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Le premier questionnement qui surgit est d’appréhender qui sont ces hommes et ces femmes qui font office de soigner les désordres réunionnais, d’extraire le mal, de guérir des maladies, de faire sortir du malheur et d’en être protégé ? Non répertoriés ou recensés officiellement, comment les réunionnais nomment-ils ces praticiens, « ces passeurs des mondes » (Brandibas, 2007) aux frontières du visible et de l’invisible, du profane et du sacré ? Par ailleurs, quelles sont les catégories utilisées pour faire face à la diversité de ces thérapeutes culturels issus de traditions si hétérogènes ?

III.1.1.- Perspectives profanes

Il n’existe pas une appellation commune pour qualifier ceux et celles qui soignent de manière non conventionnelle la souffrance et gèrent le malheur des réunionnais, d’autant qu’ils sont issus de milieux culturels divers et métissés. Selon Andoche (2002), certains les nomment traiteurs ou simples en raison de l’usage important des plantes dans leur pratique thérapeutique. Elle précise que les désignations qu’elle a obtenues de ces interlocuteurs se passent lors d’une relation prise dans l’absolu en dehors de toute démarche de soins. Elle reprend cette énumération « objective » dans un essai de typologie développée plus en détail ci-dessous. Elle serait en rapport avec leur appartenance ethnoculturelle telle que le

ou prêtre zarab pour les indiens musulmans ; ou l’ombiasy pour les malgaches et les cafres. Ses sources ajouteraient également les exorcistes de l’église catholique ; le

tisaneur80 qui traite principalement par les plantes ; et enfin le devineur qui cumule

différents savoirs, différentes traditions et différentes manières de faire et recourt à la divination (Andoche, 2002). D’autres appellations plus anciennes et métaphoriques se superposant à cette liste telles que « batteur d’bobine81, batteur d’cartes, chanteur82,

donneur la tisane, gratteur ti bois, sorcier, magicien, mazigador, siguideur83 » (Andoche,

1984; Chaudenson et al., 1983) sont également citées. Cependant, d’après Chaudenson et al. (1983), toutes ces dénominations se divisent en deux groupes : bons et mauvais.

III.1.1.1. Guérisseur – sorcier

Les « bons et les mauvais » pourraient être regroupés sous deux termes chargés de représentations « guérisseur et sorcier », pris dans le contexte de la maladie, et l’infortune, l’un amenant la guérison, l’autre pratiquant la sorcellerie. D’après Andoche (2002), à La Réunion guérisseur est un terme peu employé sauf par des personnes ayant des attitudes plus modernes en lien avec une vision venant de la métropole, reportages ou voyages à l’étranger, devenant de ce fait valorisant. Toujours selon elle, parfois, les concepts créoles de guérisseurs peuvent être chargés d’ambivalence et dévaloriser, déconsidérer le thérapeute dans une pratique proche du charlatanisme. Le terme reste à l’évidence ambigu du fait que la majorité des guérisseurs manient les forces occultes et pratiquent le désenvoûtement qui est une reproduction inversée de l’envoûtement. Malgré tous les soupçons portés sur lui et le praticien se défendant d’être sorcier, tout en accusant les autres de l’être, pour Andoche (2002) « dans la relation de soin, il n’y a pas d’amalgame possible, le guérisseur est un homme de bien » qui intervient pour traiter « c’est-à-dire qu’il soumet le mal à un processus d’éradication » (2002, p. 509). Chaudenson et al. (1983) qualifient le guérisseur comme celui qui fait des interventions à caractère magique, c’est-à- dire actes magiques mais aussi prières, passes.

Le terme « sorcier », quant à lui, est perçu négativement car associé au malheur. Cette

80 Sachant que tisaner signifie aussi en créole envoûter, charmer par un maléfice (tisane) » empoisonner 81 Gratteur d’bobine: pour les prêtres malbars qui font usage du Oulké qui est petit tambour tendu de panse

de chèvre, appelé aussi bobine (en raison de sa forme) ou " téléphone bondieu ", utilisé seulement par le prêtre hindou. Du tamoul udukkeï (Pratx & Quella-Guyot, 1999).

82 Chanteur : sans doute une abréviation d’enchanteur (Chaudenson & al. 1983)

83 Vient de sikidy: divination malgache par les grains (Burguet, 2014), le sikidy est une forme dérivée de l'ancienne

appellation désigne quelqu’un qui travaille avec les forces du mal ou quelqu’un qui fait le

mal, on dira aussi (untel) y fé sorcier84. Celui considéré comme tel « n’est jamais en position

d’énonciation et ne peut donc se reconnaître ou s’accepter comme tel » (Chaudenson et al., 1983). Selon Andoche (2002), les représentations interethniques des pratiques spécifiques de chaque communauté sont à prendre en compte, car elles conduisent les individus créoles,

malgaches, malbars, zarabs, etc., à considérer les « manières de faire de leur « autre

culturel » comme des pratiques sorcières, cependant que les vivants de l’intérieur, ils ne les envisageront que très rarement, sinon jamais de la sorte » (Andoche, 2002). Aujourd'hui les malbars sont des réunionnais à part entière et ils ne sont « plus aussi craints que les

comoriens, dont la sorcellerie, pense-t-on, peut tuer à distance » (Andoche, 1988).

Dans les deux cas, guérisseurs et sorciers interviennent entre les mondes naturels et surnaturels, et ont un accès à l’invisible que le commun ne possède pas. En effet, Brandibas (2003) souligne que « celui qui sait causer la maladie sait contrecarrer les actions des autres sorciers ; sa bonne connaissance de l’idéologie sorcière en vogue dans la société lui permet de soigner » (Brandibas, 2003, p. 76). Ils ont la réputation de tirer une partie de leurs connaissances de livres secrets de sorcellerie comme le Grand et le Petit Albert ou le Dragon rouge (Andoche, 1988; Benoist, 1980, 1993, 1998; Chaudenson et al., 1983). Par conséquent, tout guérisseur peut être envisagé comme sorcier (Andoche, 2002), il possède comme le sorcier toutes les capacités et la possibilité de contre-attaquer « qui

peut le bien peut le mal » (Andoche, 2002), et doit posséder une force plus puissante pour

lever le mal que celle détenue par celui qui est l’auteur de l’attaque, pouvant ainsi renvoyer le maléfice à l’envoyeur (Andoche, 2002). Comme l’exprime Ramamonjisoa (2009) à propos des devins-guérisseurs malgaches, « un devin n’est pas seulement un thérapeute,

mpitaha. On le craint à cause de son caractère de jeteur de maléfices, mpamoriky. Il peut

faire le mal et même tuer, tout en étant guérisseur » (Ramamonjisoa, 2009). Le guérisseur de l’un devient ainsi le sorcier de l’autre (Nathan, 1998), c’est-à-dire non pas « deux entités irréductibles mais deux facettes constitutives de la personnalité » (Chaumeil, 2000) d’un même individu. Par ailleurs, Brandibas (2003) relève que les pratiques de guérissage ont pu avoir des conséquences judiciaires telles que « exercice illégal de la médecine, non- assistance à personne en danger, coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

Ce qui lui fait dire que paradoxalement, il est moins dangereux d’avoir des pratiques d’attaques, une sorcellerie quasi invérifiable sans répercussions au niveau de la justice que de pratiquer des guérissages (Brandibas, 2003).

III.1.1.2. Lorsque le malheur est là

Quoi qu’il en soit, lorsque la personne se retrouve en situation de demande de soin, elle ne les nomme pas. Il s’instaure comme « une sorte de pudeur sur la nomination de ce spécialiste » (Andoche, 2002). Elle ne va jamais dire « j’ai consulté tel devineur, pusari,

guérisseur, ou exorciste ». Dans un contexte où des étiologies culturelles sont pressenties

et/ou que la médecine s’est révélée impuissante à ses yeux, le créole dit généralement aller

voir un moun85 (Andoche, 2002). Dans ce « quelqu’un » ou ce moun est contenu tout le

savoir et tout le pouvoir propre de ceux qui sont en lien avec l’invisible, le surnaturel, ceux qui savent, ceux qui peuvent guérir. D’après Andoche (2002), s’il est facile pour les créoles d’évoquer la causalité sorcière des désordres, parler de sa démarche de soin n’est pas chose aisée dans la mesure où le groupe surveille chacun de ses membres, le risque d’être soupçonné d’attaque ou de contre-attaque sorcière est grand. Elle ajoute que l’identification des praticiens consultés par le patient ne survient qu’après de longs mois passés par l’ethnologue sur le terrain et la mise en confiance des sujets. En consultation d’ethnopsychiatrie, de même, les patients ne révèlent pas les noms des praticiens qu’ils sont allés ou iront voir et disent par exemple « nous la parti voir un moun » ou untel « la

dit à moin na un’ madam ter’ la86 ».

Effectivement, des façons de les désigner peuvent se faire par rapport au sexe comme « aller voir une madame » s’il s’agit d’une femme (Andoche, 2002), ou bien encore par rapport à leur lieu d’exercice tels que « une Madame Saint Louis », « un vieux bonhomme

Saint-Joseph », alors que selon Chaudenson et al., (1983) « les noms des personnages sont

tout à fait connus des témoins ». Effectivement, « la réputation de beaucoup de ces praticiens fait que la simple évocation du lieu où ils opèrent est largement suffisante et évite des désignations plus précises inconsciemment redoutées » (Chaudenson et al., 1983, p. 83), pointant de fait l’ambiguïté de ces personnages. Parfois, certains praticiens, surtout s’ils sont connus et réputés, sont tout simplement appelés par leur nom comme « Mme Visnelda » (Andoche, 2002, 2007; Benoist, 1993; Lemaire, 1988; Nathan, 2001c, 2012;

85 Moun: les gens, ici « aller voir un moun » : c’est aller voir quelqu’un qui n’est pas un médecin officiel 86 On « m’a conseillé une dame à cet endroit »

Nicaise, 1999, 2000) ou leur prénom « Mme Marie » (Brandibas, 2003). D’autres façons de dire comme on a marché, on a consulté (Andoche, 2002), suggérant que le patient est accompagné des membres de sa famille, procèdent de la même difficulté à les nommer lorsque les personnes sont dans une démarche thérapeutique.

Il existe aussi des désignations qui marquent le respect d’un plus âgé possédant le savoir tels que gramoun ou vieux gramoun Saint Louis ou encore pépé, tonton car « dans la plupart des cas, l'activité de ces praticiens reste tout à fait secrète et rares sont ceux qui se livrent à des campagnes publicitaires » (Chaudenson et al., 1983), protégeant par là-même leur identité et leurs activités.

III.1.2.- Essai de taxinomie

Il existe une réelle difficulté à établir une typologie et Benoist (1998) a mis en évidence les deux écueils suivants à La Réunion :

- S’appuyer sur l’histoire et les origines de la population pour subdiviser la société en catégories ethniques ou religieuses contrastées, en se masquant la fragilité et la perméabilité des cloisons qui les sépareraient.

- Refuser toute catégorisation ethno-religieuse au nom d’une créolité commune, au prix de la confusion entre les niveaux du réel et d’une cécité envers les forces qui fissurent la société. (Benoist, 1998)

Il ajoute que la réalité ambiguë de La Réunion tend ces pièges qu’il s’agira d’éviter « où personne n'est tout à fait différent des autres, mais où personne non plus n'est tout à fait semblable à quiconque » (Benoist, 1998). Bien que les groupes n'y soient pas clairement séparés, il pense qu’il « y flotte toujours la conscience de l'existence de catégories ethniques que l'on nomme et sur lesquelles on a des opinions tranchées » (Benoist, 1998). Il base son Anthropologie Médicale en Société Créole (Benoist, 1993) sur les systèmes médicaux traditionnels s’attachant aux divers groupes ethniques des anciens immigrants tout en mettant en avant la créolisation qui a pu constituer des entités culturelles autonomes et établit des portraits de guérisseurs.

Pour sa part, Andoche (2002), tout en notant l’évolution de sa pensée par rapport à ses premiers travaux, cherche une marge intermédiaire entre les deux écueils et privilégie l’approche en situation. Elle établit ce qu’elle appelle une « illusion graphique » en tentant d’établir une typologie de ceux, selon ses termes « soignant les désordres psychologiques » (Andoche, 2002), dont voici la classification :

tisane sont spécialisés dans la préparation des zherbages, plantes et simples. Ils ont une

connaissance approfondie de la botanique locale, issue originellement du savoir et des techniques malgaches. Un grand nombre de créoles blancs des hauts se sont spécialisés comme herboristes. Ils préparent des remèdes pour calmer les nerfs, diminuer l’anxiété, ou traiter le saisissement, soignant d’après Andoche (1988, 2002) principalement les maladies organiques ou nerveuses. Cependant, les familles tout comme les autres praticiens ont également une connaissance de la flore réunionnaise et peuvent aussi l’utiliser. Certains

tisaneurs font partie d’une association87 à l’initiative d’un pharmacien bénéficiant ainsi

d’une reconnaissance nationale, dont plusieurs d’entre eux vendent leurs produits sur les marchés, participent à des salons et interviennent dans des émissions radio ou télévisées88.

Ils sont consultés par les créoles de toutes obédiences ainsi que des zoreils pour leur savoir phytothérapique.

- Les exorcistes catholiques sont des prêtres ou des laïques nommés, autorisés ou juste tolérés par l’évêque, pratiquant essentiellement des désenvoûtements. Ils utilisent les prières de l’église (grand exorcisme, Rituale Romanum). Ils sont consultés par des catholiques mais aussi par les pratiquants d’autres confessions comme les hindous, les musulmans, dans des cas de désordres où une étiologie liée au surnaturel est envisagée telle la possession par un esprit, démon, ou entité maléfique, et son corollaire l’exorcisme. En opposition avec les principes de la liturgie officielle, ils répondent aux attentes de leurs patients par des synthèses culturelles ou magico-religieuses à l’instar de l’usage des plantes fait remarquer Andoche (2002). La plus célèbre de ces exorcistes laïcs était « Mme Visnelda », décédée en 1992, personnage public et réputé (Andoche, 2007; Brandibas, 2003; Lemaire, 1988; Nathan, 2001c), dont les exploits sont encore aujourd’hui rapportés par nombre de créoles. Actuellement par prudence, l’évêque de La Réunion, exorciste du diocèse, en cohérence avec le Concile Vatican II89, n’a nommé aucun prêtre pour le relayer

87APLAMEDOM : Association pour les plantes aromatiques et médicinales de La Réunion

http://aplamedom.org/. En 2013, elle a fait reconnaître 16 plantes médicinales de La Réunion dans la pharmacopée française. https://ansm.sante.fr/Activites/Pharmacopee/Qu-est-ce-que-la-Pharmacopee/(offset)/0.

88Notamment l’émission du médecin urgentiste Bernard Fontanille sur ARTE TV : Médecines d’ailleurs « La

Réunion tisanes créoles » (Perrier & Fontanille, 2016). http://future.arte.tv/fr/medecines-dailleurs-un- tour-du-monde-des-soins-traditionnels/medecines-dailleurs-la-reunion-tisanes-creoles.

89 Concile Vatican II: réforme de l’église dans un but de modernisation. Ici, avec les progrès de la psychiatrie

et de la psychanalyse, pouvoir faire la différence entre les possessions démoniaques et les troubles psychiatriques. Extrait: « L'exorciste décidera avec prudence de la nécessité d'utiliser le rite d'exorcisme après avoir procédé à une enquête diligente - dans le respect du secret confessionnel - et après avoir consulté, selon les possibilités, des experts en matière spirituelle, et, s'il est jugé opportun, des spécialistes

(Aubry, 2014). Les hommes d’église qui viennent en aide à leurs ouailles souffrantes, pratiquent leur devoir sacerdotal de façon « officieuse ».

- Les pusaris, nommés plus souvent en créole prêtres malbars sont les représentants de l’hindouisme populaire. Leur fonction est d’organiser et de mener les cérémonies religieuses dans les chapelles et les temples familiaux, tout en veillant au respect du culte. Ils considèrent l’hindouisme comme la « vraie religion » (Andoche, 2002). Certains, ont une activité de devin-guérisseur opérant par la transe qui est dite en créole crie l’esprit ou

crie bondieu, ainsi que par des offrandes sacrificielles. Ils peuvent tirer le sort, utiliser les

plantes, et dans leur contexte culturel remédier aux désordres liés aux ruptures d’interdits, aux manquements à un culte de lignage, aux manifestations d’ancêtres. Dans cette communauté, Andoche (2002) les distingue des vieux gramounes qui ont aussi une fonction d’astrologue ou des swamis qui exercent dans les temples de l’hindouisme brahmanique sans sacrifice animal, n’intervenant que par la prière. Ces derniers ne sont pas considérés comme guérisseurs par les familles d’origine sud indienne, fait-elle remarquer. Pour autant, ces statuts religieux de l’hindouisme sont réservés aux hommes.

- Le moluissab appelé aussi prêtre zarab est celui qui guérit et exorcise en utilisant les sourates du Coran. Ils sont consultés principalement par des musulmans et plus rarement par des créoles d’autres obédiences. Cette description d’Andoche (2002) peut être complétée par l’apport de Benoist (1980, 1993) qui précise que l’Islam ne tolère pas l’existence de guérisseur, car la guérison ne vient que de Dieu au travers du Coran absolu « toutefois l'islam indien admet la présence d'intermédiaires entre les hommes et Dieu » (Benoist, 1980, 1993). Au surplus, lorsque la maladie met en évidence la présence de djinn (esprits), surtout les djinn nanpak impurs et dangereux, l’expulsion exige de cet homme de savoir utiliser la prière, les taviz (sachets contenant des versets du Coran) et l’exorcisme. Cette étiologie peut être évoquée, par exemple, comme l’effet d’un manquement aux obligations rituelles, ou d’être passé près d’un endroit impur (maison hantée, pied de tamarin90) (Benoist, 1980, 1993). Officiants préférés des zarabs, groupe le plus fermé de

La Réunion (Andoche, 1988; 2008; Benoist, 1980, 1993; Nicaise, 1999), il arrive que face à ses limites, ces derniers font parfois appel à des praticiens extérieurs à leur communauté,

en science médicale et psychiatrique, qui ont le sens des réalités spirituelles. »

90 Pied’tamarin : tamarinier. Comme les manguiers pied’mangue, ou les lilas/margozier pied’lila sont réputés

le plus souvent dans la clandestinité avec la conscience d’enfreindre les règles et de commettre une faute envers la religion (Benoist, 1980, 1993).

- Les ombiasy91 ou devins-guérisseurs sont les praticiens de tradition malgache et

africaine. Ils officient principalement par des rites de possession, des ancêtres appelés

gramoun agissant à travers eux pour apporter la guérison. Ils ont recours également à la

divination (miroir, géomancie, actuellement les cartes et les boules de cristal), à l’utilisation des plantes, aux offrandes sacrificielles et à l’interprétation des rêves (Andoche, 2002). À Madagascar, Ramamonjisoa (2009) précise que « le devin-guérisseur,

ambiasa, ombiasy, masy avec le sens « d’homme fort, puissant et sacré », mène sa

connaissance thérapeutique, hors du savoir commun, en utilisant la complexe technique du

sikily* » (Ramamonjisoa, 2009), géomancie préférée des praticiens malgaches. Pour les

guérisseurs créoles-malgaches qui ont été christianisés historiquement à La Réunion, la religion catholique apparaît comme une référence complémentaire à la tradition ancestrale, ils pratiquent en malgache catholique se recommandant de certains saints catholiques. Par ailleurs, se rajoutent dans leurs pratiques des références à l’hindouisme telles que les vénérations de divinités et des emprunts à la modernité. Tout comme certains pusaris, Andoche (2002) les rapproche de la catégorie des devineurs, précisant que pour la plupart de ces praticiens, ils ne se désignent pas spécifiquement par un terme précis. Elle rajoute que le vocable ombiasy, peu usité dans les dernières décennies, est à nouveau utilisé par certains jeunes dans un but de renouveau et de retour aux sources.

- Les devineurs, sous ce terme Andoche (2002) regroupe les praticiens à la frontière de diverses traditions. Ils sont composés de créoles blancs et métis reliant leurs pratiques aux grandes traditions catholique, hindouiste et africain-malgache, tout en cumulant certains aspects, innovant et introduisant des savoirs plus modernes. Venant du verbe « deviner », les devineurs peuvent prédire le destin grâce à leur don de voyance au travers de supports mantiques variés et divers tels que cartes, boules de cristal, cendres d’encens, etc., parfois accompagné de transe et sont consultés principalement dans les étiologies

91 Ombiasy : ou ambiasa terme malgache : devin-guérisseur, dans le Sud-Ouest malgache, il est toujours un

homme qui maîtrise bien la technique géomantique appelée sikily*, en association avec les savoirs phyto- magico-religieux.

*Sikily : L’étymologie renvoie à un mot arabe signifiant « figure ». Henri Dubois (1938 : 917) a bien défini la

valeur pluridimensionnelle de cette technique de sikily, ou sikidy, qui reste universelle chez les Malgaches « le sikidy est le conseiller nécessaire qui dira tout ce qu‘il faut faire, qui révèlera tout ce qu‘il importe de savoir, en communiquant les volontés des ancêtres » (Ramamonjisoa, 2009).

sorcières, l’arrangement. Cependant, les autres guérisseurs pratiquent également la voyance à visée diagnostique appelée aussi regardage, regarder ou guetter et la divination n’est pas propre aux devineurs.

Andoche (2002) précise qu’il existe une multitude de variantes rendant difficile tout essai de classement rigide, toutefois elle distingue dans le groupe des devineurs trois