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Council for Aboriginal Reconciliation et Reconciliation Australia

CHAPITRE II : Politiques de réconciliation en Australie

2. Principales politiques de réconciliation depuis 1991

2.1 Council for Aboriginal Reconciliation et Reconciliation Australia

Mis en place en 1991 par le gouvernement travailliste Hawke, ce conseil instaure le processus de réconciliation en Australie. Le projet mené par le ministre des Affaires autochtones de l’époque Robert Tickner et le PM manifeste leur désir d’un soutien bipartite sur ces questions (Pratt, 2005). La Council for Aboriginal Reconciliation Bill 1991 est introduite à la Chambre des représentants en mai et est adoptée avec très peu d’amendements. Elle prévoit un mandat de 10 ans d’un conseil de 25 australiens dont la moitié est autochtone. Cette première approche de réconciliation tend à coordonner les efforts du gouvernement fédéral et des états d’Australie afin de redresser les désavantages des autochtones en matière de « land, housing, law and justice, cultural heritage, education, employment, health, infrastructure, economic development and any other relevant matters » (1991 : 1). Le mandat du conseil est décrit comme suit :

16 La déclaration a été publiée par le Referendum Council rassemblant 250 délégués lors de la First Nations

The object of the establishment of the Council is to promote a process of reconciliation between Aborigines and Torres Strait Islanders and the wider Australian community, based on an appreciation by the Australian community as a whole of Aboriginal and Torres Strait Islander cultures and achievements and of the unique position of Aborigines and Torres Strait Islanders as the indigenous peoples of Australia, and by means that include the fostering of an ongoing national commitment to co-operate to address Aboriginal and Torres Strait Islander disadvantage (1991: 4).

Selon son mandat, le conseil est engagé à donner des rapports annuels sur l’évolution de ses actions17. Les objectifs de cette politique sont de mettre concrètement en place la réconciliation, vue au travers du redressement des inégalités entre autochtones et non- autochtones et la reconnaissance des injustices passées. Elle assure un travail local avec les communautés et stipule qu’elle se doit de considérer leur avis en matière de réconciliation. L’acte prévoit en effet : « To consult Aborigines and Torres Strait Islanders and the wider Australian community on whether reconciliation would be advanced by a formal document or formal documents of reconciliation » (1991 : 5). Ces consultations veulent assurer que cela « (...) would benefit the Australian community as a whole, and if the Council considers there would be such benefit » (CAR Act, 1991 : 5). Il est important de mentionner que ce conseil est créé dans les mêmes années que l’ATSIC, période pendant laquelle l’objectif est de donner une place et une voix aux communautés autochtones au sein de la société australienne. Dans la vision de Robert Tickner, la réconciliation est également relationnelle. Elle consiste à changer les rapports entre les uns et les autres, avec plus de compréhension mutuelle et par ce biais, refonder l’identité nationale australienne (Pratt, 2005 : 32). L’initiation de la réconciliation par le gouvernement Hawke définit les termes dans lesquels l’état entend travailler sur sa relation avec les communautés autochtones : identité, relation et inégalités sont au cœur du travail. L’idéal de la nation unie est alors perçu à travers la construction d’une nouvelle identité nationale, incluant les cultures autochtones et en les valorisant. Cette approche fédératrice de la part des pères de la réconciliation en Australie manifeste surtout une recherche d’unité nationale, cœur du travail de réconciliation australienne en 1991.

Concernant les débats autour de l’établissement de la et de ses termes, l’étude d’Angela Pratt sur les discours de la Chambre des représentants sur la réconciliation nous permet d’avoir quelques indications sur les opinions de l’époque. Elle explique que bien que la réconciliation soit acceptée par tous, diverses interprétations de celles-ci se confrontent. Les travaillistes veulent l’associer à une reconnaissance de droits autochtones tandis que la coalition de droite affirme tout à fait le contraire, la réconciliation ne devrait pas être au sujet de reconnaissance quelconque de droits (Pratt, 2003 : 33-34). Pour permettre à tous les partis de travailler ensemble et d’avancer sur la question de la réconciliation, la reconnaissance de droits autochtones sera finalement écartée du processus18.

En 2001, le mandat de la CAR prévu par l’acte de 1991 arrive à son terme. Il est remplacé par Reconciliation Australia (RA) qui continue la mission de son prédécesseur. Lors de la publication de son rapport de 2016, l’organisme définit les objectifs de la réconciliation comme étant les suivants : les relations culturelles, l’égalité et l’équité, l’unité, l’intégrité institutionnelle et l’acceptation historique (2016 : 4). Engagé principalement à travailler en corrélation avec Closing the Gap et ses objectifs, l’organisme suit les orientations des gouvernements en matière de réconciliation. À travers ces objectifs, RA survole différents aspects en lien avec la réconciliation. En dehors de la reconnaissance historique et des relations culturelles, l’accent est davantage mis sur l’égalité des chances des populations autochtones avec le reste des Australiens. L’intégration est au cœur de la démarche. L’organisme parle également de promouvoir la gouvernance et l’autodétermination dans les communautés qui sont définies comme une prise d’autonomie encourageant les autochtones à prendre leurs propres décisions concernant leurs communautés, modalités de vie et futur. Un concours bisannuel est même organisé pour encourager les projets au sein des communautés. L’organisme traite donc un large panel de domaines sociétaux pour mettre en place une réconciliation progressive. Le processus peut effectivement être facilité par la reconnaissance et la sensibilisation des persécutions passées, une réduction des inégalités socio-économiques entre les deux groupes et par la promotion de l’autodétermination. Mais il nécessite également

18 Pour un approndissement de la question de la réconciliation entre 1990 et 2000 à la Chambre des représentants,

voir Pratt, Angela. 2005. Practising Reconciliation ? The Politics of Reconciliation in the Australian Parliament, 1990-2000. Department of Parliamentary Services

une considération des revendications formulées par les groupes concernés et issues logiquement du procédé. L’absence de représentativité adéquate au sein de RA ou en dehors, empêche les communautés autochtones de délibérer avec le gouvernement, en particulier sur les questions environnementales ou les enjeux politiques qui concernent leurs territoires et communautés. De plus, ces thématiques, particulièrement politisées, ne sont aucunement abordées dans le programme de l’organisme. Cette carence institutionnelle met en péril la volonté affichée d’équité entre autochtones et le reste de la population. Bien que le CAR et RA amorcent une première avancée en matière de réconciliation, des lacunes importantes empêchent de remettre en question les problèmes de représentation et abordent peu l’autodétermination politique. Cette première approche reste donc descendante et centrée sur une version inclusive de la réconciliation, cherchant principalement à permettre aux communautés autochtones de vivre selon les mêmes standards que le reste des Australiens. Toutefois, sur le plan de la reconnaissance, une enquête parlementaire a permis de mettre en lumière les exactions commises pendant le 20e siècle en Australie. Voyons désormais le rapport de la commission parlementaire sur les enlèvements d’enfants métis et la manière dont il a orienté le processus de réconciliation en Australie.