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PARTIE I CONTEXTUALISATION HISTORIQUE : LA PSYCHANALYSE DE

Chapitre 2 – La psychanalyse pendant la période nehruvienne 72 

3) La critique de la psychanalyse 85 

Le tournant culturaliste opéré par une partie de la psychologie indienne s’accompagne d’une critique de ce que les auteurs appellent la psychothérapie occidentale, incarnée au plus haut point, à leurs yeux, par la cure psychanalytique.

A – Une forme de psychothérapie peu pertinente en contexte indien

Les psychiatres remarquent tout d’abord que la psychothérapie à l’occidentale présente des caractéristiques formelles qui semblent très incongrues en terrain indien. C’est le style même de la thérapie qui pose problème. Deux personnes nouent, dans un cabinet clos où la confidentialité est de mise, une relation contractuelle à visée thérapeutique. Dans cette relation, le psychothérapeute reste relativement en retrait, malgré la bienveillance et l’empathie dont il fait preuve. Les deux protagonistes, en dépit du caractère intime des propos qui s’échangent entre eux, gardent une certaine distance, respectent l’existence d’un cadre formel, se vouvoient (dans les langues où la distinction tutoiement / vouvoiement existe), n’ont pas de contacts corporels et ne se voient pas en dehors des séances. Le psychothérapeute est clairement perçu comme un professionnel qui vend un service, ce qui n’empêche pas toute sorte de sentiments de naître entre le thérapeute et le patient. En Inde au contraire, d’après ces psychiatres, le caractère formel de la relation a souvent pour effet d’empêcher tout processus thérapeutique de se mettre en place. Comme le dit le psychiatre A.S. Mahal (1974), toute relation formelle

suscite la méfiance de nos patients indiens, si bien qu’une relation viable ne peut s’établir et que la thérapie ne prend pas vraiment. Le patient est de plus en plus insatisfait et finit par partir. Cela se produit dans un nombre considérable de cas malgré le fait que ces patients soient jugés réceptifs à la psychothérapie, et cela est encore vrai aujourd’hui. Cela se produit avant que le patient ait pu mettre son problème au travail et aborder ses conflits… La difficulté qu’on rencontre ici, c’est l’incapacité de la part du patient à se tourner vers une relation formelle, qui ne le satisfait pas.

Les patients indiens cherchent au contraire par tous les moyens à établir une relation informelle avec le thérapeute :

Pour y parvenir, ils apportent des lettres de recommandation ; dans leur conversation, ils adoptent des marques de familiarité, s’efforcent d’établir une relation amicale et attendent des signes de réciprocité dans l’attitude et dans les propos du thérapeute. Ils offrent des cadeaux, invitent le thérapeute à leur domicile, à des mariages ou à d’autres événements. Ils gagnent en assurance s’ils appartiennent à la même religion, à la même caste, au même groupe linguistique ou à la même zone géographique que le thérapeute. Cette attitude n’est en rien spécifique à la situation thérapeutique… Méfiance dans les situations formelles, agréable sentiment de sécurité et de réconfort dans les situations informelles, telle est la caractéristique commune de notre peuple. Même quand on achète des biens à un commerçant, on essaie de faire des affaires avec une personne que l’on connaît ou on essaie de développer une relation personnelle durant la transaction.

Le psychothérapeute qui chercherait à maintenir une barrière avec le patient et à préserver le cadre formel de la relation se condamnerait ainsi à l’impuissance thérapeutique. De même, ces psychiatres insistent sur l’incongruité de l’impératif de confidentialité dans un monde où « des concepts comme celui de vie privée, dans le sens de vie séparée et de possessions individuelles, n’existent pas. Parfois, on ne trouve même pas de synonymes exacts du terme “vie privée” dans les langues de ces cultures. Ils n’existent en tout cas pas dans les langues indiennes. La vie privée coupe les gens de la totalité sociale interdépendante. Cela a par conséquent tendance à nourrir un sentiment d’isolement et de solitude accablante » (Neki 1992 : 171). Le peu de pertinence sociale de l’idée de vie privée a deux conséquences. Tout d’abord, la famille ne comprend pas aisément qu’elle ne fasse pas partie du processus thérapeutique visant à soigner l’un des siens. C’est pourquoi les tenants de l’indianisation des psychothérapies insistent beaucoup sur la nécessité d’inclure les familles. Le psychiatre J.S. Neki (1992 : 171) dit par exemple :

La thérapie individuelle (…) a tendance à générer des appréhensions paranoïaques et des tensions frénétiques dans le réseau social du patient. La famille se met presque invariablement à enquêter après la séance pour savoir ce qui s’est dit pendant celle-ci et initie même une contre-séance réalisée par ses soins. Dans un tel milieu culturel, la thérapie familiale est un genre de thérapie plus approprié. Même lorsque la thérapie individuelle est censée être préférable, le faire précéder de quelques séances avec la famille peut être souhaitable parce que cela atténuera les anxiétés de la famille.

Ensuite, il revient à la famille de décider quelles informations peuvent ou non être partagées au-delà du cercle familial. Neki poursuit :

Dans les cultures égocentriques [centrées sur l’individu, comme les sociétés occidentales], les secrets sont généralement de nature personnelle et leur divulgation est entièrement à la discrétion de l’individu. Dans les cultures sociocentriques [centrées sur le groupe, comme la société indienne], au contraire, planent souvent de nombreux secrets qui mettent en jeu la dignité et l’honneur collectifs. Ceux-ci ne peuvent pas être violés sur décision de l’individu. Il y a donc en thérapie une très forte résistance contre leur divulgation. Cependant, dans ces environnements culturels, le patient a souvent tendance à incorporer le thérapeute dans une relation de type « familial », en l’appelant « mon oncle » ou « mon père », etc. Si le thérapeute rend la pareille et répond à cette invitation de parenté fictive d’une façon adéquate, il aura peut-être accès aux secrets collectifs autrement bien gardés – et c’est parmi ceux-ci que semblent résider les dynamiques les plus significatives.

Pour déjouer le devoir de loyauté familiale, qui empêche de livrer à un étranger les aspects peu avouables de son entourage, le thérapeute doit accepter d’être partiellement intégré dans le réseau familial élargi de son patient – en répondant aux tentatives du patient pour établir une parenté fictive avec lui, en donnant une coloration informelle et conviviale à la séance, en incluant sa famille dans le processus thérapeutique et en acceptant certaines de ses invitations (à boire le thé à son domicile par exemple). Loin de n’être partagées que par J.S. Neki, ces propositions font au contraire consensus chez les psychologues et psychiatres qui s’efforcent, dans les années 1970- 1980, de penser une psychothérapie adaptée au contexte indien (au nombre desquels on compte notamment N.C. Surya, S.S Jayaram, V.K. Varma, A. Ghosh, A.S. Mahal). Autre constat qui fait consensus auprès des partisans d’une psychologie culturaliste, le peu de pertinence de l’idéal d’indépendance auquel s’adosse la psychothérapie à l’occidentale. L’indépendance n’est pas un idéal social présent dans la société indienne de ces années-là. Les patients en souffrance approchent le thérapeute avec des attentes particulières, en grande partie calquées sur les attentes qu’ils ont

envers un guide spirituel. D’après ces différents psychiatres, le patient perçoit le thérapeute comme un figure d’autorité quasi-religieuse, qui doit le guider et à laquelle il doit se soumettre. Neki (1976b : 16) le dit en ces termes :

[Le patient] croit pour de bon que le thérapeute va être le véhicule au travers duquel Dieu va effectuer le miracle de la guérison. Il n’est pas facile et peut-être pas même opportun de sevrer de tels patients de leur dépendance à l’égard du thérapeute. Même si le thérapeute explique qu’il n’est nullement un personnage omniscient ou omnipotent, le patient considère cela comme un signe de pure humilité de la part du thérapeute et sa foi en lui en est renforcée. Si le thérapeute persiste à adopter une attitude hostile à la dépendance du patient, celui-ci se sent rejeté et dépourvu de la générosité de sa « grâce », et se considère alors comme un malheureux rebut.

Dans un tel contexte, Neki insiste sur la nécessité de ne pas réagir de façon défensive face à l’attitude soumise du patient et d’accepter sereinement sa tendance à idéaliser le thérapeute. Les psychiatres et les psychologues qui cherchent à indianiser la psychothérapie insistent en effet unanimement sur ce point : les patients indiens voient spontanément le thérapeute comme un guide et comme un supérieur hiérarchique, ils attendent de lui qu’il leur disent que faire et non qu’ils les aident à décider par eux-mêmes. Ces patients veulent donc une attitude directive de la part du psychothérapeute, dont ils attendent recommandations – voire injonctions – et réconfort. Dans une enquête menée par V.K. Varma et A. Ghosh en 1974 auprès de trente-deux psychiatres exerçant la psychothérapie, il apparaît que ceux-ci se comportent spontanément d’une façon nettement plus active et dirigiste qu’il n’est de coutume en Europe ou aux Etats-Unis (cité dans Varma 1982).

Plus globalement, les psychiatres et les psychologues qui cherchent à indianiser les psychothérapies se montrent très critiques vis-à-vis de l’idéal d’indépendance auquel s’adosse la thérapie à l’occidentale. Ils soulignent que l’homme sain est, dans la théorie freudienne et dans la plupart des psychothérapies occidentales, un homme d’une grande indépendance, matérielle et affective, dont les structures psychiques internes sont solidement affermies, permettant ainsi à un moi fort de faire nettement la séparation entre l’intérieur et l’extérieur et de se confronter à la réalité plutôt que de se replier sur un principe de plaisir fantasmatique. L’individu sain est ainsi fondamentalement un atome dont le fonctionnement interne doit être bien réglé pour lui permettre d’interagir harmonieusement avec d’autres atomes. A leurs yeux toutefois, une telle conception de l’homme sain est tout à fait inadaptée à la société indienne. Ainsi, alors que les thérapeutes occidentaux ont tendance à assimiler le fait d’être dépendant au fait d’être exploité ou abusé et à

considérer que la dépendance du patient envers le thérapeute est un écueil majeur à éviter, ces psychiatres indiens entreprennent de réévaluer positivement la notion de dépendance. D’après Neki (1976a et 1976b) par exemple, la dépendance ne serait pas que cette incapacité immature à subvenir à ses propres besoins qui apparaît en creux de l’idéal occidental d’indépendance. Loin de n’être qu’une faille, un défaut ou un manque, la dépendance apparaît comme une qualité pleine, témoignant de capacités adaptatives. Elle serait nécessaire au bon fonctionnement des groupes humains. A la dépendance, au sens de soumission immature à quelqu’un, le psychiatre indien oppose, non pas l’indépendance, mais la fiabilité (dependability) et l’acceptation mature du fait d’avoir besoin des autres. A l’inverse, dans le refus de la dépendance du patient, Neki (1973 : 761) décèle une forme de déresponsabilisation de la part du thérapeute : « Même si le thérapeute occidental influence les décisions du patient, le déni du contrôle exercé par le thérapeute et le maintien de l’illusion selon laquelle le patient se vient en aide tout seul ôtent toute responsabilité au thérapeute à propos des décisions prises. »

Outre l’idéal d’indépendance, ces psychiatres critiquent la méfiance vis-à-vis des traditions religieuses et spirituelles de l’Inde dont font preuves les thérapeutes indiens qui s’inscrivent dans des traditions occidentales. Comme nous l’avons vu, après l’indépendance, les psychanalystes indiens ont cessé de faire dialoguer la théorie freudienne et la tradition hindoue et ont repris à leur compte une longue tradition psychanalytique, pour laquelle la religion est une illusion enracinée dans la période de dépendance infantile au père, s’accompagnant d’une forme d’immaturité affective. La majorité des psychologues et des psychiatres du sous-continent considèrent aussi les questions de santé mentale comme étanches aux croyances religieuses et en promeuvent une conception très positiviste. Les psychiatres et les psychologues désireux d’indianiser la psychothérapie reprochent aux psychothérapies à l’occidentale de chercher à séculariser leurs patients et soulignent que l’efficacité thérapeutique de la psychothérapie requiert que le thérapeute et le patient puissent s’adosser à une même conception du monde. Ils rappellent que la majorité des Indiens ont un rapport au monde empreint de magico-religieux. A leurs yeux, les psychothérapeutes qui vivent dans un univers entièrement désenchanté perdent la possibilité de comprendre leurs patients et d’être compris par eux. Pour être efficaces, les thérapeutes doivent au contraire accepter, au sein du processus thérapeutique, d’autres rapports au monde que le rapport intégralement désenchanté promu par la modernité européenne (Neki 1973 et Varma 1982).

En somme, ce mouvement d’indigénisation accuse la psychothérapie à l’occidentale ou « mainstream », qui est largement majoritaire dans le sous-continent, de regarder la psychè indienne

et le fonctionnement des rapports sociaux à travers le prisme occidental d’un idéal individualiste de l’homme. A ses yeux, cette position singulière comprend un risque : celui de plaquer un système de valeur occidental sur une société indienne intégrée dans un discours symbolique tout autre. Ce risque peut à son tour conduire à deux impasses : en ignorant le rapport au monde des Indiens, ces psychothérapies se condamneraient bien souvent à l’inefficacité auprès de leurs patients. Et lorsqu’elles parviennent toutefois à insuffler un souffle occidental d’indépendance et d’autonomie chez des patients qui en étaient jusqu’alors dépourvus, elles seraient alors nuisible à leurs propres patients, en les condamnant à devenir étrangers à leur propre société. Etre trop indépendant en Inde reviendrait à être mal adapté aux denses tissus de relations interdépendantes qui enserrent l’individu de toute part.

B – Comment adapter la psychothérapie à l’Inde ?

Les psychiatres et les psychologues qui soutiennent ce mouvement d’indianisation ne se contentent pas de pointer du doigt ce qu’ils jugent inapproprié au contexte indien dans la psychothérapie à l’occidentale. Ils proposent aussi une série de modifications permettant de faire de la psychothérapie une pratique thérapeutique qui fasse sens dans le sous-continent.

Ils soutiennent tout d’abord avec force que l’efficacité d’une pratique psychothérapeutique dépend en grande partie de sa capacité à faire fond sur un mythe commun, une conception du monde partagée par le thérapeute et le malade (Varma 1982 et Neki 1973). L’appartenance à un même système symbolique serait nécessaire pour créer un langage dans lequel puissent s’exprimer et éventuellement se résoudre les troubles qui frappent un individu, tout en assurant la permanence et la cohésion du groupe en dépit du malheur qui frappe l’un d’entre eux. Ce serait ainsi la possession d’une même conception du monde qui permettrait une gestion raisonnée et partagée de la maladie, du malheur et de l’infortune. Ces psychiatres et ces psychologues soulignent d’ailleurs volontiers que la psychothérapie à l’occidentale n’échappe pas à cette logique, et qu’elle trouve en Europe et en Amérique du Nord son efficacité dans sa capacité à s’appuyer sur la mythologie moderne occidentale, dont l’idéal réside dans des individus tout à fait autonomes, affranchis des déterminations sociales et familiales, et dont la figure emblématique serait le self-made man américain. C’est dans cette perspective que certains d’entre eux ont cherché à utiliser la mythologie hindoue pour faire comprendre ce qu’est la psychothérapie à un public non averti. On peut par exemple évoquer les thérapies menées auprès d’hommes issus de milieux culturels traditionnels,

ruraux et urbains, dans le plus grand hôpital psychiatrique de l’Inde, le National Institute of Mental Health and Neuro Sciences à Bangalore. Le Pr. Narayanan tient un groupe thérapeutique masculin dans une pièce où se trouve une grande image de la fameuse scène de bataille de la Bhagavad Gita où Arjuna jette à terre son arc avec dégoût, refusant de combattre ses proches qui lui ont fait du tort et supplie Krishna, son cocher et une incarnation de Vishnu, de l’aider. Quand des patients arrivent avec des symptômes qu’ils attribuent à des maladies somatiques ou à des causes extérieures (possession, configurations astrales, héritage karmique, etc.) et ont du mal à parler d’eux-mêmes, le Pr Narayanan leur montre l’image du héros Arjuna en pleine souffrance, demandant de l’aide. Souvent, cette identification à Arjuna permet aux patients de parler de leurs problèmes et de leurs souffrances, de lier plus étroitement leur trouble à leur vie et de concevoir des causes intérieures à leurs maux (cité dans Roland 1988 : 69). D’autres exemples pourraient être donnés, comme le complexe d’Hanuman, forgé par le psychiatre N.N. Wig (2004) dans les années 1960 : de même que Hanuman, le dieu singe très populaire en Inde, en particulier auprès des enfants, n’a été capable de réaliser la mission donnée par le roi Rama – aller chercher la reine Sita capturée par le démon Ravana sur l’île de Lanka – que lorsqu’il s’est souvenu être le fils du vent et avoir la possibilité de voler, de même, dit N.N. Wig à ses patients, un voile d’ignorance temporaire dû à votre maladie vous l’a fait oublier mais vous avez en vous les ressources nécessaires pour changer dans le sens que vous désirez, soyez donc comme Hanuman, croyez en vos pouvoirs. D’après N.N. Wig, les patients, qui connaissent presque tous cette histoire, s’identifient aisément au dieu singe, qui les renvoie souvent à des souvenirs d’enfance. Wig se sert ainsi de mythe hindou pour transmettre une vision du monde où l’individu n’est pas soumis aux aléas de l’existence et peut prendre son destin en main. Comme d’autres psychiatres désireux d’adapter la psychothérapie à l’Inde, il regrette toutefois que la mythologie hindoue ne soit guère utilisée par la plupart des professionnels de santé mentale.

Outre le recours à la mythologie, les partisans de l’indigénisation proposent aussi des modèles relationnels propres au sous-continent pour penser la relation thérapeutique. La grande majorité des Indiens ne sait pas ce qu’est un psychothérapeute. Pour rendre la relation thérapeutique compréhensible, ces psychologues et ces psychiatres proposent de la penser à partir d’autres relations, avec lesquelles les patients sont familiers. Ils rappellent en outre que la relation thérapeutique est conçue, dans la cure analytique et dans certaines psychothérapies qui s’en inspirent, comme une relation transférentielle, dans laquelle se rejouent les relations du patient avec certains de ses proches. A leurs yeux, cela a une conséquence cruciale : la relation thérapeutique se fond dans le moule culturellement variable qui sert de matrice aux relations interpersonnelles,

notamment intrafamiliales. Autrement dit, les schèmes relationnels propres à la société indienne viennent informer la relation transférentielle qui s’installe dans la cure analytique, entraînant par là même des attentes, des inhibitions, des résistances propres aux structures relationnelles du sous- continent. En ce sens, les psychothérapies sont fondamentalement dépendantes de la façon dont se structurent les relations au sein desquelles évoluent par ailleurs le psychothérapeute et le patient. Ainsi, certains psychiatres et psychologues se posent la question en ces termes : quels sont les schèmes relationnels qui façonnent implicitement les relations thérapeutiques dans le sous-continent indien ? J.S. Neki dit par exemple : « Les docteurs et les patients doivent non seulement avoir un même idiome pour décrire l’expérience subjective de la maladie névrotique, mais ils doivent aussi tomber d’accord sur un paradigme spécifique pour la relation thérapeute / patient » (Neki 1973 : 756). Deux paradigmes relationnels semblent pouvoir servir de modèle à la relation entre un thérapeute et un patient.

Tout d’abord, la relation entre un jeune homme ou une jeune femme et un(e) aîné(e). Comme le remarquent de nombreux thérapeutes indiens, un patient du sous-continent a tendance à aborder son thérapeute comme s’il s’agissait d’un aîné dans sa famille. Le psychanalyste B.K. Ramanujam, qui a longtemps exercé à Ahmedabad, indique par exemple que la plupart des patients viennent consulter un thérapeute lorsque tous les aînés de leur famille sont indisponibles ou ne s’occupent pas d’eux (cité par Roland 1988 : 65). D’après lui, les patients indiens assimilent le