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Contexte historique du Domaine de Bonrepos-Riquet

Contextualisation du Domaine de Bonrepos-Riquet

1.2. Contexte historique du Domaine de Bonrepos-Riquet

L’histoire du Domaine de Bonrepos-Riquet remonte au XVIIème siècle. Nous allons

d’abord présenter brièvement la vie de Pierre-Paul Riquet, en se concentrant sur ses travaux d’ingénierie du Canal du Midi77. Ensuite, nous nous attarderons sur sa « machine

hydraulique », dont les vestiges sont encore visibles dans le parc du Domaine, et le rôle qu’elle a eu dans la conception du projet de Canal du Midi. Enfin, nous résumerons l’histoire du Domaine après la mort de Pierre-Paul Riquet, avant de terminer par un bref état des lieux actuel du Domaine de Bonrepos-Riquet. Ce contexte historique se base sur le rapport du projet de valorisation touristique et culturelle du Château de Bonrepos-Riquet, établi en décembre 2012 par le Conseil départemental de la Haute-Garonne.

1.2.1. Pierre-Paul Riquet, concepteur du Canal du Midi78

Pierre-Paul Riquet est né à Béziers en 1609, dans une famille bourgeoise, où son père, notaire et procureur du roi, lui transmet son goût pour les affaires. En 1637, il épousa Catherine de Milhau, avec laquelle il a deux garçons, Jean-Mathias et Pierre-Paul, et trois filles, Catherine, Marthe et Anne. De 1634 à 1648, Pierre-Paul Riquet est embauché à la chambre à sel de Mirepoix. En 1648, il reçoit le titre de « fermier des chambres à sel de Mirepoix, Castres et Lacaune », lui donnant la tâche de collecter l’impôt sur le sel, et

77 Le Canal du Midi portait à l’origine le nom de Canal Royal du Languedoc, jusqu’en 1789. Néanmoins, afin de faciliter la

compréhension, le nom de Canal du Midi sera employé pour désigner cette voie d’eau quelle que soit l’époque.

possède la ferme de regrattage du sel du Haut-Languedoc. Il décide de s’installer à Revel, au pied de la Montagne Noire, position stratégique sur la route du sel.

Homme d’affaire à succès, il se préoccupe du statut de sa famille, de son héritage, et aspire à s’imposer dans la société, d’autant plus que son grand-père aurait été noble mais aurait perdu son titre. Par ailleurs, l’idée de créer un canal permettant de relier l’océan Atlantique à la mer Méditerranée, une volonté remontant à l’Antiquité, a déjà fait l’objet de plusieurs études, mais le problème de l’alimentation en eau du canal persiste. Étant enfant, Pierre-Paul Riquet assista à la présentation d’un projet de canal des deux mers, et cette idée ne le quitta plus. Il tenta alors de résoudre le problème de l’alimentation en eau.

En effet, entre Toulouse et la mer méditerranée, plus de 190 mètres d’altitude étaient à franchir. Pour cela, il fallait trouver une quantité suffisante d’eau ayant un débit constant, ainsi que le point où l’eau partirait d’un côté vers l’océan Atlantique et de l’autre vers la mer Méditerranée. Il étudia longuement la Montagne Noire et identifia le plateau de Naurouze comme point idéal de partage des eaux. Vint ensuite l’idée de créer un vaste bassin réservoir à Saint-Ferréol, permettant l’alimentation en eau des deux versants du canal, en rejoignant Naurouze par la rigole de la Plaine. Pour cela, plusieurs cours d’eau furent captés en amont, dont notamment le ruisseau d’Alzeau.

Figure 10 : Dénivelé du Canal du Midi79

1.2.2. L’expérimentation à Bonrepos : la machine hydraulique de Riquet

En 1651, Pierre-Paul Riquet fait l’acquisition d’un vaste domaine à Bonrepos, à deux pas de la vallée du Girou, qu’il avait initialement identifié comme lieu de passage du canal. Convaincu qu’une démonstration s’impose afin de prouver la faisabilité de cet ouvrage, il entreprend dès 1655 de construire sa « machine hydraulique » dans le vallon en contre- bas de son Domaine.

« L’encyclopédie ou dictionnaire raisonné des arts, de sciences et des

métiers, paru en 1757, affirme que le terme de « machine hydraulique ou machine d’eau, signifie ou bien une simple machine pour servir à conduire ou élever l’eau, telle qu’une écluse, une pompe… ou bien un assemblage de plusieurs machines simples qui concourent ensemble à produire quelques efforts hydrauliques, comme la machine de Marly (…) » (Ginesty, 2011, p. 78).

L’étude paysagère du Domaine de Bonrepos-Riquet, menée par en 2011 par Antoine Ginesty, dans le cadre de ses études à l’École Supérieure du Paysage de Versailles, démontre que le système de bassins présent dans le vallon de la Garenne correspond bien à la définition de la machine hydraulique. En effet, étant donnée sa localisation sur le

Domaine, en rupture avec les jardins et le château, il ne peut avoir été conçu à des fins d’agrément. Sa construction a donc été motivée par le désir d’expérimenter un système d’alimentation pour le Canal du Midi.

Tout d’abord, Riquet engage de nombreux ouvriers afin de terrasser le fond du vallon pour y creuser un premier petit bassin, puis un second, plus grand, en forme de « V », qui servira de réservoir. Ensuite, un troisième bassin rectangulaire d’environ 250 mètres de long est creusé en aval, comparable à un tronçon de canal. Des rigoles sont creusées dans la Garenne afin de faciliter la récupération des eaux de pluie pour les amener dans le bassin réservoir. La représentation ci-dessous illustre cette machine hydraulique, telle qu’elle figure sur un plan du Domaine datant de 1730.

Figure 11 : Machine hydraulique du Domaine de Bonrepos-Riquet, en 173080

Il est important de noter que, à l’époque, ces travaux étaient colossaux. Pierre-Paul Riquet dut embaucher de nombreux ouvriers pour les mener à bien. Afin de ménager ces derniers, il mit en place des jours de repos, leur versa un salaire élevé pour l’époque, les logea pour une somme modeste, et instaura des congés payés en cas de maladie. En ce point, Pierre-Paul Riquet fut un véritable précurseur du système de sécurité sociale en instaurant des droits pour ses travailleurs. Ce chantier fut entièrement financé par Pierre- Paul Riquet lui-même, grâce à la fortune qu’il avait accumulée avec le commerce du sel.

Le Domaine de Bonrepos était aussi le lieu de vie de Pierre-Paul Riquet et de sa famille. En 1656, il entama des travaux de démolition de l’ancien fort présent sur le Domaine pour y faire construire sa nouvelle demeure, en s’engageant à assurer la défense

du territoire et l’accueil de la population locale en cas de menace. Les maîtres-maçons Isaac Roux et Antoine Brayrie d’Argentat, ainsi qu’un verrier, furent engagés pour ces travaux. Pierre-Paul Riquet fit ériger des murailles et creusa des douves. L’année suivante, Riquet engagea le jardinier François Audiguier pour la réalisation d’un jardin d’agrément d’envergure, en terrasse, et l’aménagement d’allées dans le bois.

En 1662, Pierre-Paul Riquet présente son projet de Canal du Midi à l’Archevêque de Toulouse, Charles-François d’Anglure de Bourlemont, qui se rend alors à Bonrepos. Convaincu de la faisabilité du projet, c’est avec son soutien politique que Riquet envoie une lettre à Colbert, le Ministre des Finances du Roi Louis XIV, le 15 novembre 1662, pour lui exposer son projet. Cette lettre fut complétée par une étude développant trois itinéraires possibles pour le Canal du Midi81.

Le premier itinéraire, en rouge sur la carte ci-dessous, est celui empruntant la vallée du Girou, dont la topographie serait la plus propice à la navigation. Cet itinéraire est privilégié par Pierre-Paul Riquet, d’autant plus que le tracé passe à proximité de son Domaine de Bonrepos, lui offrant une place stratégique dans la gestion des flux commerciaux sur le canal. Un second itinéraire, en orange, emprunte la vallée du Tarn pour se jeter dans la Garonne à proximité de Moissac. Finalement, ces deux itinéraires furent abandonnés au profit du troisième, qui passe par Toulouse, donnant à la ville un rôle majeur dans le commerce fluvial sur le canal.

Figure 12 : Variantes du Canal du Midi envisagées en 166282

Les travaux de creusement du Canal du Midi furent entrepris dès 1663, pour une première mise en eau en 1681, un an après la mort de Pierre-Paul Riquet, et une réception définitive en 1685.

1.2.3. Le Domaine de Bonrepos-Riquet après Pierre-Paul Riquet

En octobre 1680, le Domaine de Bonrepos et la seigneurie du Canal du Midi sont transmis aux descendants de Pierre-Paul Riquet, ainsi que de lourdes dettes. Néanmoins, les héritiers s’attachent à rembourser les créanciers et à protéger leurs biens afin de les remettre à leurs descendants sans dispersion.

Jean-Mathias Riquet, héritier du Domaine de Bonrepos et détenteur de la part majoritaire du Canal du Midi, entreprend des travaux d’entretien minimes du Domaine,

vers 1698. À sa mort, en 1714, son fils Jean Gabriel Amable de Riquet hérite du Domaine de Bonrepos. En 1730, à sa majorité, il est désigné gestionnaire du Canal du Midi par sa famille. Il organise de nombreuses réceptions au Domaine, qu’il transforme même en observatoire du ciel pour y accueillir des savants, tels que les astronomes François Garipuy et Jacques Vidal, et l’économiste Adam Smith. Durant la deuxième moitié du XVIIIème siècle,

il entreprit un vaste programme de modernisation du château et d’agrandissement des jardins. Il fait déconstruire le bâtiment des communs, faisant office d’écuries, de chais de greniers et de granges, pour le reporter vers l’ouest. L’ancienne chapelle Saint-Loup est détruite pour ouvrir une grande allée de front. Il fait construire une vaste Orangerie de 330m² au sud-est du château, symbole de sa fortune. Le coteau sud est investi d’une série de terrasses en escalier, de bassins miroirs et d’un escalier monumental ralliant les différents niveaux. Une grotte de fraîcheur est aménagée au sud du château, servant d’agrément de jardin à la mode dans la société aristocratique de l’époque. Co-seigneurs du canal et dépositaires du privilège royal de commercer la glace sur le Canal du Midi, les Riquet font installer une imposante glacière le long de l’allée descendant à la Garenne, élément indispensable du mode de vie aristocrate, permettant la conservation des aliments, mais surtout la confection de mets glacés très appréciés par la haute société.

1.2.4. État des lieux actuel

Le château de Bonrepos est habité sans interruption par les descendants de Pierre- Paul Riquet, sur six générations et jusqu’en 1838, où il est vendu aux enchères. En 1867, la Comtesse de Berthier Montrabe, descendante de Riquet, rachète le château, avant que

le château, à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Ces 30 hectares historiques sont classés au titre des Monuments Historiques depuis le 31 juillet 2008.

Figure 13 : Délimitation de la zone inscrite aux Monuments Historiques83

Le Domaine de 80 hectares, composé de la partie historique de 30 hectares et d’environ 50 hectares de terres agricoles, est mis en vente par ses propriétaires en janvier 2005. Les 80 hectares sont achetés par la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) de Gascogne-Haut-Languedoc le 27 décembre 2007. La partie inscrite aux Monuments Historiques est rachetée, sur accord, par la commune de

Bonrepos-Riquet le 28 décembre 2007, dont le Conseil municipal avait décidé l’acquisition à l’unanimité le 8 janvier 2005.

Figure 15 : Plan actuel du Domaine de Bonrepos-Riquet85