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Convention de Règlement Relative aux Pensionnats Indiens 2007

CHAPITRE III : Réconciliation et politique au Canada

2. Principales politiques de réconciliation entre 2004 et 2018

2.2 Convention de Règlement Relative aux Pensionnats Indiens 2007

Alors que le gouvernement Martin était en fin de course, Ottawa annonce le 23 novembre 2005 qu’un budget de 2 milliards de dollars serait versé en compensation des expériences vécues dans les pensionnats (CBC News, 2008). La Convention de Règlement Relative aux

Pensionnats indiens est finalement acceptée par les tribunaux le 21 mars 2007, près d’un an

après l’arrivée au pouvoir de Stephen Harper. Sa mise en vigueur commence en septembre de la même année. Acceptée par l’APN, les conseils de survivants et les Églises, la convention marque un tournant important dans l’histoire du pays (Canada, 2006).

En guise de réparation des torts causés par les pensionnats autochtones, ce procédé de recours collectif prévoit des indemnisations pour les anciens pensionnaires. Le premier volet, appelé Payement d’Expérience Commune (PEC) est accessible pour tous les survivants éligibles ayant fréquenté une école reconnue38. Le PEC octroie 10 000 dollars pour la première année de fréquentation du pensionnat, et 3000 supplémentaires pour chaque année de fréquentation scolaire (CRRPI, 2007). Une deuxième modalité d’indemnisation, le Processus d’Évaluation

Indépendant (PEI) prévoit un dédommagement dans le cas de sévices physiques ou sexuels graves subis par les pensionnaires. 960 milliards de dollars ont été prévus à cet effet (Canada, 2007)39.

En plus de ces indemnisations, un fond de guérison est également prévu par l’accord avec un budget de 125 millions de dollars pour la Fondation Autochtone de Guérison (FADG) et un volet commémoratif assure 20 millions de dollars. Enfin, la convention prépare le grand projet de divulgation des faits avec un budget de 60 millions de dollars. L’instauration d’une Commission de Vérité et Réconciliation (CRV) marque une grande avancée dans ce dossier. Celle-ci est primordiale dans le processus de guérison, car elle assure qu’une enquête nationale soit menée afin de partager les témoignages des survivants, sensibiliser la population canadienne, établir un registre historique valide de ce qu’a été le système de pensionnats et promouvoir la réconciliation entre les deux parties (Canada, 2007). Dans un objectif concret de reconnaissance, le gouvernement permet par ce biais de donner une voix aux victimes et de sensibiliser la population au régime des pensionnats. La CVR incarne une fonction primordiale du processus de réconciliation, celle de la reconnaissance historique, de l’éducation nationale et de la sensibilisation.

La Convention consiste en un accord passé entre l’état canadien et les communautés autochtones. Néanmoins, elle n’inclut que certains acteurs autochtones, car seuls l’APN et des représentants inuits ont participé à l’accord (CRRPI, 2006). Toutefois, la convention a été validée par ceux-ci et permet d’assurer qu’une consultation ait été effectuée. Dans la démarche de réparation de la convention, les compensations financières sont centrales. L’idée de compensation n’est pas propre au gouvernement conservateur, car l’accord préalable avait été initié par son prédécesseur libéral. En matière de réparation, il semble y avoir un consensus au sein des partis politiques concernant la nécessité d’indemniser les victimes. Le processus d’octroi de compensation est toutefois critiquable dans sa démarche administrative. Il est évident qu’une mesure de telle ampleur ne peut être faite dans une approche individuelle, répondant aux besoins de chaque survivant. Les formulaires calculent le montant des PEI par

39 Les montants prévus pour le PEI vont de 5000 à 275 000 dollars par demande selon un nombre de points

accumulés et en fonction des sévices subis. Le formulaire comprend 12 critères octroyant 1 à 60 « points d’indemnité » (CRRPI annexe D, s.d : 3-6).

le biais de « points d’indemnisation » afin d’évaluer la compensation adéquate. Cette démarche peut être décourageante, car elle confronte la victime à son passé et mesure d’une certaine manière sa souffrance. Non seulement elle met une hiérarchie dans la gravité des expériences vécues, mais elle donne l’impression que ces traumatismes ont un équivalent monétaire. Le formulaire mesure toutefois les impacts vécus sur le long terme tel que la difficulté de trouver ou de maintenir un emploi, ce qui dans ce cas a bien un impact financier (CRRPI annexe D, s.d. : 5). Mais cette démarche peut-elle réellement permettre la guérison ? Elle permet sans nul doute une reconnaissance des souffrances endurées, contingence importante de la guérison. Ces compensations semblent toutefois être un palliatif permettant de traiter définitivement la question des pensionnats dans l’approche du gouvernement Harper. La Convention permet d’englober les plaintes faites contre l’état pour avoir participé au régime des pensionnats et d’en donner une réponse unilatérale et nationale. Au total, 38 098 demandes d’indemnisation ont été déposées et 98% d’entre elles ont été acceptées (Affaires autochtones et du Nord canadien, 2017). Les derniers chiffres indiquent que la somme de 1 622 422 106 $ a été versée pour les PEC et 3 152 G$ pour ce qui est du PEI (AADNC, 2017)40. Sans objectifs concrets annoncés sur le long terme si ce n’est de régler cette question par des financements afin de tourner la page, la convention a participé à la réconciliation, mais ne l’a pas pour autant stabilisée. Le gouvernement Harper a fait preuve de contradictions dans sa démarche comme avec l’abandon de l’Accord Kelowna dès son arrivée au pouvoir, ce qui a empêché une application d’un plan concret de redressement des inégalités entre autochtones et le reste de la population canadienne. De plus, le refus de signer la Déclaration des Nations Unies sur le Droit des Peuples autochtones (DNUDPA), puis de lui donner une teneur juridique, a contribué à faire douter la population et les représentants autochtones quant à la sincérité des excuses du gouvernement Harper. Le rapport de la CVR de 2015 affirme que « la promesse de réconciliation qui semblait sur le point de se réaliser en 2008 lorsque le premier ministre a présenté ses excuses aux survivants au nom de tous les Canadiens s’est cependant évanouie » (Rapport final CVR, volume 6, 2015 : 4). Ce même rapport critique également l’état de la réconciliation au Canada, qui leur semble peu entamé. Il déclare :

40 Les statistiques du 31 mai 2018 montrent que 99% des demandes ont été traitées et qu’il en reste encore 332 au

Un trop grand nombre de Canadiens ne savent pas grand-chose, voire rien du tout, sur les racines historiques profondes de ces conflits. Le manque de connaissances historiques a d’importantes répercussions pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ainsi que pour l’ensemble du Canada. Ainsi, dans les cercles gouvernementaux, cela donne lieu à de mauvaises décisions en matière de politiques publiques (Rapport final de la CVR du Canada, volume 6, 2015 : 4).

Lors de la publication du rapport de la CVR en 2015, Stephen Harper est questionné à la Chambre des communes sur l’engagement de son gouvernement envers les autochtones. Aucune déclaration n’a été faite concernant la possibilité d’application des 94 recommandations de la Commission. Cette question fait alors l’objet de reproches de l’opposition qui clame que le gouvernement n’a pas concrétisé ses engagements promis lors des excuses de 2008 (CBC News, 2015). Le doute persiste quant à la sincérité de l’état de se réconcilier avec les nations autochtones. En 2015, l’arrivée de Justin Trudeau au pouvoir et le retour des libéraux ont toutefois donné une nouvelle image de l’engagement de l’état en matière de réconciliation.