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consultation en oncologie

4. TENTATIVE DE DÉFINITION DE CETTE DIMENSION : UNE ÉTHICOLOGIE DE LA PERSONNE ÉTHICOLOGIE DE LA PERSONNE

4.2.1. Définitions de la spiritualité dans le monde soignant

4.2.1.1. Approche par la souffrance spirituelle

En 1964, Cicely Saunders, pionnière de la pratique des soins palliatifs au sens moderne du terme, publie un article où, pour la première fois est théorisée ce qu’elle dénommera la souffrance globale (« total pain »)47. Elle y développe le constat suivant : la douleur chez une personne gravement malade peut trouver une expression dans différentes sphères de son existence et chacune de ces dimensions doit faire l’objet d’une attention particulière dans le but d’une prise en soin attentive et soucieuse de la réalité singulière de la personne malade. Elle décrit ainsi quatre dimensions : physique, psychologique, sociale et spirituelle. Ce travail, et ce concept fondateur ont irrigué ce qui deviendra la « culture palliative ». Et c’est dans cette perspective que la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) a adopté un modèle de prise en soin appelé « approche globale », faisant écho à cette souffrance globale.

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Disponible en ligne sur : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=spirituality+assessment. Page consultée le 25/07/2018.

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Saunders Cicely. Care of patients suffering from terminal illness at St Joseph’s Hospice, Hackney, London. Nursing Mirror. 1964 ; vol 2. P 7-10.

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Malgré une réelle prise en compte de ce domaine, la question de la définition précise de ce qui relèverait de la souffrance spirituelle fait débat. Le développement des soins palliatifs ces trente dernières années, s’est fait sur le plan conceptuel de cette prise en charge globale, incluant le spirituel, mais il s’est aussi appuyé sur plusieurs textes de loi. Il est ainsi intéressant de se pencher sur la manière dont le législateur s’est saisi, ou plutôt a choisi de ne pas se saisir de cette question de la souffrance spirituelle.

La circulaire du 26 aout 1986, dite circulaire Laroque, relative à l’organisation des soins palliatifs et d’accompagnement des malades en phase terminale, a pris le parti de mettre douleurs somatiques et psychiques sur le même plan ; et s’il faut « lutter » contre la douleur, s’il faut une « prise en charge psychologique » des malades, les « problèmes spirituels » doivent être pris en considération. La loi du 09 juin 1999, qui assoit les propositions de la circulaire Laroque ne fait pas mention de la dimension spirituelle48.

A nouveau, en 2002, la circulaire du 19 février qui précise la loi de 1999, insiste sur la lutte contre la douleur et sur le « soutien psychologique, spirituel et social » des personnes en fin de vie49. Et de même que précédemment, le loi du 22 avril 2005 qui reprend les données de la circulaire de 2002, modifie de nombreux articles mais n’introduit toujours pas dans la loi, la notion de souffrance spirituelle50.

Enfin, la loi du 2 février 2016 qui a abouti à la création d’un droit à la sédation profonde et continue, a pour référence concrète l’existence de situation de « souffrance insupportable »

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Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. Disponible en ligne sur : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000212121

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Circulaire DHOS/O 2/DGS/SD 5 D n° 2002-98 du 19 février 2002 relative à l'organisation des soins palliatifs et de l'accompagnement, en application de la loi n° 99-477 du 9 juin 1999, visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. Disponible en ligne sur : http://www.afif.asso.fr/francais/conseils/conseil48b.html#2

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LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Disponible en

ligne sur :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=1EAB7B39A2AD364124E5E6EA474FB93C.t plgfr35s1?cidTexte=JORFTEXT000000446240&dateTexte=20160203

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et de « souffrance réfractaire au traitement »51. Il est probable que le terme de souffrance s’applique dans la loi principalement au sujet de la souffrance somatique, de douleurs physiques non contrôlables par les thérapeutiques actuelles. Le statut des souffrances non somatiques (psychiques ou encore spirituelles) pose cependant question. Qu’il s’agisse de douleurs psychiques ou spirituelles, que nous pensons souvent étroitement liées à des douleurs somatiques, le caractère réfractaire pourrait très bien être retrouvé en dehors de la sphère somatique stricte. Au niveau psychique, les symptômes anxieux massifs ou les états dépressifs majeurs sont des situations pouvant parfois amener à des impasses, et à une sédation (au sens psychiatrique et non au sens de la loi). Les souffrances d’ordre spirituel, comme par exemple la crainte d’une vie après la mort ou de son absence, la profonde conviction que le temps restant à vivre n’a pas de sens, ou encore le sentiment de ne pas avoir trouvé ou achevé l’œuvre de son existence, ne constituent-elles pas, dans leur domaine, des questionnements réfractaires ?

Les textes législatifs, ou plutôt les circulaires pour être plus précis, font apparaître la notion de spiritualité comme une dimension à prendre en compte chez les personnes en situation de fin de vie. Certaines phrases mettent psychologique et spirituel sur le même plan (idée de soutien « psychologique, spirituel et social » en 2002), d’autres différencient prise en charge psychologique et prise en considération spirituelle (circulaire de 1986), quand les lois, au contraire, n’abordent pas cette thématique. L’introduction ou non de ce terme dans la loi a fait l’objet de vifs débats et explique que, bien qu’elle soit reconnue en pratique, la souffrance spirituelle selon le législateur ne peut pas être mise sur le même plan que les douleurs somatiques et psychiques, d’autant plus si c’est à l’aune de la notion de souffrance que le droit donne accès à la sédation profonde et continue.

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« A la demande du patient d'éviter toute souffrance et de ne pas subir d'obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants : 1/ Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ; 2/ Lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable ». Art. L. 1110-5-2, Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Disponible en ligne sur : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031970253&categorieLien=id

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A notre sens, cette absence d’inscription dans la loi de la notion de spiritualité ne vient pas marquer le mépris ou le manque de considération, mais plutôt un grand embarras quant à la réponse à donner à cette souffrance spirituelle, notamment du fait du caractère trop individuel ou culturel du fait spirituel, ainsi que du contexte marqué de laïcité.

4.2.1.2. Distinction spirituel/religieux

Cette absence de consensus autour de la définition de spiritualité et de la souffrance spirituelle en milieu de soin dans la littérature médicale est bien décrite52. Mais certains traits communs ressortent tout de même. Le principal point commun de ces différentes propositions est de bien distinguer ce qui relève de la religion d’une part, et de la spiritualité d’autre part. Cet enjeu est essentiel afin de pouvoir accompagner au mieux les personnes, et cette absence de distinction pose problème en pratique quand, de manière réflexe, sont proposés en cas de souffrance spirituelle identifiée, des entretiens avec des représentants du culte alors que la problématique de la personne est spirituelle et non religieuse53.

La pratique religieuse et l’idée de transcendance intègrent la spiritualité mais ne la résument pas. La spiritualité peut être du domaine de la religiosité mais ne se limite pas à ces pratiques54. La spiritualité est souvent définie dans la littérature médicale de manière positive, et se présenterait comme un espace de liberté, d’autonomie, là où la religion, du fait de son socle dogmatique, prend les aspects parfois négatifs d’une soumission passive avec un risque de communautarisme55. La dimension religieuse est, pour reprendre Châtel, une « science composée de connaissances et de pratiques propres », et elle est une option personnelle.

La dimension spirituelle de la personne ne répond pas à un impératif de sentiment d’appartenance religieuse ou de mise en œuvre de pratiques bien identifiées. Elle relève du

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Frick Eckhard. Peut-on quantifier la spiritualité ? Un regard d’outre-Rhin à propos de l’actuelle discussion française sur la place du spirituel en oncologie. Revue francophone de psycho-oncologie, 2006 ; vol 3. P 162.

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Châtel Tanguy. Souffrance spirituelle des malades. La revue du Praticien. 2013; vol 27. P 426.

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« La spiritualité d’un individu peut se vivre –toujours selon la littérature médicale – à l’intérieur ou en dehors d’un cadre religieux ». Pujol Nicolas, Gueneau-Peureux Domitille, Beloucif Sadek. La question spirituelle dans le contexte de la maladie grave. Laennec, 2016 ; vol 4. P 8.

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Pargament Kenneth. “The Psychology of Religion and Spirituality? Yes and No”. International Journal for the Psychology of Religion, 1999 ; vol 9. P 11.

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domaine de l’expérience, et non de la croyance, et sa dimension serait ainsi bien plus de l’ordre de l’anthropologique56. Pour reprendre les termes de Guy Jobin : « l’être humain serait anthropologiquement spirituel et culturellement religieux »57. La préoccupation spirituelle est présentée comme transversale, transculturelle, propre à chacun, quand le religieux, lui, relève d’un contexte particulier possiblement communautaire et ne représenterait qu’un aspect possible de la dimension spirituelle d’une personne58. En plus des dimensions somatiques et psychiques bien identifiées, il existe donc une troisième dimension de la personne humaine, spirituelle : du dualisme corps esprit, on arrive à une modèle englobant à trois pôles59.

Dans le cadre de travaux portant sur la définition de ce que recouvre le terme de « spirituel » (nous aurons l’occasion de la décrire en aval de ce travail), Nicolas Pujol propose de considérer le terme de religieux non pas systématiquement au sens de l’appartenance à tel ou tel groupe identifié, mais comme une manière d’envisager un ensemble de catégories pour lequel un autre terme plus adéquat ne semble pas exister. Pujol précise qu’il est ici question de « pré-religieux ou de méta-religieux ». Il développe l’idée que, bien que notre société vive dans un contexte de sécularisation majeur, les individus peuvent venir puiser dans des registres religieux uniques ou pluriels, des référents de pensée leur permettant d’appréhender leur rapport à l’existence60. Ainsi à titre personnel, à l’occasion de nos gardes de nuit en tant qu’interne, à l’Hôpital Saint André de Bordeaux, nous nous sommes surpris à avoir le besoin de fredonner ou de siffler dans les jardins de l’hôpital un air de musique classique de manière quasi systématique après avoir rempli un acte de décès. C’est à un monsieur croisé dans ces jardins à 3 heures du matin, en retournant au service des Urgences

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Pujol Nicolas, Gueneau-Peureux Domitille, Beloucif Sadek. La question spirituelle dans le contexte de la maladie grave. Article cité. P 8.

57

Jobin Guy. « Des religions à la spiritualité. Une appropriation biomédicale du religieux dans l’hôpital » Lumen Vitae, Bruxelles, 2012. P 35.

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« Il faut distinguer (ce) qui se réfère à une religion(…), et ce qui indépendamment de tout culte ou croyances particulières, touche l’être humain en tant que tel (ontologiquement) dans sa dimension spirituelle, subtile et délicate, et pas nécessairement formelle. (…) il y a du spirituel dans la religion, mais que la religion n’est pas le seul vecteur du spirituel »». Châtel Tanguy. Prise en compte du spirituel et nouvelles représentations du soin. Médecine Palliative, 2007; vol 6. P 197.

59

Simard Noël. Spiritualité et santé. Reflets : revue d’intervention sociale et communautaire, 2006 ; vol 12. P 111.

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Pujol Nicolas, Gueneau-Peureux Domitille, Beloucif Sadek. La question spirituelle dans le contexte de la maladie grave. Article cité. P 16-7.

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pour reprendre notre activité (dont nous ne saurons finalement jamais s’il était un soignant ou un patient) que nous comprîmes ce qu’il se jouait : « pour avoir cette musique en tête,

vous ne devez pas avoir vu quelque chose de bien joyeux, Docteur ». Nous avions en effet pris

l’habitude sans vraiment nous en rendre compte de siffler l’air final de la Passion selon Matthieu de Jean-Sébastien Bach (Wir setzen uns mit Tranen nieder). Cette habitude anodine au premier plan reflète très bien ce que Pujol interroge par le terme de méta-religieux : sans avoir une pratique religieuse, sans avoir de souci ou un devoir impératif d’accompagner l’âme d’un mourant montant au ciel, cet air de musique sacrée nous venait spontanément en tête en réponse à cette interrogation et à ce souci de l’après qui nous venait à l’esprit. Pujol regroupe dans cette catégorie « méta-religieuse », ce qui a trait à la transcendance, à l’absolu, au mystérieux, au sacré61.

La confusion des champs religieux et spirituel a par exemple amené l’OMS à proposer une consultation transculturelle sur la notion de spiritualité et religion, en vue de la construction d’une échelle de qualité de vie spécifique à ces aspects. Au cours de ce travail, les seules représentations religieuses ont été sollicitées et les thèmes interrogés étaient extrêmement éparses et particulièrement orientés selon nous. Si aborder la question religieuse ne nous semble pas poser de problème, du fait de cette absence de distinction, il nous semble clair que cet abord était particulièrement orienté (voir tableau 2 pour un rappel des catégories identifiées).

4.2.1.3. Approche par la notion de besoins spirituels

Le corolaire de ce statut anthropologique du spirituel, est ainsi une universalisation de la spiritualité. Si le religieux reste du domaine du choix d’adhérer ou non à un système défini de représentations et de pratiques, il serait difficile d’envisager un individu sans spiritualité62. Ainsi sont apparus dans l’identification des besoins fondamentaux d’une personne, les besoins spirituels ; et l’utilisation de cette idée de besoin n’est pas du tout anodine. Evoquer une dimension anthropologique de la spiritualité et parler de besoins spirituels, c’est aussi établir directement la nécessité de devoir répondre à ce besoin, de le

61

Pujol Nicolas, Gueneau-Peureux Domitille, Beloucif Sadek. La question spirituelle dans le contexte de la maladie grave. Article cité. P 17.

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« Tout être humain a une dimension spirituelle. Il peut aussi choisir d’avoir ou non une religion ». Châtel Tanguy. Prise en compte du spirituel et nouvelles représentations du soin. Article cité. P 197.

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satisfaire, notamment mais pas uniquement, en situation de maladie grave ou de fin de vie63. Si la souffrance spirituelle est un événement possible dans un parcours de vie, un besoin spirituel implique une attention de tous les instants. Et un besoin spirituel non reconnu est identifié comme source de souffrance64. Répondre aux besoins de la personne, c’est assurer son bien-être et donc sa qualité de vie.

Selon l’analyse de Châtel, le besoin spirituel est à entendre en deux dimensions. Tout d’abord, un besoin de l’ordre de l’existentiel. C’est ce que Châtel appelle le « champ du pourquoi ». Cette première dimension est l’ensemble des questionnements sur l’existence, sur la mort, sur les sens de sa vie ou le sens des évènements. Ces questions manifestent avant tout d’une recherche explicite de réponses, de repères : des réponses de l’ordre du savoir, qui ne peuvent être fournies que par des gens de savoir (théologien, philosophe,…). La seconde dimension qui se manifeste dans le besoin spirituel, est un besoin relationnel, celui de ne pas être isolé d’autrui. Cette seconde dimension n’appelle pas de savoir, mais appelle l’autre à reconnaître la personne en tant que personne humaine, à faire acte de présence. Dans ce deuxième aspect du besoin spirituel, c’est surtout un besoin d’être relié à autrui, d’être considéré comme tel qui prédomine65.

Cette dimension de partagé du spirituel est à comprendre dans un double sens : le besoin spirituel est ontologique, constitutif de l’être humain, donc partagé ; et l’expression et la satisfaction, ou pour le moins, la réponse à ce besoin se déploie aussi dans une dimension de partage. Nous partageons en humanité cette préoccupation, ce besoin spirituel et c’est dans la manifestation de cette humanité commune qu’il pourrait être trouvée une réponse à cette demande fondamentale66.

63

Pujol Nicolas, Gueneau-Peureux Domitille, Beloucif Sadek. La question spirituelle dans le contexte de la maladie grave. Article cité. P 8

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« La personne malade et ses proches doivent être reconnus dans leurs convictions. Ne pas répondre aux besoins spirituels (religieux, philosophiques, et autres) peut générer une véritable souffrance ». Haute Autorité de la Santé. Conférence de consensus : l’accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches. 2004, p 7. Disponible en ligne sur : https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/

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Châtel Tanguy. Vivants jusqu’à la mort : accompagner la souffrance spirituelle en fin de vie. Albin Michel, Paris, 2013. P 78-103.

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« (ces besoins) évoquent une dimension de l’existence dans laquelle tous les hommes, malades comme bien portants, devraient pouvoir se rencontrer, se rejoindre, et donc s’entraider ». Matray Bernard. Besoins Spirituels et accompagnement des grands malades. Etudes, 1993, Juillet Août. P 78.

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Cette expression de « besoins spirituels » est critiquée par Bernard Matray, du fait de l’opposition ou plutôt de la confusion entre les idées de manque et de désir. Ainsi, le besoin se traduit par l’expression d’un manque dont on peut déterminer l’objet, et que l’on peut donc assouvir de manière quantifiable. Et de façon répétée, le manque donc le besoin peuvent resurgir. Le terme « spirituel » décrit un aspect bien plus complexe, inquantifiable. Il reflète dans la vie intérieure, une forme de mouvement intrinsèque qui porte l’homme « vers un ailleurs et un autrui ». Il y a dans ce « spirituel », l’idée d’un désir qui est aussi d’ordre relationnel dans la mesure où « l’homme comme sujet (est) être de désir, radicalement insuffisant à lui-même et toujours en tension vers l’Autre »67. Le désir n’a pas de limite et, contrairement à un besoin, ne peut donc être soulagé, assouvi. L’association de ces deux termes semble donc antinomique, telle que l’envisage Matray. Cependant, au sujet de l’accompagnement en soins palliatifs, Matray trouve dans cette association une fonctionnalité intéressante auprès du monde du soin : le besoin pour marquer l’impératif de s’en soucier, le spirituel pour identifier l’amplitude de ce qui est en jeu. Un accompagnement véritable, qui est une nécessité, ne pourrait se concevoir sans une intégration de toutes les dimensions de la personne au cours de cet accompagnement68.

4.2.1.4. Propositions de définitions

Il existe de très nombreuses définitions de la spiritualité et il n’y aurait pas de sens à faire une forme de recensement sans fin des différentes acceptions possibles de ce terme. Nous proposons de nous focaliser sur les définitions de Bernard Matray et Nicolas Pujol.

En 1993, Matray reprend pour bases d’un travail de définition de la spiritualité, les besoins spirituels. La spiritualité correspond à une activité humaine essentielle et universelle et il existe au regard de cette spiritualité, des besoins spirituels69. Ces besoins sont la quête de réponses aux préoccupations essentielles suivantes : être et rester sujet, adhérer à des valeurs librement reconnues, construire un réseau de solidarité et se questionner sur l’après.

67

Ibid. P 76.

68

«(…) en matière d’accompagnement de personnes en fin de vie : «besoins spirituels» en évoquent l’amplitude (le spirituel) et en affirment la nécessité (le besoin) ». Ibid. P 76.

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Ces besoins spirituels prennent une importance toute singulière en situation de maladie. La question de persévérer en tant que sujet en situation de maladie grave avec les contraintes de traitement, les réductions des possibilités physiques ou psychiques et, comme nous avons pu le voir dans la première partie de ce travail, les injonctions ou représentations de l’entourage et des soignants, est un vrai défi pour les personnes malades. Cette dimension du besoin spirituel relève donc de l’identité de la personne et ce sentiment d’identité est aussi et surtout lié à la perception que les autres auront de la personne devenue « malade ». De même, la survenue de la maladie grave et la révélation de la finitude ne sont pas neutres