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Convention de l’ONU relative aux droits des personnes en situation

Dans le document Naturalisation (Page 128-132)

de handicap*

La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap (CDPH) est un traité de droit international adopté le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale de l’ONU. Son élaboration par un comité ad hoc créé en 2001 repose sur la recon-naissance de l’insuffisance de la protection des personnes en situation de handicap par les trai-tés existants en matière de droits humains. Les droits humains civils, politiques, économiques, sociaux et culturels généraux devraient donc être concrétisés et précisés en fonction des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap. La mesure dans laquelle la CDPH inclura, le cas échéant, aussi de nouveaux droits humains, fait l’objet de discussions dans la littérature juridique.

Après sa ratification par la Suisse en avril 2014, la CDPH est entrée en vigueur le 15 mai 2014, devenant ainsi partie intégrante du droit suisse. Son objet est de « promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes en situation de handicap et de promouvoir le res-pect de leur dignité intrinsèque ». Les bases juridiques et les structures sociales qui désa-vantagent les personnes en situation de han-dicap devraient être systématiquement vain-cues, afin qu’elles puissent participer à tous les domaines de la vie sociale sur un pied d’égalité et de manière autonome avec les non-handica-pé·e·s.

L’objet de la CDPH est concrétisé par huit principes généraux qui assurent une conti-nuité conceptuelle. Le premier de la liste est le principe d’autonomie, étroitement lié à celui du respect de la dignité humaine et incluant la liberté de faire ses propres choix. En outre, la participation tout comme l’intégration pleines

et effectives à la société s’inscrivent comme des thèmes centraux.

Le terme d’« intégration » correspond au terme d’« inclusion » dans la version anglaise, qui est également un concept clé de la CDPH.

D’autres principes de la CDPH concernent la garantie de la non-discrimination, de l’égalité des chances et de l’accessibilité, ainsi que du respect de la diversité. Enfin, la CDPH doit être lue à la lumière de l’égalité entre femmes et hommes, et du respect du développement des enfants en situation de handicap et de la pré-servation de leur identité.

En ce qui concerne la compréhension du handicap, un véritable changement de para-digme s’opère au sein de la CDPH : pour la pre-mière fois, un modèle de handicap fondé sur les droits humains est codifié, remplaçant ainsi le modèle médical, qui considère le handicap comme un phénomène individuel déficitaire et propage des mesures médico-thérapeutiques ou éducatives spéciales. Dans le texte du traité, cette nouvelle notion de handicap apparaît dans le préambule ainsi que dans l’article pré-cité définissant les buts de la convention.

Avec la ratification de la CDPH, les États signataires s’engagent à faire rapport tous les quatre ans sur l’état de sa mise en œuvre. Sur la base notamment des rapports nationaux et des rapports parallèles de la société civile concernée, le Comité onusien des droits des personnes en situation de handicap, en tant qu’organe d’experts, adresse des recommanda-tions à l’État signataire. Si celles-ci ne consti-tuent pas une décision de justice juridique-ment contraignante, elles se distinguent aussi clairement des déclarations diplomatiques non contraignantes. Faisant partie intégrante de la jurisprudence du Comité, elles contiennent en outre une première interprétation des droits individuels. Le Protocole facultatif à la Conven-tion des NaConven-tions Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap, qui peut être ratifié sur une base volontaire, prévoit une procédure de plainte individuelle et d’enquête

spéciale en tant que mécanisme de surveillance supplémentaire.

L’importance de la CDPH pour la Suisse tient d’abord au fait qu’elle établit une dis-tinction substantielle entre l’interdiction fon-damentale de la discrimination et l’obligation correspondante d’adopter des mesures posi-tives dans la Constitution fédérale. De plus, en sa qualité de traité de droit international fondé notamment sur les droits humains, la CDPH prime le droit national suisse. En consé-quence, la Suisse est tenue de prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres mesures appropriées, favorisant la mise en œuvre de la CDPH, et de modifier ou d’abroger les lois, ordonnances, habitudes et pratiques qui sont contraires à la Convention.

La protection et la promotion des droits des personnes en situation de handicap comme missions transversales de l’État s’appliquent également à tous les concepts et programmes politiques. La Confédération, les cantons et les communes étant assujettis aux obligations de la CDPH, ils ne peuvent donc se contenter de créer de nouvelles bases juridiques ou une politique en faveur des personnes en situation de handicap qui ne concerne que le droit des assurances sociales. Qui plus est, les personnes en situation de handicap et leurs organisations doivent être étroitement consultées et active-ment impliquées dans l’élaboration et la mise en œuvre de la législation et des politiques visant à concrétiser la CDPH.

En théorie comme en pratique, la Suisse est tenue, en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap, de transposer immé-diatement ses obligations d’abstention et de protection, ainsi que certains aspects de ses obligations de service concernant les droits économiques, sociaux et culturels des per-sonnes en situation de handicap. Elle devra remplir progressivement l’intégralité des autres obligations de service, en utilisant plei-nement les ressources disponibles. Par

consé-quent, au moins tous les droits de la CDPH dont découle une obligation directe – à l’exception des mandats de légiférer – doivent être consi-dérés comme directement exécutoires devant les tribunaux suisses. Indépendamment de cela, toute base juridique existante doit être interprétée à la lumière de la CDPH.

N’ayant pas encore ratifié le Protocole facul-tatif, la Suisse n’a à répondre devant le Comité des droits des personnes en situation de handi-cap que dans le cadre de la procédure d’élabo-ration des rapports par les États. Elle a présenté son premier rapport en juin 2016. Celui-ci se concentre clairement sur les bases juridiques fédérales et, outre les dispositions cantonales, néglige notamment la question de savoir dans quelle mesure celles-ci ont effectivement un impact sur la mise en œuvre de la CDPH. En juin 2017, les organisations suisses représentant les personnes handicapées, membres de l’organi-sation faîtière Inclusion Handicap, ont soumis un rapport, incluant des critiques et des propo-sitions d’action, sur l’état de la mise en œuvre de la CDPH au Comité des droits des personnes en situation de handicap. Inclusion Handicap a notamment critiqué l’absence d’une politique globale relative aux personnes en situation de handicap en Suisse et le manque de protection juridique de celles-ci contre la discrimination par des particuliers dans le cadre des relations de travail et de l’accès aux services. Sur cette base le Comité a formulé ses recommandations à la Suisse fin 2019. Il est à espérer qu’elles ser-viront de catalyseur pour la mise en oeuvre de la CDPH.

Caroline Hess-Klein

Références

Degener, T. & Diehl, E. (Hrsg.) (2015). Handbuch Behindertenrechtskonvention : Teilhabe als Men-schenrecht – Inklusion als gesellschaftliche Aufgabe.

Bonn : BpB Bundeszentrale für politische Bildung.

Hess-Klein, C. (2017). Le cadre conventionnel et constitutionnel du droit de l’égalité des per-sonnes handicapées. Dans F. Bellanger & T. Tan-querel (Éd.), L’égalité des personnes handicapées : principes et concrétisation (pp. 9-100). Genève : Schulthess.

Schefer, M. & Hess-Klein, C. (2013). Droit de l’égalité des personnes handicapées. Berne : Stämpfli.

Corporatisme*

On appelle corporatisme la collaboration entre l’État et des groupements d’intérêts fonctionnels (syndicats, organisations d’em-ployeur·euse·s, fédérations paysannes) en vue d’élaborer et d’appliquer des politiques pri-vées et publiques concertées. Il peut s’agir de politiques en matière de formation profes-sionnelle, de politiques sociales ou fiscales (elles sont alors publiques) ou de politiques salariales des syndicats et de politiques en matière de prix et d’emploi développées par les organisations d’employeur·euse·s (qui sont, elles, privées). Les politiques sont coordonnées entre elles (concertées). Par exemple, les syn-dicats pourront se déclarer disposés à revoir leurs revendications salariales à la baisse pour autant que l’État renforce ses efforts sur le plan de la politique sociale et que les entreprises s’emploient activement à préserver, voire créer de l’emploi. Cette collaboration intervient tant au moment de l’élaboration des politiques (les acteur·trice·s concerné·e·s se consultent et participent) que de leur mise en œuvre. Un exemple connu à ce sujet est le transfert de fait des tâches d’exécution de la politique d’État lorsque les fédérations paysannes aident à constituer l’agriculture nationale. Le terme de « partenariat social » est souvent employé comme synonyme du corporatisme, soulignant tout particulièrement la paix sociale inhérente à ce dernier, qui supprime généralement la nécessité de recourir à des procédures conflic-tuelles (grèves, lock-outs, manifestations). Le

contraire du corporatisme est le pluralisme. On parle de défense des intérêts pluraliste lorsque certains groupes d’intérêts exercent une influence unilatérale sur l’État, sans se concer-ter entre eux et sans assumer de missions de mise en œuvre de la politique qui allègent la charge de l’État. Le lobbyisme est quant à lui une forme d’influence qu’exercent des groupes d’intérêts sur certains acteurs politiques. Il se pratique en principe tant dans les systèmes pluralistes que corporatistes, bien que plus rarement dans ce dernier.

Le corporatisme suisse est né au XIXe siècle.

À cette époque, l’État fédéral suisse avait besoin de statistiques pour bien fonctionner, mais manquait des compétences et des res-sources nécessaires pour les obtenir lui-même.

Il a dès lors financé le secrétariat de l’Union suisse du commerce et de l’industrie (Vorort) afin que celui-ci recueille et traite ces don-nées pour son compte. De même, il a financé les secrétariats de l’Union des arts et métiers, des syndicats et de la fédération paysanne en échange de services. L’État a poursuivi ce fonctionnement jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C’est entre la Pre-mière Guerre mondiale et la fin de la Seconde Guerre mondiale que l’intégration des groupe-ments d’intérêts au sein de l’État suisse a pris son essor. À cet égard, la paix du travail conclue en 1937 entre les syndicats et le patronat afin de chercher une autre manière que la grève pour mener des négociations collectives est une étape importante. Ce processus d’intégra-tion s’est vu couronner par les articles relatifs à l’économie ajoutés à la Constitution suisse en 1947. Les groupements d’intérêts avaient désormais le droit d’être consultés par l’État qui, de son côté, pouvait compter sur eux pour la mise en œuvre de ses politiques. Cette posi-tion de force des groupements d’intérêts est restée incontestée jusque dans les années 1980.

Par la suite, leurs chances d’influencer les poli-tiques ont commencé à s’amoindrir : les chan-gements sociétaux et économiques en cours

leur posaient des problèmes d’organisation. Les syndicats subissaient les conséquences de la désintégration des structures socioculturelles, de l’évolution de la société industrielle vers une société de services et de la tendance crois-sante à l’individualisme. Les travailleur·euse·s industriel·le·s traditionnel·le·s, avec leur atti-tude fondamentalement positive à l’égard de l’auto-organisation syndicale, ont largement disparu. Les nouveaux emplois dans le secteur des services privés ont été difficiles à organiser pour les syndicats et l’érosion de la conscience d’un destin collectif, en tant que salarié·e, a ébranlé la volonté d’adhésion aux associations.

Les organisations d’employeur·euse·s ont été confrontées aux conséquences de l’interna-tionalisation des marchés des capitaux et des biens. Les intérêts nationaux ont moins été pris en compte et la volonté de parvenir à un équilibre et à un compromis entre les secteurs économiques s’est émoussée. Les organisa-tions d’employeur·euse·s ne pouvaient ainsi plus compter sur la même volonté de suivre le mouvement des chef·fe·s d’entreprise, qui ont davantage opté pour un lobbying spécifique à l’entreprise. La littérature fait également état du processus d’européanisation, qui a de plus en plus transféré les décisions du domaine préparlementaire au domaine parlementaire et qui a partiellement dissous un bastion de l’influence associative : les commissions pré-parlementaires avec une forte représentation des groupes d’intérêts. Il y a eu en outre une politique budgétaire prudente, qui a réduit la marge de manœuvre politique dans les cycles de négociations entre l’État et les associations, ainsi qu’une plus grande transparence du pro-cessus politique grâce aux critiques des médias, ce qui a entravé les négociations et compromis confidentiels entre les acteur·trice·s à huis clos.

De nombreuses réalisations ont été attribuées au corporatisme suisse. Citons notamment la large absence de conflits de travail ouverts, les bons rapports des entreprises avec leur main-d’œuvre et la tentative de créer le plein emploi

pour les travailleur·euse·s suisses. Les critiques ont attiré l’attention sur les rigidités institu-tionnelles et l’hostilité aux réformes du sys-tème corporatiste.

La recherche établit une distinction entre le corporatisme libéral et le corporatisme social.

L’État a un rôle important à jouer dans le cor-poratisme social, par exemple en compensant les associations collaborantes par des poli-tiques fiscales et sociales. Les syndicats sont ici égaux, voire supérieurs aux organisations patronales en termes d’influence. L’Autriche est un parfait exemple de corporatisme social.

Le corporatisme libéral, quant à lui, se carac-térise par des associations patronales fortes et un État discret qui s’abstient largement de toute compensation sociale. Les syndicats sont pour ainsi dire des « partenaires juniors ». C’est le cas en Suisse. Le corporatisme a connu de graves crises dans de nombreux pays depuis le milieu des années 1970 et a été au moins tem-porairement abandonné, il est resté cependant relativement fort en Suisse, malgré une perte d’influence marquée. L’une des principales rai-sons en est la démocratie directe, qui garantit aux groupes d’intérêts « aptes au référendum » de grandes possibilités d’influence, même si leur base de membres diminue. Tandis que le corporatisme social était particulièrement actif dans le domaine de la gestion macroéco-nomique et de la politique sociale et fiscale, le corporatisme libéral suisse se concentre sur la coopération associative dans des domaines plus éloignés des questions de redistribution, tels que la formation professionnelle.

Un défi important pour le corporatisme suisse n’est pas seulement l’érosion déjà évo-quée de sa base socioculturelle. Les relations étroites entre les partis politiques et les asso-ciations en matière de programmes et de liens personnels ont constitué une ressource impor-tante du système de négociation. La social-dé-mocratie, en tant que partenaire historique des syndicats de l’Union syndicale suisse, a assou-pli ses liens avec les associations de

travail-leur·euse·s afin d’attirer de nouveaux groupes d’électeur·tice·s au-delà du monde ouvrier classique, tandis que les classes sociales infé-rieures votent de manière disproportionnée pour l’Union Démocratique du Centre. Enfin, la polarisation du système de partis ébranle non seulement les coalitions entre l’économie et les partis bourgeois, mais aussi la capacité de fonctionnement du corporatisme en tant que deuxième système de négociation central de la Suisse, à côté de la concordance qui est tout autant menacée.

Klaus Armingeon

Références

Armingeon, K. (2011). A prematurely announced death ? Swiss corporatism in comparative per-spective. In C. Trampusch & A. Mach (Eds.), Switzerland in Europe : continuity and change in the Swiss political economy (pp. 165 – 185). London : Routledge.

Gruner, E. (1959). Der Einbau der organisierten Inte-ressen in den Staat. Schweizerische Zeitschrift für Volkswirtschaft und Statistik, 95, 59-79.

Sciarini, P., Fischer, M. & Traber, D. (Eds.) (2015).

Political decision-making in Switzerland : the con-sensus model under pressure. London : Palgrave Macmillan.

Dans le document Naturalisation (Page 128-132)