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Les critères de la responsabilité

Tout comme on ne retrouve aucun mot qui ait, chez Aristote, un sens équivalent au mot « liberté » tel que nous l'entendons, on ne retrouve chez lui aucune expression équivalente au mot « responsabilité » compris au sens où nous l'entendons, à savoir en tant qu'il désigne le rapport qui unit un sujet à une action suite à l'exécution de laquelle il est un sujet légitime de sanction morale. Comme le souligne Meyer, « there is no expression in Classical or Hellenistic Greek that corresponds to the English expression 'moral responsibility'58 ». Il n'est donc par surprenant de constater qu'« il n'existe aucun terme du vocabulaire d'Aristote pouvant être systématiquement associé au concept contemporain de "responsabilité morale"' », et à ce titre, il est légitime d'affirmer que « l'omniprésence du terme "responsabilité" dans les traductions françaises [de 1' Eth. Nie.] pose question''0 ». Or,

56 R. R. Curren, « The Contribution of Nichomachean Ethics iii 5 to Aristotle's Theory of Responsibility »,

p. 262, n. 3.

S. S. Meyer, Aristotle on Moral Responsibility, p. 6.

S. S. Meyer, « Moral responsability : Aristotle and after », p. 221. V. Richard, La responsabilité morale : un modèle aristotélicien, p. 4.

26 la confusion engendrée par cet usage se dissipe dès lors qu'on prend conscience du fait que le mot que les traducteurs essaient généralement de rendre par « responsabilité » est « aitios », qui signifie simplement « cause de... », tout comme l'expression « responsable de... » quand on dit de la pluie qu'elle est responsable d'une inondation61. Ainsi, dans les traductions françaises de VÉthique à Nicomaque, le terme « responsabilité » ne renvoie pas à la responsabilité comprise comme le rapport d'un sujet à une action suite à l'exécution de laquelle il est un sujet légitime de sanction morale. Pour cette raison, il est normal, de prime abord, d'être sceptique quant à la possibilité de trouver une théorie de la responsabilité à quelque endroit que ce soit dans l'œuvre d'Aristote. Pourtant, comme nous l'avons signalé, la plupart des commentateurs s'entendent pour dire qu'Eth. Nie. III propose bel et bien une telle théorie.

Mais qu'est-ce au juste qu'une théorie de la responsabilité au sens où nous l'entendons ici ? 11 s'agit d'une théorie qui prend pour objet les critères qui doivent être satisfaits pour qu'une action donnée, en tant qu'elle est exécutée à un instant donné, soit une action dont un sujet donné est responsable. En d'autres termes, il s'agit d'une théorie qui prend pour objet les critères à satisfaire pour qu'à un instant donné, une action donnée soit une action suite à l'exécution de laquelle il est légitime d'attribuer une sanction morale (punition ou récompense) à un sujet donné. Il ne faut pas se méprendre sur la nature des critères auxquels s'intéresse une théorie de la responsabilité : elle s'intéresse aux critères qui rendent légitime le fait d'attribuer une sanction morale à un sujet plutôt que de ne pas lui en attribuer, et non aux critères qui justifient le fait de lui attribuer une sanction positive (récompense) plutôt que négative (punition), ou négative plutôt que positive. Elle ne s'intéresse qu'aux critères qui, satisfaits, garantissent qu'il est légitime de sanctionner un sujet suite à l'exécution d'une action, mais ce indépendamment du fait de savoir si cette sanction doit être positive ou négative. Bref, la question de la responsabilité d'un sujet en regard d'une action se pose indépendamment, et voire même antérieurement à celle de la valeur morale (bonne ou mauvaise) de cette action.

Dans cet esprit, peut-on affirmer qu'Eth. Nie. III propose une authentique théorie de la responsabilité ? Chose certaine, les premières lignes à.'Eth. Nie. III 1 donnent de bonnes raisons de s'attendre à ce que la suite du livre III propose effectivement des éléments qui s'inscrivent dans le cadre d'une théorie de cette nature :

Puisque la vertu a trait aux affections et aux actions, et qu'en regard de celles qui sont volontaires surviennent les éloges et les blâmes, alors qu'en regard de celles qui sont involontaires survient l'indulgence, et parfois même la pitié, il est nécessaire, pour ceux qui s'intéressent à la vertu, de savoir reconnaître le volontaire et l'involontaire. Par ailleurs, cela est utile également pour ceux qui légifèrent relativement aux récompenses et aux punitions62.

Dans ce passage, Aristote prend soin de situer le développement qu'il amorce dans le cadre de l'étude générale de la vertu, étude qu'il mène en vue de mieux comprendre ce qu'est le bonheur'". Il annonce ensuite qu'il entend s'intéresser à ce qui permet de reconnaître

{diorisai ) ce qui est volontaire (la hekousion) et ce qui est involontaire (to akousiori)

parmi les affections (palhê) et les actions (praxeis). Il souligne en outre à quelle fin il lui semble utile de savoir distinguer les affections et les actions volontaires de celles qui sont involontaires : afin de pouvoir distinguer celles en regard desquelles il est légitime d'attribuer des éloges (epainoi) ou des blâmes (psogoi) et, d'un point de vue plus général, des récompenses (limai) ou des punitions (kolaseis), de celles en regard desquelles il est plus approprié de faire preuve d'indulgence (suggnômê) ou de pitié (eleos). Ainsi, dans le passage que nous venons de citer, Aristote semble identifier les actions volontaires d'un sujet avec celles dont il est responsable, et ses actions involontaires, avec celles dont il n'est bz Eth. Nie. III 1 I109M0-35.

Tel est en effet ce à quoi se consacre Aristote en Eth. Nie. II-VI : à une étude de la vertu qui a pour bul de clarifier l'essence du bonheur, laquelle est déterminée par l'essence de la vertu. C'est d'ailleurs le projet qu'il se propose de mener à bien à la fin du livre I : « Puisque le bonheur est un certain acte de l'âme conforme à la vertu finale, il faut examiner ce qu'est la vertu, car ainsi, vraisemblablement, nous pourrons mieux voir ce qu'il en est du bonheur. » (Eth. Nie. 113 1l02a5-6).

Contrairement à Bodélls, qui traduit ici « diorisai» par « définir», il nous semble préférable de traduire « diorisai » par « reconnaître », puisqu'en Eth. Nie. III 1-3, Aristote n'est pas à la recherche d'une définition de l'involontaire et d'une définition du volontaire, mais plutôt à la recherche de critères qui permettent de reconnaître les actions involontaires, d'une part, et les actions volontaires, d'autre part. C'est du moins l'opinion de G. J. Hughes (Aristotle on Ethics, p. 118 - nous soulignons : « So he sets out to analyse how this term is used [hekôn], in order to see under what conditions we are justified in praising or blaming someone L...] for what they do.») et de W. Bondeson («Aristotle on Responsibility for One's Character and the Possibility of Character Change », p. 59 - nous soulignons : « He is concemed to assess the conditions under which an action [...J can be called voluntary or involuntary. »), ainsi que la thèse que nous allons défendre dans les pages qui suivent. En ce sens, la traduction proposée par fricot (« distinguer »), bien que nous lui préférions la nôtre, nous apparaît plus juste que celle de Bodéiis.

28 pas responsable, de sorte qu'on pourrait penser que pour lui, les critères de la responsabilité s'identifient aux critères du volontaire. Chaque sujet serait responsable de toutes ses actions volontaires, mais seulement de ses actions volontaires. Telle est, du moins, la thèse que la plupart des commentateurs attribuent ici à Aristote6'.

À première vue, Aristote semble bel et bien soutenir l'identité des actions volontaires et des actions dont le sujet est responsable : en effet, en soutenant « qu'en regard de celles qui sont volontaires surviennent les éloges et les blâmes », Aristote peut tout aussi bien vouloir dire ceci : toute action volontaire est une action dont le sujet est responsable, que ceci : toute action dont le sujet est responsable est une action volontaire ; en vertu du principe selon lequel A = B si tout A est B et tout B est A, il apparaîtrait donc légitime de conclure que pour Aristote, l'action dont le sujet est responsable s'identifierait à l'action volontaire.

Or voilà : cette interprétation dominante de l'ouverture d'Eth. Nie. III 1 n'est recevable que si l'on fait abstraction du passage où Aristote soutient, quelques lignes plus loin, que même

si elles sont volontaires, certaines actions accomplies par crainte de plus grands maux ne

sont pas pour autant des actions dont le sujet est responsable :

En regard de certaines [actions accomplies par crainte de plus grands maux] pour lesquelles ne survient pas l'éloge survient néanmoins l'indulgence. C'est le cas lorsque quelqu'un fait ipraxêi) ce qu'il ne doit pas faire en raison de maux qui dépassent la nature humaine et que personne ne pourrait supporter66.

On voit qu'ici, Aristote soutient que parmi les actions accomplies par crainte de plus grands maux - qui sont toutes des actions volontaires, comme nous le verrons plus loin -, certaines appellent l'indulgence plutôt que l'éloge ou le blâme, ce qui revient à dire que certaines d'entre elles ne sont pas des actions dont le sujet est responsable. Ces actions sont celles que tout être humain accomplirait s'il se trouvait confronté à la même menace* c'est-à-dire s'il se retrouvait dans la même situation. Même si Aristote n'illustre le genre d'action qu'il a en tête par aucun exemple, il est raisonnable de penser, comme le suggère G. J. Hughes, qu'Aristote aurait été d'accord pour dire que dans 1984 de G. Orwell, l'acte de trahison

65 Voir entre autres D. Bostock, Aristotle 's Ethics, p. 103 ; S. S. Meyer, Op. cit., p. 50-53. 66 Eth. Nie. III 1 H10a23-26.

commis par Winston à l'endroit de Julia alors qu'O'Brien menace de lui mettre la tête dans une cage contenant des rats affamés est un acte de ce genre''7, tout comme le seraient, en général, les aveux faits sous la torture68. C'est donc dire que pour Aristote, il ne suffit pas qu'une action soit volontaire pour que son sujet en soit responsable : il faut en outre qu'elle ne soit pas telle que tout être humain l'accomplirait s'il se trouvait dans la même situation. Ainsi, dans le passage précité, Aristote ajoute subtilement un deuxième critère à la liste de ceux qui permettent de reconnaître les actions dont le sujet est responsable, critère qui ne se réduit pas et ne se justifie en rien par rapport au premier.

Dans la mesure où toute théorie de la responsabilité prend pour objet les critères qu'une action donnée doit satisfaire pour être une action dont un sujet donné est responsable, on peut dire que l'essentiel de la théorie aristotélicienne de la responsabilité se ramène à ceci :

Une action donnée est une action dont un sujet donné est responsable à un instant donné si, à cet instant, elle satisfait les deux critères suivants :

1 ° elle est volontaire pour ce sujet ;

2° elle n'est pas telle que tout être humain l'accomplirait s'il se trouvait dans la situation où ce sujet se trouve.

Voilà qui revient à définir l'action dont le sujet est responsable comme suit :

L'action dont un sujet donné est responsable à un instant donné est l'action qui, en

plus d'être volontaire pour ce sujet, n'est pas telle que tout être humain l'accomplirait s'il se trouvait dans la situation où ce sujet se trouve ù cet instant.

Nous voici donc en présence d'une première formulation de la définition aristotélicienne de l'action dont le sujet est responsable, formulation qui servira de point de départ aux développements qui vont suivre. Ceux-ci seront consacrés à l'élucidation du sens de cette définition et du concept d'action volontaire qui en fait partie. Pour mener à bien cette lâche, il est nécessaire de poursuivre l'étude des chapitres 1 à 3 du livre III de Y Éthique ù

Nicomaque, puisque ceux-ci sont consacrés, comme l'annonce Aristote en ouverture, à la

recherche des critères qui permettent de distinguer, parmi les actions, ce qui est volontaire

(to hekousion) de ce qui est involontaire (to akousion).

' G. J. Hughes, Op. cit., p. 120. Voir G. Orwell, 1984, 3e partie, ch. V, p. 397-402. 68 D. Bostock, Op. cit., p. 106.

iO

Mais cela dit, avant d'aller plus loin, il convient d'abord de s'assurer qu'en Eth. Nie. III 1- 3, le mot « praxis », que nous avons jusqu'ici traduit par « action », renvoie bel et bien au concept de poiêsis animale, auquel nous avons convenu en 1.1 de réserver le nom «action». En d'autres termes, il faut s'assurer que le mot «praxis» y revêt la même signification que dans le traité Du mouvement des animaux. Or, justement, un passage qui se trouve à la fin à.'Eth. Nie. III 3 nous donne clairement cette confirmation. En effet, Aristote écrit à cet endroit que « les praxeis accomplies par ardeur ou par appétit sont bel et bien le fait de l'être humain69 ». En laissant entendre que certaines praxeis sont accomplies par ardeur ou par appétit plutôt que par décision, Aristote se trouve à admettre que certaines

praxeis ne supposent aucune opération de la raison. Voilà qui implique qu'ici, le mot

« praxis » ne renvoie pas à la poiêsis animale qui suppose une opération de la raison et qui est envisagée d'un point de vue moral, mais bien à la poiêsis animale simplement dite. Par conséquent, il est légitime de traduire les occurrences du mot « praxis » qui surviennent en

Eth. Nie. III par le terme « action » compris selon le sens que nous avons convenu de lui

réserver : le sens de poiêsis animale.

Les remarques qui précèdent viennent confirmer qu'en Eth. Nie. III 1-3, Aristote s'intéresse bel et bien à une espèce de l'action telle que nous l'avons définie au chapitre précédent. Il entend identifier les critères qui permettent de reconnaître (diorisai), parmi les actions, celles qui sont volontaires, d'une part, et celles qui sont involontaires, d'autre part. Ainsi, en Eth. Nie. III 1-3, le but d'Aristote est moins d'arriver à proposer une définition de l'action volontaire que d'arriver à identifier les critères, c'est-à-dire les signes qui permettent de distinguer les actions volontaires des actions involontaires. Or, pour atteindre un tel objectif, Aristote peut difficilement se passer d'une définition de l'action volontaire, car il est impossible d'identifier les critères qui permettent de reconnaître si quelque chose est compris sous un genre sans connaître la nature de ce genre. En ce sens, même si

Eth. Nie. III 1-3 ne se présente pas comme une recherche de la définition de l'action

volontaire, il est légitime de s'attendre à y trouver une telle définition, ne serait-ce que sous

une forme implicite. Puisque tel est l'un de nos buts - dégager la définition aristotélicienne de l'action volontaire -, il est pertinent de faire l'étude détaillée de ces trois chapitres.

2.2 Les critères de l'involontaire

Après avoir identifié son objet - dans le passage 110%30-35 cité ci-haut -, Aristote s'intéresse d'abord à la question des critères qui permettent de reconnaître les actions involontaires. 11 commence par énoncer une hypothèse relativement à cette question, hypothèse qu'il entend soumettre à l'examen en Eth. Nie. III 1-2 : « Il semble que les actions accomplies par force ou par ignorance soient involontaires70. » Cette hypothèse ne dit pas que si une action est involontaire, elle est soit accomplie par force (biai), soit accomplie par ignorance (di'agnoian), mais simplement que si une action est accomplie par force ou par ignorance, elle est nécessairement involontaire. Selon cette hypothèse, il suffirait donc qu'une action soit ou bien accomplie par force ou bien accomplie par ignorance pour qu'elle soit involontaire ; il ne serait pas nécessaire qu'elle satisfasse les deux critères à la fois.

Certains commentateurs ont compris cette hypothèse comme le reflet des critères utilisés dans les tribunaux athéniens de l'époque d'Aristote pour reconnaître les actions involontaires71. Chose certaine, qu'ils aient ou non été utilisés dans les tribunaux athéniens au -IVe siècle, il est assez clair qu'Aristote prend ici pour hypothèse de départ des critères qui faisaient consensus à son époque, ou qui auraient été assez facilement acceptés par ses contemporains ; ainsi, Aristote est fidèle à son habitude d'aborder chaque matière en commençant par l'examen des opinions admises par ses contemporains ou par ses prédécesseurs philosophes . Mais comme le souligne Meyer, ici aussi, comme partout ailleurs, Aristote n'en reste pas là : « Although he develops his accounts of voluntariness by appealing to ordinary criteria for voluntariness and involuntariness, Aristotle does not rely on thèse criteria uncritically. Rather, he examines them dialectically, and revises them in

70 Eth. Nie. III 1 IllOol.

71 Voir par ex. G. J. Hughes, Op. cit., p. 119.

2 C'est sur un recensement et une critique des opinions de ses prédécesseurs philosophes que s'ouvre, par

exemple, la Métaphysique (livre I), de même que le traité De l'âme (livre I, 2-5). Aristote recense et critique aussi des opinions communes dans le cadre de son étude de la décision {Eth. Nie. III 4). Mais ce ne sont là que trois exemples parmi bien d'autres.

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the light of independent criteria for moral responsibility . » 11 faut donc lire Eth. Nie. III 1- 2 non pas comme une défense pure et simple des critères contenus dans cette hypothèse, mais plutôt comme un examen critique de ceux-ci destiné à conduire à la formulation de critères plus précis74.

Après avoir énoncé cette hypothèse, Aristote entreprend d'examiner le premier des deux critères qu'elle propose. Il consacre en fait tout le reste du premier chapitre à cet examen, réservant le deuxième chapitre à l'examen du second critère. Aristote est-il en accord avec ses contemporains en ce qui concerne le premier critère ? Est-il d'accord pour dire que si une action est accomplie par force, elle est nécessairement involontaire ?

Bien qu'Aristote n'exprime pas sa position de manière explicite, il semble d'accord pour dire qu'une action accomplie par force est nécessairement involontaire, mais seulement dans la mesure où l'on entend le fait d'être accompli par force au sens littéral, et non en un sens métaphorique. En vue de clarifier sa position, Aristote consacre l'essentiel du premier chapitre à préciser ce qu'il considère au sens propre comme quelque chose d'accompli par force (bicii) ou de forcé (biaion). Ce chapitre contient trois passages dont le contenu et la structure sont relativement identiques, et qui énoncent ce qu'Aristote a tout l'air de considérer comme la définition de l'action forcée proprement dite :

Est forcé ce dont le principe est à l'extérieur, un tel principe étant celui auquel celui qui agit ou celui qui subit ne contribue en rien [...]75.

Quelles choses faut-il alors qualifier de « forcées » ? Ne devons-nous pas dire qu'au sens absolu, c'est lorsque la cause est dans les choses qui sonl à l'extérieur, c'est-à-dire lorsque celui qui agit n'y contribue en rien76 ?

S. S. Meyer, Op. cit., p. 4.

G. J. Hughes envisage ces développements de la même façon : « At any rate he | Aristotle] sets out to comment upon and where necessary to tidy up each of thèse commonly accepted conditions. » (Op. cit., p. 119.).

15 Eth. Nie. 111 1 1110«2-3. lh Eth.-Nie. III 1 I1I0AI-3.

Ainsi, il semble bien que ce qui est forcé soit ce dont le principe est à l'extérieur, celui auquel la force est appliquée n'y contribuant en rien .

Dans chacun de ces trois passages, Aristote commence par dire qu'une action survient par force dans un sujet dans la mesure où son origine (son principe ou sa cause) « est à l'extérieur (exôthen) » de ce sujet, c'est-à-dire « dans les choses qui sont à l'extérieur (en

lois ektos) » de ce sujet. Il complète à chaque fois cette affirmation en spécifiant que

l'origine de l'existence d'une action dans un sujet est à l'extérieur de ce sujet dans la mesure où ce sujet ne contribue en rien à cette origine, c'est-à-dire dans la mesure où l'origine de cette action n'est ni ce sujet, ni une partie de ce sujet, mais un autre sujet. Ainsi, l'action forcée est celle dont l'origine est un sujet distinct du sien et de toute partie