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Court historique de l’´etude ´enum´erative et statistique des cartes

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 19-23)

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Ces nombres remarquables, qui apparaissent presque partout en combinatoire ´enum´erative, s’appellent les nombres de Catalan. Nous les reverrons souvent, et choisissons de noter Cat(n) := n+11 2nn

len-i`eme nombre de Catalan.

G´en´eralit´e de la m´ethode : On est en droit d’ˆetre surpris par l’efficacit´e de la m´ethode pr´ec´edente. La question qui se pose naturellement est :est-ce une astuce propre aux arbres plans ? Ou bien : cela peut-il marcher dans d’autres cas ? En fait, l’utilisation de s´eries g´en´eratrices est une m´ethode extrˆemement efficace en combinatoire ´enum´erative, assez g´en´erale, et qui n’est pas particuli`ere aux arbres plans. Chaque fois (ou presque) qu’une classe combinatoire ob´eit `a des r`egles de d´ecomposition naturelles, il est possible de tra-duire cette d´ecomposition en une ´equation sur la s´erie g´en´eratrice. Dans la terminologie du livre [48], on peut dire qu’il existe un dictionnaire, ledictionnaire de la combinatoire sym-bolique, permettant de passer de mani`ere automatique des propri´et´es de d´ecomposition des objets aux ´equations sur les s´eries : ainsi, le produit de classes combinatoires cor-respond au produit de s´eries, l’union disjointe `a la somme, le pointage `a la d´erivation, etc...

Dans les cas plus g´en´eraux, on travaille souvent avecplusieurs classes combinatoires si-multan´ement, dont les d´ecompositions d´ependent les unes des autres : on obtient alors des syst`emes d’´equations pour les s´eries g´en´eratrices correspondantes. De plus, dans certains cas, on veut contrˆoler plusieurs param`etres des objets que l’on consid`ere, par exemple le nombre d’arˆetes et le degr´e du sommet racine. Dans ce cas, on introduira des s´eries g´en´eratrices `a deux variables, ou plus, o`u l’exposant de chaque variable «comptera» un param`etre combinatoire diff´erent. Tout cela ne change rien `a la validit´e du diction-naire, mais peut ´eventuellement conduire `a des ´equations difficiles `a r´esoudre. Dans le chapitre 4, nous utiliserons de mani`ere intensive les s´eries g´en´eratrices, `a une, deux ou trois variables, et le dictionnaire de la combinatoire symbolique.

1.3 Court historique de l’´ etude ´ enum´ erative et statistique des cartes

Il faudrait embrasser presque tout le champ des math´ematiques pour faire la liste des endroits o`u apparaissent les cartes. Cela d´epasse malheureusement notre culture, et nous nous limiterons donc `a un tour d’horizon des approches li´ees `a la combinatoire, `a l’´enum´eration ou aux probabilit´es. Nous nous excusons par avance des in´evitables omis-sions.

1.3.1 Des pr´ emices ` a la th´ eorie des graphes

On situe g´en´eralement la naissance de la th´eorie des graphes avec l’´etude du probl`eme des ponts de K¨onigsberg par Leonhard Euler au dix-huiti`eme si`ecle [46]. En se demandant

1.3 - Court historique de l’´etude ´enum´erative et statistique des cartes 11 s’il ´etait possible de trouver un itin´eraire passant une et une seule fois par chacun des sept ponts de la ville, Euler introduisit la notion de graphe, puis ce qui deviendra plus tard celle de parcours Eul´erien. Ainsi, le premier graphe de l’histoire ´etait en fait... une carte : celle de la ville de K¨onigsberg.

L’´etude des graphes connut un certain succ`es, et donna lieu `a des d´eveloppements de la part de Vandermonde, Hamilton, Kempe ou encore Heawood, qui fut le premier `a travailler profond´ement sur les cartes de genre sup´erieur, pour lesquelles il g´en´eralisa la conjecture des quatre couleurs. En faisant un saut audacieux dans le temps, nous arri-vons `a Whitney, qui s’est le premier int´eress´e `a la question de k-connexit´e des graphes, en montrant entre de nombreuses autres choses l’unicit´e de la carte associ´ee `a un graphe planaire 3-connexe [99, 98]. Une v´eritable th´eorie des graphes se d´eveloppa tout au long du vingti`eme si`ecle, et l’on peut citer le nom de Tutte comme l’un de ses grands ani-mateurs. L’une des grandes r´ealisations de la th´eorie des graphes fut la d´emonstration du th´eor`eme des quatre couleurs [4, 81], qui ´enonce que toute carte planaire peut ˆetre colori´ee«proprement»en utilisant au plus quatre couleurs.

1.3.2 Enum´ ´ eration par des m´ ethodes non bijectives

Cartes planaires. William Tutte est le v´eritable p`ere de la th´eorie ´enum´erative des cartes. En quˆete du th´eor`eme des quatre couleurs, il a ´et´e le premier `a obtenir des for-mules d’´enum´eration pour les cartes planaires enracin´ees, dans la s´erie d’articlesA census of... [92, 91, 90, 89]. Il introduisit de nombreuses techniques d’´enum´eration nouvelles, no-tamment dans l’utilisation des s´eries g´en´eratrices, et fut l’un des pionniers de l’utilisation syst´ematique du dictionnaire de la combinatoire symbolique. La m´ethode quadratique de Tutte s’est r´ev´el´ee tr`es robuste et a donn´e lieu `a de nombreux d´eveloppements, en permettant l’´enum´eration de nombreuses familles de cartes [50, 51, 12]. Son programme a culmin´e avec la tr`es difficile ´enum´eration des triangulations planaires colori´ees [94], dans laquelle il a exprim´e, outre une certaine pers´ev´erance, une admirable inventivit´e.

Genres sup´erieurs. Les premiers `a s’int´eresser `a l’´enum´eration des cartes de genre sup´erieurs furent Walsh et Lehman, dans la s´erie d’articles [95, 96, 97]. `A l’aide de d´ecompositions r´ecursives et de manipulations de s´eries formelles, ils ont obtenu de nom-breux r´esultats fondateurs, par exemple pour les cartes `a une face ou les cartes bois´ees.

Plus tard, Bender et Canfield on appliqu´e des m´ethodes similaires `a celles de Tutte pour l’´enum´eration des cartes de genre sup´erieur. Dans leurs travaux des ann´ees 1980-90 [10, 11, 8, 13], ils ont obtenu des formules asymptotiques pour les nombres de cartes de genre fix´e, et ont montr´e que leurs s´eries g´en´eratrices avaient des formes relativement simples. Plusieurs auteurs ont ensuite mis en ´evidence des r´esultats d’universalit´e, en montrant que de nombreuses familles de cartes de genre fix´e avaient des comportements

´enum´eratifs asymptotiques similaires `a celui des cartes g´en´erales ´enum´er´ees par Bender et Canfield [16, 14, 49].

Int´egrales de matrices. Les physiciens furent les premiers `a remarquer la connexion entre les int´egrales de matrices et l’´enum´eration de cartes, avec les travaux fondateurs de t’Hooft [88] puis Br´ezin, Itzykson, Parisi et Zuber [30]. Les techniques d’int´egrales

de matrices donnent des solutions rapides et ´el´egantes aux probl`emes de comptage des cartes, et leur appropriation par les math´ematiciens a engendr´e un vaste champ des math´ematiques modernes. On peut citer l’article fondateur d’Harer et Zagier [56], qui ont compt´e le nombre decartes `a une face de genre fix´e `a l’aide d’int´egrales de matrices : c’est l`a le premier r´esultat «vraiment math´ematique» de la th´eorie. Ce domaine ´etant devenu tr`es actif, il nous est impossible de dresser une liste repr´esentative : le lecteur pourra consulter le livre [63] pour une introduction d´etaill´ee.

Repr´esentations du groupe sym´etrique.Puisque les cartes peuvent ˆetre repr´esent´ees en termes de permutations, il est possible de reformuler les probl`emes li´es aux cartes en termes alg´ebriques. Les questions d’´enum´eration de cartes se ram`enent ainsi au calcul du nombre de factorisations de permutations v´erifiant certaines propri´et´es. Ces probl`emes peuvent ˆetre exprim´es en termes des caract`eres du groupe sym´etrique, ce qui a conduit, sous l’impulsion de Jackson, `a de nombreux r´esultats d’´enum´eration de cartes [57, 59].

Ce domaine est encore tr`es actif, comme le montrent les r´ecents r´esultats obtenus par Goulden et Jackson sur la hi´erarchie d’´equations KP satisfaites par les s´eries g´en´eratrices des cartes [54].

1.3.3 Enum´ ´ eration bijective et limites d’´ echelle

On appelle m´ethodes bijectives l’ensemble des strat´egies cherchant `a ramener une fa-mille d’objets combinatoires `a une fafa-mille d’objets plus simples, en exhibant une bijection explicite reliant l’une `a l’autre. Dans le cas des cartes, le premier pas dans cette direc-tion est dˆu `a Cori et Vauquelin [40], qui ont montr´e que les cartes planaires sont en bijection avec certains arbres, dit bien ´etiquet´es. Cette bijection laissait entrevoir une interpr´etation aux remarquables formules d’´enum´eration de Tutte, qui montrent que les nombres de cartes enracin´ees ressemblent ´etonnamment `a des nombres de Catalan.

C’est Schaeffer qui, dans sa th`ese [84], a v´eritablement donn´e cette interpr´etation, en construisant un ensemble de bijections permettant de relier les cartes planaires `a diff´erentes familles d’arbres, qui ont permis de retrouver et d’´etendre les r´esultats d’´enum´e-ration connus. Toutes les «bijections de Schaeffer» sont fond´ees sur des algorithmes de parcours en largeur de la carte ou de sa duale, associ´es `a des r`egles de d´ecoupage permet-tant de transformer de mani`ere canonique la carte de d´epart en un arbre porpermet-tant certaines d´ecorations. On construit ainsi un processus d’exploration qui «brise » les arˆetes de la cartes jusqu’`a la transformer en un arbre, les arˆetes bris´ees se transformant en « bour-geons»qui permettent de reconstruire la carte par une op´eration de clˆoture. Ces bijections

`a base d’arbres bourgeonnants sont devenues un champ d’´etude `a part enti`ere, et de nom-breuses variantes en sont connues, qui r´epondent `a de nombreux probl`emes [83, 25, 78, 17].

Schaeffer a ´egalement montr´e que la bijection de Cori et Vauquelin, au d´epart d´ecrite de mani`ere r´ecursive, pouvait s’interpr´eter simplement `a l’aide d’un parcours g´eod´esique de la carte. En particulier, il a donn´e un ensemble de r`egles locales permettant de construire l’arbre bien ´etiquet´e `a partir d’un ´etiquetage des sommets de la carte par leur distance de graphe au sommet racine. Ces ´etiquettes se transportant dans l’arbre

1.3 - Court historique de l’´etude ´enum´erative et statistique des cartes 13

´etiquet´e final, on disposait ainsi d’un moyen permettant d’´etudier la distribution des dis-tances dans une carte planaire. Avant de d´evelopper ce dernier point, mentionnons deux g´en´eralisations importantes de cette bijection. Le premi`ere est due `a Bouttier, Di Fran-cesco, et Guitter [27], qui l’ont g´en´eralis´ee `a une classe de cartes beaucoup plus grande que les quadrangulations, celles des cartes bicolores, qui incluent par exemple les cartes avec n’importe quelle restriction de degr´e sur les faces. La seconde est la bijection de Bernardi [18], qui concerne les cartes planaires munies d’un arbre couvrant. Outre le fait qu’elle explique de jolies formules ´enum´eratives, cette bijection est int´eressante car elle donne un cadre g´en´eral permettant de r´einterpr´eter les autres bijections connues.

Limites d’´echelles. Grˆace `a la bijection de Cori-Vauquelin-Schaeffer, Chassaing et Schaeffer [38] ont montr´e que la distance typique entre deux sommets dans une quadran-gulation de taille n est de l’ordre de n1/4. Ils ont par ailleurs montr´e que la distribution des distances `a la racine convergeait, apr`es renormalisation par n1/4, vers une distribu-tion al´eatoire limite continue. Ce r´esultat fut le point de d´epart de l’´etude des propri´et´es m´etriques asymptotiques des cartes. Dans ce domaine devenu tr`es actif, on peut d´egager deux approches principales. D’une part, Bouttier, Guitter, et Di Francesco ont obtenu, en combinant des approches bijectives `a de remarquables calculs, des expressions expli-cites pour les valeurs limites de nombreuses statistiques des cartes, comme les distances entre deux ou trois sommets pris au hasard [26, 29, 28]. D’autre part, les probabilistes, sous l’impulsion de Marckert et Mokkadem [69], puis Le Gall [65, 67] se sont int´eress´es

`a la convergence des cartes elles-mˆemes, en tant qu’espaces m´etriques al´eatoires. On conjecture ainsi l’existence d’une carte continue al´eatoire, lacarte brownienne, qui serait la limite universelle de tous les mod`eles raisonnables de cartes planaires. Si on ne sait pas encore que la limite est unique, on connaˆıt de nombreuses propri´et´es presque sˆures des limites possibles, comme leur topologie (sph´erique, voir [67, 73]), leur dimension de Hausdorff (qui est 4, voir [65]), ou des propri´et´es des g´eod´esiques ([72, 66]). L’approche bijective joue un rˆole fondamental dans tous ces r´esultats : les cartes ´etant des objets trop «rigides», une bijection est toujours n´ecessaire pour les transformer en des objets plus arborescents afin de pouvoir en dire quelque chose, qu’il s’agisse de la bijection de Cori-Vauquelin-Schaeffer originale, ou de l’une de ses g´en´eralisations dues `a Bouttier-Di Francesco-Guitter [27] ou Miermont [72].

Genre sup´erieur. Marcus et Schaeffer [70] ont donn´e une g´en´eralisation de la bijection de Cori-Vauquelin-Schaeffer au cas des cartes de genre g fix´e, mais il leur manquait `a l’´epoque un argument de r´eenracinement pour pouvoir utiliser cette bijection `a des fins

´enum´eratives. C’est d’ailleurs l’application de cet argument de r´eenracinement, apparu entre temps dans le cas planaire [38], qui a ´et´e le point de d´epart de notre travail de th`ese [37]. Depuis, Miermont a ´egalement travaill´e sur les cartes en genre sup´erieur, dans son article [72] qui donne une nouvelle bijection et des r´esultats d’unicit´e des g´eod´esiques dans la limite continue, valables en genre quelconque.

Notre travail. Le but de notre travail de th`ese a ´et´e de construire une th´eorie bijec-tive des cartes de genre sup´erieur, c’est-`a-dire de proposer des bijections permettant de r´esoudre des probl`emes ´enum´eratifs ou de limite d’´echelle pour ces cartes.

1.4 Organisation de ce document, et aperc ¸u des

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