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École obligatoire*

Dans le document Naturalisation (Page 188-192)

L’école obligatoire a été inscrite dans la Consti-tution suisse en 1874. Les cantons ont été chargés de veiller à un enseignement primaire obligatoire suffisant, sous gestion étatique et gratuit qui, dans les écoles publiques, garan-tit la liberté de croyance et de conscience. Cet acquis important d’un point de vue sociopoli-tique est encore valable aujourd’hui. En Suisse, la majorité des enfants (jusqu’à 95 % selon le niveau) fréquentent les écoles primaires et secondaires publiques. Les écoles privées ont une importance plutôt faible pour la scolarité obligatoire.

Aujourd’hui, la scolarité obligatoire dure onze ans dans la majorité des cantons. Le niveau primaire, y compris le jardin d’enfants/

cycle d’entrée comprend huit années. Il est suivi de trois ans au degré secondaire I. Les enfants commencent l’école à l’âge de 4 ans révolus. Le temps nécessaire pour passer les différents niveaux scolaires dépend du déve-loppement individuel de l’enfant (redouble-ment ou saut d’une ou plusieurs années sco-laires). Les enfants passent les huit premières années d’école dans la même classe. Dans de nombreux cantons, au niveau secondaire I, ils reçoivent leur enseignement dans différents niveaux, selon leurs résultats scolaires. Le pas-sage au niveau secondaire II (formation pro-fessionnelle, école de culture générale, offres transitoires) a lieu après la 11e année de sco-larité. Pour les écoles de maturité gymnasiales, c’est généralement après la 10e année.

En raison de la souveraineté cantonale sur l’école obligatoire, le domaine de la scola-rité obligatoire est peu réglementé au niveau fédéral. Depuis plusieurs années toutefois, des développements sont en cours. Ils visent à uniformiser davantage l’école obligatoire dans toute la Suisse afin de créer un espace éducatif suisse. À la suite d’une votation populaire, des innovations en la matière ont été introduites dans la Constitution fédérale (« articles sur la

formation ») en 2006. Elles prévoient que la Confédération et les cantons soient conjointe-ment responsables de la qualité élevée et de la perméabilité du système éducatif suisse dans le cadre de leurs compétences respectives et qu’ils coordonnent leurs efforts et coopèrent à cet égard. Les cantons sont tenus d’harmoniser l’âge de l’entrée à l’école et la scolarité obli-gatoire, la durée, les objectifs des niveaux de formation et le passage d’un niveau à un autre, ainsi que la reconnaissance mutuelle des quali-fications. Ils veillent à fournir un enseignement spécialisé approprié à tous les enfants et jeunes jusqu’à l’âge de 20 ans révolus.

La Conférence suisse des directeurs canto-naux de l’instruction publique (CDIP) a posé une première pierre importante pour l’harmo-nisation de la scolarité obligatoire avec l’accord intercantonal, le concordat HarmoS, entré en vigueur en 2009. Chaque canton est libre d’ad-hérer ou non au concordat HarmoS. En 2016, la majorité des cantons y avait adhéré. Parmi les innovations clés figurent l’inclusion du jardin d’enfants dans la scolarité obligatoire, la for-mulation d’objectifs éducatifs nationaux, l’har-monisation des programmes d’enseignement ainsi que les paramètres principaux de l’ensei-gnement des langues.

Au lieu du modèle du jardin d’enfants, les cantons peuvent aussi avoir pour le cycle d’entrée deux autres modalités : deux années préscolaires et une année d’école primaire (Grundstufe) ou deux années préscolaires et deux années d’école primaire (Basisstufe).

L’idée de base est de rendre l’inscription à l’école plus souple par le biais d’un soutien individuel permettant à l’enfant de passer une année de plus ou de moins dans le cycle d’entrée. Certains cantons n’ont pas (encore) d’enseignement obligatoire de deux ans pour le cycle d’entrée, mais ils proposent l’offre de formation. Dans les faits, la quasi-totalité des enfants de ces cantons fréquentent le cycle d’entrée pendant deux ans.

Le temps d’enseignement au niveau de l’école primaire est organisé dans la mesure du possible en horaires blocs et, dans les com-munes, des structures de jour sont proposées, mais leur utilisation est facultative et générale-ment payante. L’organisation des structures de jour implique également la politique familiale et la politique de l’égalité des sexes.

Sur la base du concordat HarmoS, des objec-tifs éducaobjec-tifs nationaux (normes éducatives) sont définis, c’est-à-dire que des compétences de base à acquérir sont formulées pour l’école obligatoire dans la langue de l’école, en mathé-matiques, en sciences et en langue étrangère, et à trois moments (fin de la 4e, 8e et 11e années scolaires). Ils sont intégrés aux nouveaux pro-grammes d’enseignement des trois langues régionales : Plan d’études romand, Piano di studio et Lehrplan 21 des 21 cantons germano-phones et multilingues. Dans certains cantons germanophones, on observe une plus grande résistance à l’introduction du Lehrplan 21. Les objectifs de formation sont contrôlés à l’aide d’enquêtes cantonales qui font partie du moni-torage de l’éducation, lequel consiste à collec-ter et traicollec-ter systématiquement et à long collec-terme des informations sur le système éducatif suisse.

Le monitorage de l’éducation est complété par le Rapport sur l’éducation en Suisse, publié tous les quatre ans.

En ce qui concerne l’enseignement des lan-gues, il est précisé qu’une deuxième langue nationale ainsi que l’anglais sont enseignés à tous les élèves du degré primaire, au plus tard dès les 5e et 7e années. Pour les élèves issus de l’immigration, les cantons soutiennent, par des mesures organisationnelles, les cours orga-nisés par les pays d’origine et les différentes communautés linguistiques dans leur langue maternelle et leur culture.

De plus, l’accord intercantonal sur la col-laboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée est entré en vigueur en 2011. Il confirme que l’instruction des enfants et des jeunes ayant des besoins spéciaux en matière

d’éducation s’inscrit dans le cadre de la mis-sion éducative publique, définit des condi-tions-cadres communes en matière d’offre de base, de bénéficiaires et d’instruments et régit la collaboration des cantons. En 2016, la majorité des cantons avait adhéré à ce concor-dat. Les cantons assument désormais l’entière responsabilité professionnelle, juridique et financière de la formation des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux. Jusqu’alors, une part substantielle des mesures de pédago-gie spécialisée était cofinancée et réglementée par l’assurance-invalidité. L’objectif de l’accord est notamment de promouvoir l’intégration des enfants dans l’école ordinaire en préférant les solutions intégratives aux solutions sépara-tives. Ces dernières années, le nombre d’élèves fréquentant une classe spéciale a diminué.

L’inclusion de tous les enfants dans l’école ordinaire reste toutefois une tâche exigeante.

À côté de résultats positifs, des voix critiques se font de plus en plus entendre. Celles-ci se réfèrent à la charge excessive qui pèse sur les enseignant·e·s, aux nouvelles formes cachées de ségrégation au sein des classes, à l’augmen-tation des mesures de soutien en matière de pédagogie spécialisée et l’extension des désa-vantages pour les autres enfants qui reçoivent trop peu d’aide et d’attention de la part des enseignant·e·s.

Depuis le début du siècle, l’école est de plus en plus confrontée à la critique, elle ne garan-tirait pas l’égalité des chances, contreviendrait au principe du mérite et discriminerait certains groupes d’enfants et de jeunes. Les études sur les parcours éducatifs montrent également que la réussite de l’apprentissage, les évalua-tions des enseignant·e·s, la scolarisation dans des classes spéciales, les décisions de passage prises par les parents et les choix scolaires et professionnels des élèves sont influencés par les caractéristiques sociales des enfants et des jeunes – sexe, statut migratoire, nationalité,

origine sociale, appartenance religieuse, han-dicap.

Regula Julia Leemann

Références

Haenni Hoti, A. (2015). Équité – discrimination et égalité des chances au sein du système éducatif : migration et origine sociale. Berne : Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique.

L’éducation en Suisse : rapport. (2006, 2010, 2014 &

2018). Aarau : Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation.

Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’ins-truction publique. http://www.edk.ch

Écologie

L’écologie, entendue comme valeur politique, rappelle que les sociétés humaines font par-tie d’un ensemble de relations matérielles, biologiques, voire culturelles, avec le monde non-humain. Pour les écologistes, la reconnais-sance de cette interdépendance entre les êtres humains et leur environnement, doit encadrer – parfois limiter – les activités humaines. De multiples traductions de l’écologie en politique existent à droite comme à gauche.

Dès les débuts de l’industrialisation, les

« dégâts du progrès » affectent les popula-tions, surtout ouvrières, et les milieux, urbains notamment. La socialisation des risques ame-née par les premières politiques sociales est concomitante des mesures de police visant à réguler les « externalités » de la production économique, comme la pollution de l’air ou de l’eau. Ces régulations sont moins des limites mises à la libre initiative des acteurs capita-listes de l’économie que des mesures permet-tant de faire accepter aux populations les nou-veaux risques industriels. Les années 1970 ne marquent dès lors pas un tournant radical qui se caractériserait par une « prise de conscience

écologique » nouvelle. Par contre, les trente ou quarante dernières années voient les préoccu-pations écologiques se globaliser (climat, bio-diversité, etc.). Au cours de cette période plus récente, trois grandes visions de l’écologie – et de ses rapports à la politique sociale – peuvent être distinguées : l’écologie néomalthusienne, l’écologie libérale et l’écologie sociale.

Très présent dans les années 1970, le néo-malthusianisme américain et européen a sur-tout proposé des politiques sociales visant à limiter, voire à réduire, la taille de la popu-lation mondiale, à commencer par celle des pays du Sud. Craignant que la « surpopula-tion » mondiale, la « Bombe P » du biologiste Paul Ehrlich, ne vienne détruire les ressources naturelles, épuiser les sols et polluer la planète, les néomalthusiens demandent des mesures drastiques. Parfois en appui des mouvements féministes, certains encouragent le planning familial, l’avortement et la contraception.

La plupart, toutefois, se montrent coercitifs, demandant que les gouvernements, notam-ment dans les pays du Sud, interdisent les naissances multiples par des campagnes de stérilisation, ou en amendant les familles trop nombreuses. Quelques-uns s’affichent ouver-tement comme eugénistes (le biologiste Garett Hardin, théoricien de la « tragédie des com-muns ») et suggèrent des politiques d’améliora-tion génétique de la populad’améliora-tion et de limitad’améliora-tion des migrations internationales au nom de la protection de la « qualité de vie ». Cette vision de l’écologie promeut ainsi une conception de la politique sociale qui ne vise pas prioritaire-ment l’expansion des droits sociaux et l’amé-lioration du niveau de vie, mais la limitation des populations susceptibles d’en bénéficier.

Pour les écologistes libéraux, le marché peut réguler parfaitement les contraintes écolo-giques, à condition de distribuer correctement les droits de propriétés sur les ressources et l’environnement. Basée sur le principe du pol-lueur-payeur, leur politique consiste, dès les années 1970, à mettre un prix sur la nature.

Ainsi l’introduction de taxes écologiques sur la consommation vise à modifier le comporte-ment des individus en renchérissant les com-portements jugés écologiquement néfastes. Par exemple, les taxes poubelles incitent la popu-lation à trier ses déchets, tandis que les taxes sur les carburants la découragent de prendre l’avion ou la voiture et donc d’émettre des gaz à effet de serre. À l’inverse, diverses subventions aux énergies renouvelables et à l’isolation des bâtiments, profitent financièrement aux pro-priétaires de villas. En matière de politique sociale, les écologistes libéraux dénoncent les distorsions de marché induites par certaines politiques redistributives, notamment celles qui subventionnent les carburants (chauffage, mobilité) pour les plus pauvres. Ils plaident pour réduire les droits sociaux comme le droit à la mobilité au profit d’une tarification effec-tive des déplacements (mobility pricing dans les transports publics), ou pour l’instauration de péages à l’entrée des villes. Cette vision libérale de l’écologie tend ainsi à renforcer les inégali-tés sociales, dans la mesure où les plus riches sont mieux en mesure de supporter le coût de comportements polluants (p. ex. liés à la mobi-lité) et sont aussi les bénéficiaires principaux de certaines mesures.

L’écologie sociale lie l’organisation de la société – le capitalisme et la croissance écono-mique perpétuelle – à la dégradation de l’envi-ronnement ; elle est formée de deux sous-ten-dances qui ont des implications différentes en termes de politique sociale. La première sous-tendance – celle de la décroissance – tend à se montrer critique à l’égard de l’industrie, de la technique, et plus généralement de la division du travail et de l’urbanisation. Dans sa filiation avec la tradition libertaire – mais aussi néolibérale – elle identifie la bureaucratie et l’État, comme sources des problèmes. Pour elle, le maintien d’un État social présuppose la perpétuation de la croissance économique destructrice de l’environnement. Prônant l’au-togestion, elle critique les politiques sociales

et l’État-providence, comme des formes de domination ou de contrôle, rendant les indi-vidus dépendants d’une « méga machine » qui restreindrait indûment leur autonomie (Ivan Illich, Lewis Mumford, etc.). Cette ten-dance de l’écologie est ainsi plutôt opposée aux politiques sociales, si ce n’est la création d’un revenu de base inconditionnel, censé per-mettre de déconnecter la protection sociale de l’emploi, d’abolir la soi-disant bureaucratie de l’État social et d’augmenter la liberté des indi-vidus sur le marché.

Une seconde tendance de l’écologie sociale se montre plus étatiste et avance que les régu-lations et les politiques publiques sont néces-saires pour créer une économie moins consom-matrice de ressources (et plus respectueuse du développement durable), voire pour changer le mode de production (éco-socialisme). Plus proche de la défense traditionnelle de l’État social, cette tendance insiste sur la réduction du temps de travail pour réduire l’impact environ-nemental de la production et libérer du temps.

Elle soutient que la transition écologique à une société moins gourmande en ressources et en énergie, peut créer des emplois et améliorer la qualité de vie. Elle défend l’idée d’une « tran-sition juste » qui implique que les travailleuses et travailleurs des secteurs menacés par les régulations environnementales (mines, éner-gie, industrie lourde, etc.) ne doivent pas payer la disparition de leur secteur d’activité par la perte de leurs emplois et revenus. Les indus-triels et l’État doivent compenser les travail-leur·euse·s de ces secteurs et leur fournir les moyens (notamment par la formation conti-nue) de se requalifier et de retrouver un emploi dans d’autres secteurs. Les politiques sociales au sens traditionnel ont ainsi une place impor-tante dans cette deuxième tendance de l’écolo-gie sociale, alors que la première préconise leur remplacement par le revenu de base incondi-tionnel.

Le réchauffement climatique constitue un nouveau défi pour les politiques sociales. Il

s’agit d’une part de « décarboniser » l’État social, en réduisant l’empreinte carbone des poli-tiques menées (p. ex. dans les investissements publics dans le logement ou la mobilité), mais aussi de s’assurer que les mesures écologiques (p. ex. la taxation de l’énergie) n’affectent pas disproportionnellement les plus pauvres. Les politiques d’emploi doivent notamment être repensées pour favoriser la réduction collective du temps de travail et sa meilleure répartition, afin de réduire l’empreinte environnementale du mode de production.

Mais l’État social va aussi devoir répondre aux nouveaux risques amenés, ou amplifiés, par les transformations de l’environnement : intempéries, vagues de chaleur, sécheresses, inondations, etc. qui auront des effets sur les conditions de travail, la santé, la disponibi-lité de la nourriture et de l’eau. Par exemple, en Suisse, les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et longues en été changent les conditions de travail dans le secteur de la construction et nécessitent une nouvelle pro-tection des travailleur·euse·s de ce domaine.

Les emplois dans le secteur du tourisme hiver-nal vont devoir évoluer. Les assurances sociales et les services publics peuvent contribuer à réduire la vulnérabilité des populations aux effets du changement climatique et doivent constituer le cœur des politiques d’adaptation.

Romain Felli

Références

Fressoz, J.-B. (2012). L’Apocalypse joyeuse : une histoire du risque technologique. Paris : Seuil.

Gough, I. & Meadowcroft, J. (2011). Decarbonizing the welfare state. In J. Dryzek, R.B. Norgaard &

D. Schlosberg (Eds.), Oxford handbook of climate change and society (pp. 490-503). Oxford : Oxford University Press.

Koch, M. & Mont, O. (Eds.) (2016). Sustainability and the political economy of welfare. London : Rout-ledge.

Dans le document Naturalisation (Page 188-192)