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Un regard critique relatif aux critères de sécurité attendue du produit pharmaceutique, et la position juridique des victimes face au défaut

SECTION I : L´OBJECTIVATION DU FAIT GÉNÉRATEUR DANS DES QUESTIONS DE RESPONSABILITÉ MÉDICALE

B.- Un regard critique relatif aux critères de sécurité attendue du produit pharmaceutique, et la position juridique des victimes face au défaut

334. Normalement la sécurité représentative d‟un produit sanitaire se dégage à partir de deux aspects : d‟un côté, de la différence entre l‟estimation des risques et des bénéfices thérapeutiques du produit, matérialisés en l‟autorisation administrative de sa mise en circulation (1) ; et d‟un autre, dans l‟obligation de la part du laboratoire, d‟informer ou d‟avertir sur les éventuelles conséquences nuisibles liées à la prise du médicament (2). Dans cette ligne, nous estimons que non parce qu‟il dispose d‟autorisations ou parce qu‟il a respecté l‟obligation d‟informer, le laboratoire doit être a priori considéré indemne par rapport aux dommages du fait des produit, surtout quand ils sont de nature pharmaceutique.

460 Concernant l‟étroite relation entre le calcul de risques/bénéfices d‟un produit et l‟obligation d‟informer de la part du laboratoire, Cf. J. Winchester, “Section 8(c) of the Proposed Restatement (Third) of Torts : Is It Really What the Doctor Ordered”, Cornell Law Revue, v. 82, n° 644, 1997. Disponible en ligne : http://scholarship.law.cornell.edu/clr/vol82/iss3/5 .

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1.- Quant aux dommages dérivés du défaut d’un produit autorisé administrativement.

335. Nous défendons l‟idée que les victimes ne doivent pas être abandonnées en ce qui concerne la compensation de leurs dommages, sous prétexte des autorisations dont dispose le médicament. Nous croyons qu‟une règle essentielle des relations de consommation est celle qui dit que la personne que met en circulation un bien, que peut éventuellement être défectueux et causer des dommages aux consommateurs, doit être en condition d‟assumer la matérialisation des risques que ce commerce suppose.

336. Nous croyons que la sécurité d‟un produit, quand elle s‟identifie avec ce que le consommateur attend légitimement, obéit à une approche qui répond aux critères objectifs, mais aussi aux subjectifs. Dans le sens de ce que nous venons de dire, même si l’autorisation administrative s‟identifie comme la reconnaissance de l‟autorité dans le sens que des produits pharmaceutiques déterminés réussissent le test de risques attribués au médicament parce qu‟il y a plus de bénéfices qui lui sont attribués, nous croyons que cela ne constitue pas une défense qui empêche qu‟un laboratoire puisse être déclaré responsable d‟un dommage dérivé du défaut d‟un de ses produits. Nous estimons que dans l‟analyse des risques, une fois qu‟un événement de dommage dérivé de la prise d‟un médicament, d‟un vaccin ou autre a été détecté, celui-ci obéit à un aspect subjectif qui doit être valorisé avec prudence par le juge selon les antécédents, n‟étant pas une excuse suffisante pour le laboratoire de parler des bénéfices des médicaments à l´égard d´une grand quantité de personnes face à un petit nombre qui a présenté les symptômes du dommage. Donc, le fabricant devra décider s‟il retire le médicament du marché selon la confiance du laboratoire envers ses médicaments et la rentabilité de ceux-ci. Cela même s‟il semble particulier que certains médicaments qui, justifiés en vertu d‟une balance des risques-bénéfices, aient été l‟objet de litiges dérivés de leurs défauts.

337. De même, nous croyons que l’étude objective des risques et des bénéfices du médicament devient important, d‟abord sous une conception préventive de la contingence. Cette étape n‟est capable en elle-même de rassembler qu‟une partie de l‟intégrité de la responsabilité civile, laissant hors de l‟analyse la fonction d‟indemnisation de celle-ci, identifiée au dommage. Au moment d‟exercer cette fonction, il est nécessaire de faire une

évaluation subjective dans laquelle bien que la balance des risques-bénéfices citée ci-dessus, constitue un antécédent, il ne doit pas être considéré comme une preuve complète de l‟irresponsabilité du laboratoire. De là que dans l‟étape de la détermination de la responsabilité civile du laboratoire, il soit nécessaire vérifier d‟autres études, calculs et

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preuves. Ainsi par exemple : ceux relatifs au développement des sciences et l‟accomplissement des devoirs de vigilance de la part du fabricant462

. Cela surtout parce que les agences sanitaires fixent des minimums mais pas des maximums de sécurité. De là qu‟on puisse vérifier parfaitement des situations préjudiciables et disproportionnées qui ne doivent pas être assumées par le consommateur du produit.

338. Le problème exposé a été détecté par la doctrine espagnole par rapport à la jurisprudence française en matière d‟événements de sclérose en plaques à cause de l‟injection d‟un vaccin contre l‟hépatite B463

. Nous pouvons observer que la Cour de Cassation a adopté des positions divergentes quant à la reconnaissance subjective de la défectuosité du produit. Ainsi, en reconnaissant le droit des victimes à être indemnisées des dommages dérivés du défaut du vaccin, il est possible de consulter l‟arrêt du haut tribunal français464

, du 26 septembre 2012, n° 11-17738. Contre cela le même tribunal465 semble soutenir un autre critère dans son arrêt du 29 mai 2013, n° 12-20-903 où on rend valable le sens de la décision de la Cour d‟Appel qui a refusé l‟indemnisation aux victimes, car on n‟avait pas pu prouver scientifiquement le lien de causalité entre le vaccin et le dommage. De là que soit contestée la possibilité de soutenir l‟action en responsabilité à travers une analyse subjective des risques liés au vaccin466 (nous reviendrons détail sur ce sujet dans la deuxième partie de notre travail467).

462 En ce sens : Cf. Infra n° 882 et ss. (à propos du Distilbène, principe de précaution et sa supposé influence sur le renforcement du devoir de vigilance).

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Cf. M. Parra L., “Responsabilidad por los efectos indeseables de los medicamentos (Con ocasión de la STS de 10 de julio de 2014: Responsabilidad de laboratorio por falta de información de los efectos secundarios de Agreal)”, Centro de estudios de Consumo, 2015. Disponible en ligne : https://www.uclm.es/centro/cesco/serviciosSanitarios/pdf/responsabilidadCasoAgreal.pdf

464 Cass. Civ. 1re, 26 septembre 2012, n° 11-17.738. 465 Cass. Civ. 1re, 29 mai 2013, n° 12-20.903.

466 Cf. J.-S. Borghetti, “Contentieux de la vaccination contre l‟hépatite B : le retour en force de la condition de participation du produit à la survenance du dommage”, Recueil Dalloz, 2013, p. 1717; P. Jourdain, “Vaccination contre l‟hépatite B : le défaut présumé à partir des présomptions de causalité”, RTD Civ., 2013, p. 131; Ch. Radé, “Vaccination anti-hépatite B et sclérose en plaques : une avancée décisive pour les victimes?”, Recueil Dalloz, 2012, p. 2376; J.-S. Borghetti, “Qu‟est-ce qu‟un vaccin défectueux?”, Recueil Dalloz, 2012, p. 2853; L. Grynbaum, “La certitude du lien de causalité en matière de responsabilité est-elle un leurre dans le contexte d‟incertitude de la médecine?”, Recueil Dalloz, 2008, p. 1928.

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339. D‟un autre côté, l‟analyse subjective peut aussi être formulée depuis l‟optique de la matérialisation des avertissements réalisés par le laboratoire.

2.- Quant aux dommages dérivés du défaut d’un produit dont les éventuelles conséquences ont été correctement informées.

340. La question qu‟il faudrait se poser sur ce point concerne aux possibilités de défense de la victime qui a été traitée avec un médicament qui même s‟il a une liste exhaustive de risques éventuels dérivés de sa consommation, provoque un grave dommage à cause de la matérialisation d‟un de ces risques468. Nous estimons que le respect de l‟obligation d‟informer ne constitue pas de la part du laboratoire une défense qui puisse affaiblir les réclamations d‟indemnisation des victimes qui, ayant accepté le traitement, aient souffert un dommage clairement disproportionné par rapport à la finalité de la conception du médicament. Les indices et les aspects subjectifs acquièrent, encore une fois, des caractères indispensables pour l‟action en responsabilité présentée par la victime.

341. Dans le sens de ce que nous venons d‟exposer, la professeure M. Parra L. soutient : “Lorsque un effet secondaire grave se concrétise, dans les termes d´un résultat disproportionné à l´égard de la maladie qu‟on essaie d‟aborder, ou d´un effet anormal quelconque, il est possible d‟affirmer qu‟il s‟agit, pour la plupart des consommateurs, et non seulement pour la personne malade, d‟un risque qui dépasse les expectatives qu‟on peut

468 On ne doit pas poser le problème par rapport à des cas où le laboratoire n‟a pas donné tel qu‟il aurait dû le faire, les informations sur les risques ou éventuelles conséquences nuisibles dérivées de la consommation d‟un médicament déterminé. Nous affirmons qu‟à travers cette omission on a empêché l‟autorité respective de mensurer de manière effective la balance de risques et de bénéfices qui motivent en définitive l‟autorisation ou le rejet du médicament. Une situation comme celle-ci a été vérifiée en France où la Cour d‟Appel de Rennes, dans la décision du 28 novembre 2012, JurisData : 2012 – 027377 a condamné un laboratoire à cause des conséquences dérivées d‟un médicament prescrit pour combattre la maladie de Parkinson. Ceci en conformité aux termes de l‟art. 1245-3 du Code Civil (ancien 1386-4 - Cf. : Article 1292 de l´avant-projet de loi concernant la réforme de la responsabilité civile du 29 avril 2016) d‟où il se dégage qu‟un produit est défectueux lorsqu‟il n‟offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s‟attendre. Le Tribunal déclare que pour apprécier la sécurité, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l‟usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. En l‟espèce, a été retenue la responsabilité d‟un laboratoire pharmaceutique commercialisant un médicament traitant la maladie de Parkinson (Requip) dont la prescription entraîne des troubles d‟addiction aux jeux et une hypersexualité. Il existe un lien de causalité établi entre le défaut du produit tenant à l‟absence d‟information sur les troubles comportementaux et le préjudice subi par la victime.

164 légitimement espérer”469

. La professeure justifie son opinion à travers d´un arrêt du tribunal civil de la ville belge d‟Arlon du 23 février 2006470, lequel soutient qu‟un médicament peut produire des effets indésirables sans que pour cela il doive être considéré comme défectueux. Par contre, le fait concernant l‟avertissement du laboratoire sur la possibilité d‟effets secondaires, ne permet pas d‟exclure de façon automatique que le médicament ne puisse pas être considéré comme défectueux, en particulier si le risque a été jugé comme excessif.

469 M. Parra L., “Responsabilidad por los efectos indeseables de los medicamentos”, op. cit., p. 21.

470 Arrêt du Tribunal civil d‟Arlon (3è Chambre) 23 février 2006 (Revue de Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles, 27, 2006 II, p. 1205.

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