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Assurance-vieillesse et survivants (AVS)*

Dans le document Naturalisation (Page 87-91)

L’assurance-vieillesse et survivants (AVS) est au cœur du système de prévoyance vieillesse en Suisse. Elle verse principalement deux formes de rentes : l’une pour les retraité·e·s, l’autre pour les survivant·e·s. La rente de vieillesse est destinée à permettre une sortie financièrement sûre de la vie active. La rente de survivant·e vise à éviter que des difficultés financières s’ajoutent aux souffrances causées par le décès d’un·e parent·e ou d’un·e conjoint·e.

Les premières revendications visant à ins-taurer une assurance-vieillesse obligatoire ont été formulées par les syndicats dans les années 1880. L’article constitutionnel relatif à la création de l’AVS a été adopté en 1925 suite à une motion déposée en 1912 déjà, demandant l’introduction d’une assurance-vieillesse et invalidité fédérale. Cette motion n’a été prise en considération qu’en 1918, après la fin de la guerre et la grève générale. La loi d’application

de l’AVS a été adoptée à la deuxième tentative après un rejet dans les urnes en 1931 : lors d’une votation populaire, elle a reçu l’appui d’une majorité de près de 80 % de l’électorat.

La loi est entrée en vigueur en 1948. Les rentes versées à cette époque étaient comprises entre 40 et 125 francs par mois.

Depuis, dix révisions ont permis d’étendre le système AVS et d’améliorer les prestations de rente de manière significative à certains égards. L’âge de la retraite des hommes est resté inchangé à 65 ans depuis 1948. En revanche, l’âge de la retraite des femmes a été relevé à plusieurs reprises. Avec la 10e révision de l’AVS, il a été porté à 63 ans en 2001 et à 64 ans en 2005. Lors de cette même révision, un système de rentes individuelles indépendantes de l’état civil a été introduit en 1997.

L’AVS et l’assurance-invalidité (AI) consti-tuent le premier pilier du système dit des trois piliers. Selon le mandat de la Constitution fédérale, l’AVS doit couvrir les besoins vitaux de manière appropriée pendant la vieillesse. Les personnes pour lesquelles ce n’est pas le cas ont droit à des prestations complémentaires (PC).

Les rentes AVS et les prestations du deuxième pilier (prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, LPP) doivent, confor-mément à la Constitution fédérale, permettre de « maintenir de manière appropriée le niveau de vie antérieur ». Cela signifie la garantie d’un revenu, sous forme d’une rente, qui couvre au moins 60 % du dernier salaire perçu. En règle générale, les rentes AVS sont adaptées tous les deux ans à l’évolution des salaires et des prix à l’aide de l’indice mixte. Un tel mécanisme d’adaptation n’est pas prévu par la loi dans le cas des rentes de la prévoyance professionnelle.

L’AVS est obligatoire pour toutes les per-sonnes domiciliées en Suisse. L’obligation générale de cotiser commence à l’âge de 20 ans révolus, et à l’âge de 17 ans révolus pour les personnes actives. Les cotisations salariales pour l’AVS se montent à 8,7% depuis 2020.

L’AVS repose sur le principe de solidarité

entre les générations que l’on appelle com-munément le « contrat des générations ». Le financement se fonde sur un système dit de répartition. Les cotisations perçues durant une certaine période servent directement à finan-cer les prestations versées durant cette même période : les cotisations sont « réparties ». L’AVS contribue, de plus, à la redistribution entre les riches et les moins riches : les cotisations sont perçues sur la totalité du salaire, alors que seuls les salaires jusqu’à une certaine limite influencent le montant des rentes. Les cotisa-tions versées sur les salaires dépassant cette limite sont donc purement solidaires. Environ 80 % des recettes de l’AVS proviennent des cotisations versées par les personnes assurées et leurs employeur·euse·s, et plus de 20 % pro-viennent des recettes fiscales fédérales. À cela s’ajoute un point de pourcentage supplémen-taire de TVA introduit en 1999, dont le montant va entièrement dans les caisses de l’AVS depuis 2020 et l’acceptation du paquet RFFA (réforme fiscale et financement de l’AVS).

Le Conseil fédéral et en particulier l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) sur-veillent l’AVS. Les caisses de compensation de l’AVS en sont les organes d’exécution. Elles sont responsables de la perception des cotisations et du versement des prestations d’assurance.

La centaine de caisses de compensation exis-tant en Suisse est gérée par des associations, les cantons et la Confédération. La participa-tion des entreprises, notamment en matière de prélèvement des cotisations salariales, est exigée par la loi. La Centrale de compensa-tion à Genève fait le lien entre les caisses AVS.

Elle tient un registre central des assuré·e·s et des rentes ainsi que la comptabilité du fonds de compensation de l’AVS. Le placement de l’argent de ce fonds relève de la responsabilité de son conseil d’administration.

Les controverses sur l’avenir de la pré-voyance vieillesse dominent depuis longtemps le débat sociopolitique en Suisse. Leur prin-cipal objet est de savoir comment stabiliser

ce système à long terme. Une des questions centrales est la relation entre le premier et le deuxième pilier. Les deux formes de finance-ment (par répartition ou par capitalisation) présentent des avantages et des inconvénients.

L’augmentation de la productivité économique et la hausse de la masse salariale ont un effet positif sur l’AVS, tandis que le vieillissement démographique de la société a tendance à l’in-fluencer de manière négative. Dans le cas de la prévoyance professionnelle, c’est l’évolution des produits des capitaux qui est le facteur le plus important. La réforme « Prévoyance vieil-lesse 2020 », que le peuple a rejetée de justesse en 2017, aurait constitué une approche com-plète comprenant à la fois le premier et le deu-xième pilier.

Il existe différentes possibilités de stabi-liser le système de la prévoyance vieillesse, et en particulier l’AVS. Citons notamment un relèvement général de l’âge de la retraite et/ou une augmentation des recettes. Cette dernière option pourrait passer par une hausse des coti-sations salariales ou par un financement accru à partir de recettes fiscales. L’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée n’est pas la seule solution possible. La proposition de créer un impôt national sur les successions et les dona-tions, dont une partie aurait profité à l’AVS, a été clairement rejetée lors d’une votation populaire en 2015. Toutefois, la question de savoir si non seulement les revenus du travail, mais aussi les revenus de la fortune devraient être utilisés pour financer la prévoyance vieil-lesse n’a pas encore été tranchée.

Compte tenu du mandat de la Constitution fédérale, une réduction du niveau des rentes semble exclue.

Les discussions sur l’avenir de la prévoyance vieillesse se sont intensifiées dans de nom-breux pays industrialisés depuis le début du millénaire. En Allemagne notamment, le débat s’est, entre autres, inspiré de l’expérience de la Suisse (et de son système des trois piliers). De nombreux pays ont opté pour un relèvement de

l’âge de la retraite et une réduction du niveau de la rente de vieillesse légale afin de stimuler la prévoyance privée. Cependant, les résultats d’une telle restructuration de la prévoyance vieillesse sont parfois très problématiques.

Kurt Seifert

Références

Bowald, B. & Bürgstein, W. (2009). Brennpunkt Alters-vorsorge : Gerechtigkeit angesichts demografischer Herausforderungen. Zürich : Rüegger.

Conseil fédéral (2015). Message du Conseil fédéral relatif à la réforme Prévoyance vieillesse 2020 du 19 novembre 2014. Feuille fédérale, 1-242.

Dossier : réforme Prévoyance vieillesse 2020. (2015).

Sécurité sociale CHSS, 2, 63-88.

Austérité**

Le terme d’austérité définit la politique bud-gétaire restrictive de l’État. À savoir une poli-tique de rigueur prévoyant une réduction des dépenses publiques en vue d’assurer la stabi-lité financière et l’assainissement du budget public nécessaire pour l’atteindre. Les poli-tiques d’austérité s’inscrivent normalement dans la politique fiscale (selon la terminologie anglo-saxonne) qui vise à atteindre l’équilibre – ou la parité – du budget public. Pour cer-taines personnes, l’équilibre budgétaire visé par les politiques d’austérité est la condition de la viabilité financière des politiques sociales ; d’autres estiment au contraire que ces poli-tiques sont marquées par une vision du monde néolibérale, selon laquelle les gouvernements, les États et les citoyen·ne·s doivent être régi·e·s par les marchés, financiers en particulier, et dénoncent les implications négatives de ces instruments pour les politiques sociales et la mise en œuvre des droits sociaux en général.

Ce qu’on appelle les « mesures d’austérité » prévoit l’« examen des dépenses publiques » (spending review) pour « optimiser » les services

publics, une réduction des dépenses sociales, comme celles de retraite, de santé et d’assis-tance et l’augmentation de la pression fiscale sur les contribuables. Des conséquences fré-quentes des politiques d’austérité sont l’aug-mentation du chômage, la récession ou encore la baisse de la consommation. En provoquant un ralentissement de la croissance écono-mique, ou sa stagnation, les mesures d’aus-térité peuvent entraîner une réduction des recettes fiscales et donc, par un curieux para-doxe, une augmentation de la dette publique au lieu de sa réduction, qui est pourtant la raison d’être des politiques d’austérité.

Les politiques d’austérité s’inscrivent le plus souvent dans le cadre des politiques écono-miques et fiscales néolibérales qui se sont affir-mées dès le début des années 1980 avec l’élec-tion de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et Ronald Reagan aux États-Unis. Ce tournant néolibéral s’accompagnait de la volonté de créer les conditions nécessaires à un profond remaniement de l’État social au profit de la pri-mauté du marché, en s’appuyant sur le principe de la capacité des marchés à s’autoréguler. Pour ce faire, la stratégie mise en œuvre a été celle des caisses vides ou de l’État pauvre, résumée par David Stockman, conseiller économique de Ronald Reagan, dans la formule starving the beast, à savoir vider les caisses de l’État par des mesures de défiscalisation des revenus élevés et des profits, de manière à contraindre les politicien·ne·s à adopter des mesures de réduction des dépenses. Selon cette théorie, les disponibilités libérées par la réduction de la pression fiscale devaient se traduire par une augmentation des investissements, de l’em-ploi et de la consommation. En réalité, cette stratégie a contribué à alimenter la financiari-sation naissante, à savoir le détournement de l’épargne vers les marchés financiers et non pas vers les activités de production. Dès les années 1990, la Suisse au même titre que d’autres États européens a été influencée par ces politiques

néolibérales, comme l’ont par exemple montré les travaux de Sébastien Guex.

Pour se déployer pleinement, selon les intentions de leurs partisan·e·s théorico-poli-ticien·ne·s, les mesures d’austérité nécessitent la création d’un contexte d’urgence susceptible de contourner le processus démocratique nor-mal et le consensus nécessaire pour les mettre en pratique. En Suisse, l’instrument du frein à l’endettement peut être interprété de cette façon. Au-delà du cas de la Suisse, la crise de 2008, qui a vu le jour aux États-Unis et s’est propagée en Europe, a été l’occasion de trans-former les mesures d’austérité en véritables interventions (voir Troïka ci-dessous), rendues inévitables en raison de l’état d’urgence créé par la crise et soutenues par des traités interna-tionaux comme le fiscal compact. Durant cette crise, les États ont porté secours au système bancaire par des aides massives. En augmen-tant ainsi fortement la dette publique, ils se sont exposés aux marchés financiers et à leur discipline par la vente de leur dette aux inves-tisseur·e·s privé·e·s, créant une raison supplé-mentaire de réduire les dépenses publiques, sociales en particulier. Ces circonstances ont fait émerger les conditions pour la réalisation de ce que Naomi Klein a appelé la stratégie du choc, une situation d’urgence qui autorise l’adoption de mesures sociales de réduction des droits démocratiques et sociaux qui, autre-ment, ne seraient pas réalisables politique-ment. « Nous avons tous vécu au-dessus de nos moyens », « l’État est au bord de la faillite »,

« les retraites et le système de santé ont atteint des sommets insoutenables », « nous ne devons pas faire peser sur nos petits-enfants la dette publique que nous avons créée » : tels sont les arguments avancés pour justifier les mesures d’austérité, alors même qu’elles ne sont ni scientifiquement étayées ni légitimées par des procédures démocratiques.

N’appartenant pas à l’Union européenne et à la zone euro, la Suisse subit les effets des mesures d’austérité européennes à travers une

forte pression sur le franc, considéré comme une monnaie refuge. En effet, les mesures d’austérité appliquées dans les pays membres de l’UE ont contribué à la persistance de la récession qui a suivi la crise de 2008. Avec la diminution de la demande et de la consomma-tion, les dettes publiques des États membres n’ont pas diminué, amorçant dans certains cas un cercle vicieux de réduction des dépenses publiques pour satisfaire les directives de la Troïka (Commission européenne, Banque cen-trale européenne et Fonds monétaire interna-tional). Le climat d’incertitude planant sur la tenue de l’euro a maintenu à un niveau élevé la tension sur les marchés monétaires et sur le franc en particulier. Cela en contraignant, dans un premier temps, la Banque nationale suisse (BNS) à défendre un taux de change minimum entre le franc et l’euro puis, dans un deuxième temps en 2014, à l’abandonner, afin d’éviter l’injection excessive de francs visant à défendre cette parité. L’augmentation de la quantité de francs en circulation, d’une part, et la réévaluation du franc, d’autre part, sont à l’origine d’une pression sur les conditions salariales et de l’emploi dans l’industrie d’ex-portation. Ainsi, les mesures d’austérité mises en œuvre en Europe à partir de 2010 ont été importées en Suisse. Elles ont toutefois été précédées par des mesures visant à assainir les bilans des assurances sociales, très sollici-tées au terme de la crise des années 1990, au cours desquelles la Suisse a connu un taux de chômage élevé et le recours à l’assurance-in-validité (AI) a joué le rôle d’amortisseur social.

Les révisions de l’AI et de l’assurance-chômage (AC) peuvent être interprétées comme les équi-valents des mesures d’austérité inscrites dans les politiques libérales du « moins d’État ». Les réductions de budget des assurances sociales se sont, à leur tour, répercutées à l’échelle canto-nale avec l’augmentation des dépenses d’aide sociale.

Pour sortir de la grande récession sans remettre en cause la pertinence des politiques

budgétaires restrictives, la Banque centrale européenne (BCE) a eu recours à des politiques monétaires expansives. Le quantitative easing (assouplissement quantitatif monétaire), dans le cadre duquel la BCE acquiert des titres publics et privés avec une injection mensuelle massive de liquidités, a pour objectif de relan-cer le crédit aux entreprises et aux familles et, par conséquent, de favoriser la reprise de l’éco-nomie et de l’emploi. Aux yeux de ses détrac-teur·trice·s, cette stratégie de politique moné-taire a surtout servi à alimenter les marchés financiers sans avoir de retombées positives sur l’économie réelle, ni atteindre les objectifs souhaités. Pour la Suisse, le quantitative easing a contraint la BNS à continuer de défendre dis-crètement le franc par l’injection de liquidités destinées à l’achat d’euros et à engager une politique de taux d’intérêt négatifs pour contre-carrer la pression sur le franc. Compte tenu de la configuration du système des assurances sociales qui, au cours de la dernière décennie, ont investi une grande partie de leurs réserves dans les marchés financiers, les taux d’intérêt négatifs ont d’importantes conséquences sur leur capacité d’assumer leurs engagements, notamment en ce qui concerne les trois piliers du système de retraite. Par contraste, les poli-tiques monétaires restrictives que certaines banques centrales, dont en tout premier lieu la Federal Reserve, ont adoptées à partir de 2016, laissent entrevoir une augmentation générali-sée des taux d’intérêt. On parle du passage du quantitative easing au quantitative tightening.

Cette nouvelle dynamique, après des années de taux d’intérêt négatifs, peut entraîner une dévaluation des obligations détenues par de grands investisseurs comme les fonds de pen-sion et le Fonds de compensation de l’AVS.

Avec des taux d’intérêt en hausse et, par suite, la réduction de la valeur des titres, les liquidités du système de prévoyance vont diminuer, met-tant en danger la capacité de verser les rentes.

Pour juguler ce risque, le défi consiste à inter-venir sur les entrées, en créant des emplois et

en augmentant l’assiette des cotisations, et par conséquent les revenus. Cela signifie tou-tefois qu’il faut identifier de nouvelles sources de financement dans une économie de plus en plus numérisée, en envisageant, par exemple, une taxe sur les robots ou la fiscalisation de la part de profit résultant de la masse d’informa-tions produites par les utilisatrices et utilisa-teurs des plateformes numériques.

Christian Marazzi

Références

Gallino, L. (2015). Il denaro, il debito e la doppia crisi.

Torino : Einaudi.

Guex, S. (1998). L’argent de l’État : parcours des finances publiques au XXe siècle. Lausanne : Réali-tés sociales.

Varoufakis, Y. (2017). Et les faibles subissent ce qu’ils doivent ? Comment l’Europe de l’austérité menace la stabilité du monde. Paris : Babel.

Dans le document Naturalisation (Page 87-91)