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La persistance durant toute la vie des désirs sexuels infantiles, comme des conflits intra-psychiques qui leur sont inhérents, va de pair avec une organi-sation fantasmatique inconsciente qui se (re)présente comme une dramatisa-tio des conflits infantiles, ceux-ci étant réactualisés par, et dans, la psychonévrose de-transfert.

Toujours en lien au développement du transfert, les fantasmes (fantaisies diurnes et fantasmes inconscients) qui se déploient pendant le travail analyti-que sont issus de différentes oppositions, sources de tensions intra-psychi-ques, qui s’établissent, notamment, entre les processus primaires et les processus secondaires, entre la libido narcissique et la libido objectale, entre les différentes instances de l’appareil psychique (ça, moi, surmoi) et la réalité, ainsi qu’à l’intérieur des différentes instances elles-mêmes. Quel que soit leur niveau d’organisation, les fantasmes inconscients (qui apparaissent dans le discours latent du patient) doivent toujours être envisagés comme des mécanismes de défense contre l’angoisse et la dépression.

Les fantasmes inconscients ne sont pas une donnée d’emblée, car ils s’organisent – au gré de la cure – à partir de la rencontre entre la réalisation hallucinatoire du désir et l’investissement ambivalent de l’objet. Cela entraîne le fait que les fantasmes inconscients, quelle que soit leur thémati-que, sont toujours, peu ou prou, organisés sur un thème œdipien et, de ce fait, comportent toujours une représentation de scène primitive (sujet – objet – objet de l’objet). Ils impliquent toutes les relations, tant passées qu’actuelles, du sujet en analyse avec ses principaux objets de désir et, donc, avec le nouvel objet que représente l’analyste, lequel se trouve à son tour impliqué dans la situation analytique, étant lui-même devenu par l’effet du transfert, de manière plus ou moins consciente, objet de désir.

Ainsi, la cure analytique, nourrie et tissée par les fantasmes transféro-contre-transférentiels des deux protagonistes de la situation (patient et analyste), suscite chez ceux-ci des motions pulsionnelles et des désirs qui donnent lieu à de nouvelles formations fantasmatiques, elles-mêmes suscep-tibles d’être refoulées. Dès lors, tout processus de fantasmatisation rend

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compte de la conflictualité inhérente à l’action transférentielle, laquelle, du fait du transfert, vient réactualiser les conflits anciens.

Dans le cadre spécifique du travail analytique, et notamment grâce à l’interprétation du transfert, les fantasmes inconscients, mis en jeu par l’action processuelle et la dynamique transféro-contre-transférentielle, vont pouvoir être, peu à peu, mis au jour, et permettre que se crée une histoire (histoire du sujet, infiltrée de l’histoire propre à la cure) tissée de fantasmes, dont l’origine, pour certains, pourra être rattachée aux expériences les plus primordiales de l’enfance.

CONCLUSION

Au terme de ce parcours il est important de souligner, comme cela a déjà été évoqué plus haut, que l’activité fantasmatique est à l’origine de toute créa-tion, que celle-ci soit littéraire, artistique, ou même scientifique, créations dont elle est le principal ferment. S. Freud développe et illustre largement ce point de vue dans de nombreux écrits1, tels, entre autres, Le Délire et les rêves dans la « Gradiva » de W. Jensen (Freud, 1907 [1906]), « Le créateur littéraire et la fantaisie » (1908a [1907], p. 29-46), « Le Moïse de Michel Ange » (1914b, P. 83-125), Un souvenir d’enfance de « Poésie et vérités » (Freud, 1917, p. 63-73), L’Inquiétant (Freud, 1919a, p. 147-188), Une névrose diabolique au XVIIe siècle (1923 [1922], p. 213-250), Dostoïevski et la mise à mort du père (1928 [1927], p. 205-226), etc.

Ces essais de psychanalyse appliquée, qui apportent chacun un éclairage supplémentaire sur le statut du fantasme, soulignent le fait que l’activité fantasmatique permet, tant chez l’enfant que, bien entendu, plus tard chez l’adulte, une créativité qui va du « jeu » à « l’activité intellectuelle », donnant ainsi au sujet la possibilité de transposer des éléments angoissants ou douloureux de la réalité dans un espace psychique, et un monde nouveau, qui se créent à sa convenance. Ces éléments, qui sont une source de souf-france, peuvent être ainsi transformés en une source de plaisir à laquelle la temporalité n’est pas étrangère, car, comme l’écrit S. Freud (1908a [1907], p. 39), « on peut dire qu’une fantaisie flotte en quelque sorte entre trois temps, les trois moments de notre faculté représentative. Le travail psychique se rattache à une impression actuelle, une occasion dans le présent qui a été dans la mesure de réveiller un des grands désirs de l’individu ; à partir de là, il se reporte sur le souvenir d’une expérience antérieure, la plupart du temps

1. En dehors de ceux évoqués jusqu’à présent dans ce texte.

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infantile, au cours de laquelle ce désir était accompli ; et il crée maintenant une situation rapportée à l’avenir, qui se présente comme l’accomplissement de ce désir, précisément le rêve diurne ou la fantaisie, qui porte désormais les traces de son origine à partir de l’occasion et du souvenir. Passé, présent, avenir donc, comme enfilés sur les cordeaux du désir qui les traverse ».

LECTURES CONSEILLÉES

FREUD S. (1887-1904). Lettres à Wilhelm Fliess (1887-1904), édition complète, Paris, PUF, 2006.

FREUD S. (1900). L’Interprétation du rêve, dans Œuvres complètes, IV, Paris, PUF, 2003.

FREUD S. (1905 [1906]). Mes vues sur le rôle de la sexualité dans l’étiologie des névroses, dans O.C., VI, Paris, PUF, 2006.

FREUD S. (1907 [1906]). Le Délire et les rêves dans la « Gradiva » de W. Jensen, Paris, Gallimard, 1986.

FREUD S. (1908a [1907]). « Le créateur littéraire et la fantaisie », dans L’Inquiétante Étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1985.

FREUD S. (1908b). « Les fantasmes hystériques et leur relation à la bisexualité », dans Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, 1973.

FREUD S. (1909a [1908]). « Le roman familial des névrosés », dans Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, 1973.

FREUD S. (1909b). « Les théories sexuelles infantiles », dans La Vie sexuelle, Paris, PUF, 1969.

FREUD S. (1909c). Analyse de la phobie d’un garçon de cinq ans (le petit Hans), dans O.C., IX, Paris, PUF, 1998.

FREUD S. (1910). Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, dans O.C., X, Paris, PUF, 1993.

FREUD S. (1914a [1918]). À partir de l’histoire d’une névrose infantile, dans O.C., XIII, Paris, PUF, 1994.

FREUD S. (1914b). « Le Moïse de Michel-Ange », dans L’Inquiétante Étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1985.

FREUD S. (1915a). Communication d’un cas de paranoïa contredisant la théorie psychanalytique, dans O.C., XIII, Paris, PUF, 1994.

FREUD S. (1915b). Pulsion et destin des pulsions, dans O.C., XIII, Paris, PUF, 1994.

FREUD S. (1915c). Le refoulement, dans O.C., XIII, Paris, PUF, 1994.

FREUD S. (1917). Un souvenir d’enfance de « Poésie et Vérité », dans O.C., XV, Paris, PUF, 1996.

FREUD S. (1919a). L’Inquiétant, dans O.C., XV, Paris, PUF, 1996.

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FREUD S. (1919b). « Un enfant est battu », dans Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, 1973.

FREUD S. (1920). Au-delà du principe de plaisir, dans O.C., XV, Paris, PUF, 1996.

FREUD S. (1923 [1922]). Une névrose diabolique au XVIIe siècle, dans O.C., XVI, Paris, PUF, 1991.

FREUD S. (1928 [1927]). Dostoïevski et la mise à mort du père, dans O.C., XVIII, Paris, PUF, 1994.

FREUD S. (1950 [1895]). « Projet d’une psychologie », dans Lettres à Wilhelm Fliess (1887-1904), Paris, PUF, 2006.

FREUD S., BREUER J. (1895). Études sur l’hystérie, Paris, PUF, 1956.

GREEN A. (1997). Les Chaînes d’Éros. Actualité du sexuel, Paris, éditions Odile Jacob.

ISAACS S. (1952). « Nature et fonction du phantasme », dans Développements de la psychanalyse, Paris, PUF, 1966.

KLEIN M. (1921-1945). Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1967.

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LAPLANCHE J., PONTALIS J.-B. (1964). Fantasme originaire, fantasme des origines, origine du fantasme, Paris, Hachette, LAPLANCHE J., PONTALIS J.-B. (1967). Voca-bulaire de la psychanalyse, Paris, PUF.

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PENOT B. (2002). Dictionnaire international de la psychanalyse, dir. A. DE MIJOLLA, Paris, Calmann-Lévy.

PERRON-BORELLI M. (1997). Dynamique du fantasme, Paris, PUF, « Le Fil rouge ».

PERRON-BORELLI M. (2001). Les Fantasmes, Paris, PUF, « Que sais-je ? ».

Chapitre 7

LES MÉCANISMES