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De la création d'une loi cantonale sur les violences domestiques à sa mise

en

par DAVID BOURCOZ et FLORENCE MERENDA

En quelques années, le sujet des vio-lences domestiques est passé du stade de phénomène tabou, à celui de fléau re-conriu. Le canton de Genève s'est doté d'une loi siir les violences domestiques le 16 sèptembre 20Ô5. EUe est l'aboutis-semènt d'uri travail dè concertation me-né sur. plus d'une décennie entre les principaux membres du réseau œuvrant dans les problématiques de violences do-mestiques. Durant cette période de ges-tation, deux rapports ont été remis aux autorités poUtiques contenant chacun un nombre important de recommanda-tions et proposirecommanda-tions;* La loi genevoise sur les violences domestiques s'en est inspirée largement, ce qui aura valeur de reconnaissarice pour le réseau gene-vois et faciUtera son déploiement.

La loi genevoise sur les violences domestiques

La loi sur ks violences domestiques^ a poiir but dé , contribuer a la protection dé la personnalité dans le cadre famiUal et domestique en soutenant et en ren-forçant les efforts de lutté contre les vio-lences domestiques. EUe enténd assûfëf cohérence et fiabiUté aux iriterventioris en la matière et vise à garantir aux per-sonnes concernées un accès aux res-sources du réseau d'institutions appelées à intervenir dans ce domaine. EUe men-tionne que l'Etat veiUè à coordonner ses actions eri matière de lutte contre les violences domestiques avec eéUes des institutions pubUques ou privéès actives dans ce domaine et que cèlui-ci s'assure que les actions entreprises soient régu-Uèrement évaluées, améUorées et adap-tées. EUe prévoit qu'un e delégue' e oux ytolences domestiques, ,directement subor-donné au Conseil d'Etat, rempUsse des tâches dé coordination, d'évaliiation et d'iiiformation, ceci en concertation avec une commission consultative sur lès vio-lences domestiques. Cette nouveUe loi

cantonale met donc particûUèrement en lumière l'importance du réseau d'iristi-tutions genevoises impliquées dans la prise en charge des violences domès-tiques tout en souUgnant l'impUcatiori de l'Etat. Toutefois, l'élément phare dè cette nouvelle loi est la possibiUté don-née à la poUce de prononcer des mesures d'eloignement administratif à rencontre dès auteiirs de violences domestiques.

De très noiribrelises attentes se sont fp-caUsées sur cette nouveUe possibiUté, occultant ainsi dans l'opiriiori pubUque les autres éléments de la loi.

U faUut malheureusement plus d'une année entre rentrée en vigueur de la loi, le 22 novembre 2005, et l'entrée en fonc-tion du délégué le 8 janvier 2007. Durant ce laps de temps, certains ont manifesté leur déception en pointant en particu-lier le peu de mesures d'éloignement ad-ministratif prononcées et le fait qu'au-cun e délégué e ne soit noiriiné e. Les voix ont continué à s'élever lors dè sa nôini-nation, relayée par bon nombre dè mé-dias locaux, lorsque le Conseil d'Etat a choisi un homme pour remplir cette fonction.

Les premières tâches du Bureau du Délégué aux violences domestiques

C'est dans ce contexte particuUèreirient tendu que le Bureau du Délégué aux vio-lences domestiques (ci-après le Bureau) a débuté ses activités.'' Constitué d'un Délégué et d'une adjointe, engagés à 50%

(7Ô% et 60% depuis le 1er septembre 2007), le Bureau s'est fixé conmie pre-mière tâche d'aUer à la rencontre des principales institutions coriceméés par la problématique. L'accueil qui lui a été réservé a été très positif et la plupart de leurs responsables ont exprimé leur sa-tisfaction de voir l'Etat renforcer sa contribution. Persuadées de la nécessité de trayaiUer ensemble pour faire face à cette problématique, toutes ont accepté

de coUaborer à la mise en œuvre de cette nouveUe loi et la plupart ont intégré la Commission consultative sur les vio-lences domestiques (GCVD).'' Ces insti-tutions se distinguent par leiir statut, leur taille, les types de prise en charge offertes et le pubUc auquel eUes s'adres-sent: on voit ainsi se côtoyer au sein de la Commission des représeritants de ser-vices de l'Etat, du grand Etat ou d'asso-ciations, regroupant quelques collabo-rateurs ou des milUers, dispensant des prises en charge juridiques, psychothé-rapeutiques pu psyehosociales à des erifants oti des adultes, victimes ou au-teurs. PoUçe, Pouvoir Judiciaire, Office de la jeunesse. Hôpitaux universitaires de Genève, Hospice général. Office pé-nitencier. Centre de consultation LAVI,^

SoUdarité femmes,* Vires,' pour ri'én ci-ter que quelques unes, toutes ont uri rôle majeur à jouer en matière de prise en charge des violences domestiques.

De cètte commission, relativement importante, est issu un comité de neuf membres (Comité de la Commission con-sultative sur les violences dptnestiquesj,* qui travaiUe en étroite coÜäboratiön avec le Bureau. Placé sous la rèsponsabiUté du Délégué, il œuvre plus particulièrement à l'améUoration de la coordination in-terinstitutipnneUe; Des sous-commissions travaiUent sur des projets précis, tels que lamise en plaçe de campagnes d'in-formation èt la création de procédures de détection et dè prise en charge des cas de violence domestique à l'attentiori des professionnel le s d'institutions dites «gé-néraUstes». En paraUèle de cès platè-formes cantonales de discussions, dè ré-flexions et de négociations, le canton de Genève a favorisé la création de la Confé-rence nationale des services et projets d'in-tervention contre la violence domestique et de la Conférence latine contre les violences domestiques.

Frauenfrâgen 2.2008 I Questions au fém|n|n I Questioni femminili I

De la création d'une loi cantonale sur les violences domestiques à sa mise en application

Outils pour la collaboration interinstitutionneiie

Partant du postulat que les violences domestiques sont perçues différemment selon la profession, le mandat institu-tionnel, les références et les conceptions des différents groupes de profession-nel le s, il est apparu nécessaire de mettre en place des outils d'information et de sensibilisation à leur disposition, tou-jours dans le but de favoriser la coUabo-ration interinstitutioimeUe. Différents moyens ont été développés. Le Bureau a choisi de développer son site intemet' en favorisant la diffusion d'«actuaUtés» de chaque institution, membre de la CCVD ou non. Ainsi, les activités des institutions genevoises sont facilement accessibles, ce qui permet d'optimaliser les connais-sances théoriques et pratiques des pro-fessionnel le s genevois es et de favoriser la collecte, l'échange et la diffiision de connaissances et d'informations sur le sujet. Le Bureau place également sur son site de multiples informations à l'atten-tion des professionnels autant que du grand pubUc et des personnes directe-ment concernées par la violence. Dès le deuxième semestre 2008, un système de veille électronique devrait voir le jour: il s'agit de recueillir quotidiennement les informations «violences domestiques»

diffusées sur intemet, à l'échelle natio-nale et internationatio-nale. Les informations jugées pertinentes par le Bureau feront

l'objet d'une diffusion électronique aux membres de la CCVD. Le Bureau a éga-lement décidé de créer les Forums Vio-lences Domestiques. Ces Forums d'une demie joumée s'adressent aux profes-sionnel le s genevois es et sont gratuits.

Us visent à favoriser la transmission d'in-formations, le transfert de compétences et la réflexion entre professionnel le s.

Chacun porte sur une thématique ciblée concemant les violences domestiques.

Des actes sont diffusés aux participan-t-e-s et sont pubUés sur le site du Bureau.

Outre la nécessité de favoriser la coor-dination interinstitutionneUe, le Bureau a proposé à d'importantes institutions genevoises de s'impUquer davantage dans cette problématique. En effet, comme le souUgne très justement l'Organisation mondiale de la santé, dans son Rapport mondial sur la violence et la santé»

(2002),*° la lutte contre les violences do-mestiques passe nécessairement par un changement en profondeur des cultures et des pratiques au sein des institutions aux prises avec des personnes confrontées

à de telles transformations. Toujours selon le rapport précité, divers secteurs comme la police, les services de santé, la justice et les services d'aide sociale doi-vent s'attaquer ensemble au problème de la violence domestique et non pas con-centrer les programmes dans un seul secteur. Ainsi, les Hôpitaux universi-taires de Genève ont décidé de la création du programme de soin «violences domes-tiques»** et l'Hospice général, principale institution d'action sociale du canton, a souhaité s'engager plus largement en se munissant, à l'inteme, d'un groupe de pi-lotage violences domestiques.

L'implication de la police et du Pouvoir judiciaire

La poUce a également décidé de pour-suivre son impUcation en créant elle aus-si, à l'inteme, un groupe de pilotage vio-lences domestiques. Ce groupe a été par-ticûUèrement actif en développant une nouvelle procédure de détection proactive des violences domestiques, inspirée du quotidien des policiers genevois, des ex-périences faites en Suisse et à l'étranger et de la Uttérature intemationale. L'effet a été immédiat, la répression des vio-lences domestiques est aujourd'hui réeUe et le nombre d'arrestations d'auteurs de violences domestiques s'est nettement accm, passant de 117 en 2006 à un total de 186 en 2007, soit une augmentation de près de 60%. Dans les prochaines se-maines, cette institution disposera d'une nouveUe plaquette d'informations qu'eUe distribuera lors des interventions à do-micile («La violence domestique est un dé-lit/»). Son originaUté est qu'un espace y est prévu pour que les policiers et les po-Ucières indiquent leur numéro de ma-tricule et leur numéro de téléphone.

Si la poUce s'impUque davantage dans le domaine, c'est également le cas au sein du Pouvoir judiciaire qui met un point d'honneur à ce que les violences qui se déroulent au domicile soient sanc-tionnées. Ainsi, un nombre important d'auteurs de violences domestiques ont été jugés, condamnés, incarcérés puis contraints d'entreprendre un soin thé-rapeutique pour mettre fin à leurs com-portements violents. Un «modèle de prise en charge thérapeutique sous contrainte des auteurs présumés ou coupables de vio-lences domestiques»*^ a été développé entre les autorités judiciaires et l'Etat de Ge-nève. Entré en vigueur début 2005, il a été réellement actionné en 2007 car l'on constate une augmentation significative

du nombre de personnes sanctiormées et contraintes à entreprendre un soin thérapeutique avant ou après jugement.

Au jour d'aujourd'hui, i l est possible de noter que la coUaboration interinstitu-tionnelle fonctionne relativement bien au sein d'un réseau médical et psycho-social très riche et très diversifié. Toute-fois, des difficultés se présentent encore dans l'adoption d'une démarche cohé-rente lors de certaines situations com-plexes.

Perspectives et difficultés

Genève s'attèle également à mettre en place des outils permettant d'évaluer l'ampleur des violences domestiques sur le canton. Les statistiques des différentes institutions n'étant pas comparables, le Bureau travaille à la mise en place d'un

«Observatoire genevois des violences domestiques». Celui-ci doit permettre de collecter les éléments nécessaires pour évaluer et optimiser l'offre du réseau.

Un important travail d'harmonisation des définitions et la mise en place d'in-dicateurs pertinents se déroule actuel-lement au sein du Comité de la CCVD.

Une première statistique annuelle ou se-mestrielle devrait être produite en 2010 pour l'année 2009.

Les principales difficultés rencontrées se focaUsent aujourd'hui sur la pronon-ciation des mesures d'éloignement ad-ministratif par la poUce. Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur les violences do-mestiques, seuls sept auteurs présumés ont été éloignés du domicile conjugal ou famiUal suite à la prononciation d'une mesure d'éloignement administrative.

Paradoxalement, le Bureau constate que le principe de l'éloignement ou de l'ex-pulsion de l'auteur est en train de s'im-poser mais que le chemin empmnté n'est pas celui proposé par le législateur ge-nevois. Durant l'année 2007, de nombreux auteurs ont été contraints de quitter le domicile sur décision pénale. Peu habi-tué à prendre ce type de décision il y a encore quelques années, le Pouvoir ju-diciaire est aujourd'hui sensibiUsé à la nécessité de préserver le droit aux vic-times de violences de rester à leur do-midie et dans leur environnement social.

De nombreux exemples montrent que ce type de décision a été réguUèrement pris dès lors que les conditions étaient réunies. En paraUèle, par l'entrée en vigueur de l'article 28b du Code civil suisse le 1er juiUet 2007, les victimes peuvent demander au Tribunal de

pre-Frauenfragen 2.2008 I Questions au féminin I Questioni femminili I

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mièrè instance que l'auteur des vio-lences soit expulse immédiatement du domicile.

Fort de ce qui précède, l'appUcation de l'article 8 «Mesures d'éloignement ad-miriistratif» peine à trouver sa place entre la voie pénale etla voie civile. Toutefois, le Biireau est d'avis que la voie adminis-trative ne doit pas être abandonnée mais qu'eUe doit être utiUsée comme une rne-sure de prévention permettant d'enrayer la commission d'actes plus graves. Àifîn d'atteindre cet objectif, le Bureau tra-vaiUe à la mise en place d'un concept d'intervention et de prévention en s'ins-pirant du travail remarquable effectué par différents cantons alémaniques. Le but poursuivi est qu'à la suite de la pro-nonciation d'une mestire d'éloignement administratif par un Officier de poUce, les protagonistes, que ce soit l'auteur présumé ou sa victime, puissent avoir accès au réseau des professionriel-le s spéciaUsé e s dans la prise en charge des violences domestiques. Des proposi-tions seront faites prochainement par le Bureau et la CCVD au Conseil d'Etat du canton de Genève.

Aujourd!hui, grâce à la loi sur les vio-lences domestiques, au travail fourni par l'ensemble du réseau genevois èt à la création du Bureau du Délégué aux violences domestiques, chargé de la bonne appUcation de cette loi, le canton de Genève s'est donné les moyens pour franchir un nouveau palUer dans la lutte contre les violences domestiques, ce qui se ressent déjà dans la modification des pratiques prbfessionnel-le-s. Dans les mois à venir, des solutions devraièrit être apportées aux difficultés évoquées et la mise en place de r«Observatoire ge-nevois sur les violences domestiques»

devrait aboutir. Prémisse du concept d'intervention intégré et de prévention développé par le canton de Genève, ces améUorations proviendront en partie du travail de concertations menées entre les iristitutioris; concernées et le Bureau du Délégué aux violences domestiques.

http://www.geneve.ch/violences-domestiques/

doc/documentations/projet-genevpis- intervention-integree<ontre-la-violence-conjugale-2004.pdf.

2 http://vmw.gèneve.ch/legislation/rsg/f/

rsgL:fl_30.html.

3 http://www.géneve.ch/violences- domestiques/doc/publications/rapport-d-activités.pdf

4 http://www.geneve.ch/violences-domestiques/commission-consultative/

menibres-conunission-consultative/.

5 Loi fédérale sirr l'Aide aux Victimes d'Infrac-tions.

6 http://www.solidaritefemmes-ge.prg/

index.htm.

7 http://www.vires.ch/.

8 http://www.ge.ch/legisIation/rsg/f/

rsg_fl_30p03.html.

9 http://www.geneve.ch/viblences-domestiqués/.

10 http://whqUbdoc.who.int/pubUca-tions/2002/9242545619_fire.pdf.

11 http://www,arteres.org/_Ubrary/

Pulsationsi.dec07 janv08.pdf.

12 http://www.geneveiCh/ppUce/döc/

statistiques/rapports-actiyite-2007/

rapport-d-activite-2007-dpnnees-statistiques.pdf (page 7-9).

Depuis Ie7janvier2007, IVIonsieur David Bourgoz, éducateurspéclailsé, psydiologué F.S.P. et psycho-thérapeute, est Délégué aux violences domes-tiques pour le canton de Genève. Il exerce depuis plus de 12 ans dans ce domaine, tant auprès des auteurs de violences domestiques (association Vires) qu'en direction dés victimes (Consultation interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence (CIMPV) des Hôpitaux universitaires de Genève (HUC)).

Madame Florence Merenda, adjointe du Délégué aux violences domestiques depuis le 7 janvier 2007, est llcendée en psychologie et en écpnornie option gestion d'entreprise.

Notes

1 Rapport du Groupe de Travail: «Prévention et maîtrise de la violence cpnjugalé» (1997).

,http-.|/www.geneve;ch/violences-domestiques/

doc/documentadons/prevention-et-maitrisè-de-la-violence-conjugale-1997.pdf.

Projetgenevois d'intèrventibn intégrée contre la violence conjugale (2004).

Frauenfragen 2.2008 Questions au féminin Questioni femminlli i.^g

Tema principale: Violenza domestica: il punto della situazione

Nuove norme legislative per combattere