antiquité à l’âge moderne. Colloque international Volos (Grèce) – 19-20-21 juin 2003, BRESSON Alain, MASSON Marie-Paule, PERENTIDIS Stavros, WILGAUX Jérôme (éd.), Pessac, 2006, p. 214.

488 I Registri della cancelleria, t. XXXVI, p. 13 n° 80. Cette mention est aussi présente dans une notice rédigée en italien : voir Ibid., t. XL, p. 51 n° 130.

489 Lorsque, en 1289, Isabelle de Villehardouin épouse en secondes noces Florent de Hainaut, le roi Charles II concède à sa belle-sœur la principauté de Morée. En échange, il est établi que les deux nouveaux époux doivent prêter hommage au roi et surtout que si le prince Florent de Hainaut meurt sans fils héritier, ni Isabelle ni aucune de ses filles ne puissent se remarier sans le consentement du roi ou de ses descendants, sous peine d’être déclarées déchues et de voir la principauté retourner à la couronne de Naples. BON, Morée, t. I, p. 165 ; TZAMALIS, Princess, p. 69.

490 POLLASTRI, Lignage, p. 179.

491 BECK Patrice, « Anthroponymie et désignation des femmes en Bourgogne au Moyen Âge (Xe-XIVe siècles), dans Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne, t. II-2, Persistance du nom unique. Désignation et anthroponymie des femmes. Méthodes statistiques pour l’anthroponymie, BOURIN Monique, CHAREILLE Pascal (éd.), Tours, 1992, p. 96-97.

fois d’une référence au père et d’une indication maritale. La parenté avec l’époux, déjà visible à travers le surnom, se perçoit par l’expression « épouse de » et participe, comme la désignation par la parenté paternelle – et sans pour autant la supplanter – à la construction identitaire de la dame.

Les désignations doubles : maintien de la filiation paternelle chez la femme mariée

Que ce soit dans la Chronique de Morée, dans les Lignages d’Outremer ou dans les registres de la chancellerie angevine de Naples, les femmes sont quelquefois identifiées non seulement par leurs alliances matrimoniales mais également par leur origine familiale492. Au sein de ces documents, l’ordre logique et chronologique voudrait que les femmes soient désignées d’abord par rapport à leur père puis par rapport à leur mari sur le modèle de la désignation de Marguerite de Villehardouin en 1296 : Margarita, nata quondam principis Achaye, consors Aynardi de Sabrano493. Mais l’ordonnance des parentés des dames de la Morée franque ne paraît pas aussi stricte. On trouve en effet des désignations « inversées » comme le montre cette mention de 1289 : « Elaine, sa fame, fille jadis Jehan Marmache le joene, de Corinthe »494.

Parfois, ces désignations doubles se trouvent énoncées à l’occasion d’un arrangement matrimonial. Par ce procédé, la jeune femme est placée sous une double dépendance, paternelle et conjugale, qui révèle la position transitoire dans laquelle elle se trouve ; plus tout à fait « fille de », mais pas encore complètement « épouse de ». Comme la jeune épouse, une femme veuve qui s’apprête à se remarier peut aussi être désignée par sa parenté paternelle ainsi que par son dernier lien conjugal. C’est le cas d’Isabelle de La Roche qui, sur le point d’épouser en secondes noces Hugues de Brienne, est présentée en ces termes : « Ysabeau, la fille dou duc d'Athanes, qui avoit esté feme dou seignor de Karitaine »495. Il semble que la double désignation permette ici de mettre en évidence le douaire obtenu par la dame à la suite de son premier mariage496 ; ce douaire assurerait en effet à Hugues de Brienne, son nouvel époux, un lien direct avec la principauté de Morée, plus qu’il ne lui permettrait d’en tirer prestige et renommée puisque « Hugues avait en Italie des possessions beaucoup plus

492 Voir Annexe IV.

493 PERRAT, LONGNON, Actes, p. 163 n° 190.

494 I Registri della cancelleria, t. XXX, p. 116-117 n° 417. De même, d’après Isabelle Ortega, « en Italie centro-septentrionale, les femmes, dans les documents, sont désignées comme les hommes : « femme de », « fille de », se tenant toujours dans l’ombre anthroponymique du père puis du mari » ; ORTEGA, Lignages, p. 473.

495 Lignages d’Outremer, p. 90.

496 À la mort de son premier époux, Geoffroy de Briel, Isabelle de La Roche devient dame de la moitié de Karytaina : « pour ce que il ne leissa nul hoir après lui pour heriter sa terrre, si fu partie sa baronnie en .ij. pars. Et fu donnée la moitié a sa femme, la suer du duc d’Atthenes, et l’autre moitié parvint au prince Guillerme » ; Livre de la conqueste, § 497.

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importantes que la moitié de la baronnie de Karytaina »497. De même, une dame mariée possédant une illustre ascendance, peut être désignée selon cette double désignation afin de rappeler le lien avec son origine familiale et sociale. Ainsi, dans un acte de 1306, Mahaut de Hainaut, épouse du duc d’Athènes, est aussi désignée par rapport au prince de Morée, Florent de Hainaut, son père : « me dame le ducesse, se femme, jadis fille a monseigneur le prinche Florent »498. Enfin, on note également l’emploi de cette double désignation masculine dans la présentation à titre posthume d’une dame feudataire : Domine Antonie, filie quondam domini Guillelmi de Salli, consortis Johannis de Alippione499. L’identité de cette dame de la Morée franque, pourtant passée de vie à trépas, est toujours marquée par sa double dépendance, filiale et conjugale, sans qu’une parenté vienne évincer l’autre, révélant ainsi que, même si elle devient épouse, une femme demeure liée à son groupe familial de naissance.

Les désignations des femmes mariées, veuves et remariées : facteurs de renommée et de vertu

Dès lors que les femmes sont mariées, certains scribes ne les désignent plus qu’en référence à leur parenté conjugale, qu’il s’agisse d’une première union ou d’un remariage. Elles sont alors uniquement considérées en tant qu’« épouse de », uxor, consors ou γυνή500. Pour n’en citer que deux, voici comment les filles d’Isabelle de Villehardouin apparaissent désignées d’une part dans la Chronique de Morée et d’autre part dans un acte du Forez : Mahaut de Hainaut par rapport à Guy II de la Roche : « madame Mahaulte sa femme » et Marguerite de Savoie en référence à Renaud de Forez : domine Margarite, uxoris sue501.En Morée comme en Occident, ces désignations attestent de la dépendance des épouses à leurs maris. Lorsqu’il s’agit d’une femme veuve remariée, on trouve quelquefois ses deux liens conjugaux indiqués. Sur un même plan, elle est alors « veuve de » et « épouse de »502. En 1282, alors âgée d’environ une quarantaine d’années, Agnès de Villehardouin, ou Anne Comnène de son nom de baptême byzantin, est présentée dans un texte des archives angevines de Naples comme veuve de feu

497 BON, Morée, t. I, p. 149.

498 AEM.08.001 n° 396. Annexe XII, document 7.

499 LONGNON, TOPPING, Documents, p. 57.

500 Les termes de uxor et consors semblent tous deux indifféremment employés pour désigner l’épouse dans les textes latins des registres de la chancellerie angevine de Naples, de la Chambre des Comptes de Forez ou des lettres pontificales. Voir également DU CANGE et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis [en ligne], éd. augm., Niort, 1883-1887, t. 2, col. 520b. http://ducange.enc.sorbonne.fr/CONSORS1. Dans la version grecque de la Chronique de Morée, le terme γυναῖκα, ἡ peut être employé pour désigner la femme (genre), l'épouse ou l'adulte, mais c’est surtout le terme γυνή, qui est utilisé pour désigner l’épouse (wife) ; AERTS, HOKWERDA, Lexicon, p. 92-93. Ainsi, Isabelle de La Roche est présentée comme l’épouse du comte de Brienne (τοῦ κὀντου ντὲ Μπριένε ἡ γυνὴ) ; Τὸ χρονικὸν τοῦ Μορέως, v. 8002.

501 Voir Annexe IV.

502 Du XIIIe au XVe siècle, comme au haut Moyen Âge, les termes latins employés pour désigner la veuve sont le plus souvent : vidua (veuve de), relicta (celle qui a été laissée par) ou uxore quondam (femme jadis de), sans distinction d’engagement dans la vie religieuse ou d’une existence passée dans le siècle. Voir SANTINELLI, Veuves, p. 21-22.

(relicta quondam) Guillaume de Villehardouin, prince de Morée, et à présent épouse de (nunc uxor) Nicolas II de Saint-Omer503. À nouveau, il s’agit d’une double désignation par un référent masculin qui, dans ce cas, semble avoir essentiellement pour intention d’apporter des éléments de renommée au second époux de la dame. D’autres fois, le renvoi à une première union se trouve dans le titre arboré. Ainsi, Hélène Comnène Doukas, veuve de Guillaume Ier

de La Roche et épouse en secondes noces d’Hugues de Brienne, paraît au côté de son nouvel époux, dans un acte des registres angevins passé en 1294 – soit trois ans après son remariage – en ces termes : nobili mulieri Helene ducisse Athenarum, consorti eius504. Le titre de duchesse d’Athènes, qu’Hélène tient de son premier époux, est ici mis en évidence, non pas pour placer la dame sous une double dépendance masculine, mais clairement pour renforcer et accroître la notoriété d’Hugues de Brienne, déjà comte de Brienne et de Lecce.

Dans cette pratique de déterminer l’identité féminine par une ou plusieurs références masculines, les historiens voient une preuve de « la dépendance féminine à l’égard des hommes »505. Mais ce système de désignation ne traduit-il pas aussi l’importance et la nécessité pour une laïque d’être montrée comme une femme mariée afin d’écarter tout soupçon de frivolité sexuelle ? Car, suivant le précepte de saint Paul, si les célibataires et les veuves « ne peuvent vivre dans la continence, qu’ils se marient ; car il vaut mieux se marier que brûler »506. De la même manière, à Byzance, qu’il s’agisse d’un premier mariage ou d’un remariage, l’union est préférable au célibat laïc qui encourage la débauche et la sexualité. Les rapports sexuels d’un couple marié sont alors vus comme un remède à la fornication507. En ce sens, identifier une femme par rapport à son époux lui permettrait d’être empreinte d’une certaine vertu et non de dépravation. Quoi qu’il en soit, cette étude de la désignation féminine en Morée franque montre que les liens de parenté d’une femme avec ses communautés familiales et conjugales se complètent et se cumulent plutôt qu’ils ne se succèdent ; d’une part, les femmes mariées semblent conserver des liens avec leur famille d’origine et d’autre part les femmes veuves et remariées gardent pour certaines la marque de leur attachement à la famille de leur premier époux. Les textes mettent ainsi en évidence la position des dames « à la jonction de

503 Le texte latin note : nobilis mulier Azuetis relicta quondam ... viri Guillelmi de Villarduyno dudum principis principatus Achaye nunc uxor Nicolai predicti. I Registri della cancelleria, t. XXV, p. 146-147 n° 131. Voir Annexe IV.

504 Ibid., t. XLVII, p. 196-197 n° 552.

505 LETT, Hommes et femmes, p. 58.

506 Cette prescription de la première épître de saint Paul aux Corinthiens (1 Cor 7, 8-9) est citée par SANTINELLI, Veuves, p. 241.

507 BLASTARÈS Matthieu, Sexuality, Marriage and Celibacy in Byzantine Law. Selections from a Fourteenth-Century Encyclopedia of Canon Law and Theology. The Alphabetical Collection of Matthew Blastares, trad. VISCUSO Patrick Demetrios, Brookline, 2008, p. 25-26.

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plusieurs familles »508. Parfois également, ils témoignent des multiples formes de parenté qui désignent une femme au sein d’un même groupe.

2 – L’identité des femmes définie par leurs liens adelphiques, avunculaires