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CHAPITRE 3 Phases préparatoires de Projet Pluie : approches du travail avec l’interprète

3.3 Version préliminaire de Projet Pluie

3.3.2 Contenu

Comme évoqué précédemment, on reste dans un certain dénuement en ce qui concerne la scénographie : au centre se trouve une table, large et longue, recouverte d’une nappe blanche. Le Musicien et la Femme sont assis face à face, chacun a son côté. Au centre se trouvent un micro-ondes et un téléphone. Côté jardin, on retrouve le lit, point de départ et d’arrivée de la Femme au sein de la séquence qui adopte une forme de boucle (comme je

l’expliciterai plus loin). Si la Femme est amenée à se déplacer, le Musicien restera lui de son côté, et ne se lèvera que pour mettre la radio dans le micro-ondes au début de la séquence. Dans le schéma ci-dessous on peut effectivement constater les aires respectives des deux interprètes (orange pour la Femme, violet pour le Musicien, gris pour le centre de la table où les deux viennent agir).

A cet espace viennent s’ajouter un certain nombre d’objets dont certains sont spécifiques à l’une ou l’autre des entités73 et sont reliés à l’univers du petit-déjeuner, donc ancrés dans un

certain réalisme (céréales Rice Krispies, jus de fruit, ustensiles, verres…), tandis que d’autres, plus abstraits, viennent amener de l’étrangeté et détonnent avec cette thématique du repas (piano-jouet, plumeau…).

Image 8 Dispositif scénique de la version préliminaire de Projet Pluie (Crédits: Marie Tan)

La photo ci-dessus donne un aperçu de la disposition scénique de la version préliminaire de

Projet Pluie au jour de la présentation publique au colloque de la SQET à l’Université de

Montréal (28/05/2020). Il est à noter que la scénographie se retrouve considérablement allégée en raison de détails pratiques de transport de matériel vers Montréal (il y a moins de tissus au sol, et le lit est anormalement élevé car il aurait dû être construit à partir de praticables).

Dispositif sonore

On retrouve des dispositifs utilisés dans les premières approches et les laboratoires précédents, à savoir la station d’effets (station de loop) et un micro camouflé dans une lampe avec abat-jour fixée sur un pied de micro relié à celle-ci afin de pouvoir créer la séquence sonore du début. Cette station d’effets est posée sur la table parmi les autres

objets, côté musicien, afin que ce dernier puisse l’utiliser en direct. Sous la table, en dessous des objets respectifs des deux interprètes, on a installé des micro-contacts pour capter les bruits de manipulation des objets, ce qui apporte un aspect non-réaliste. Quand par exemple un objet est posé sur la table ou quand l’objet rencontre la surface, le son est amplifié et diffusé par les caisses, ce qui peut surprendre le spectateur qui ne s’attendait pas à un bruit avec un tel volume. Ainsi, au sein de cette séquence coexisteront une multitude de sons à la fois acoustiques et amplifiés.

Schéma 6 Dispositif sonore de la version préliminaire de Projet Pluie

Déroulement de la séquence et système de récurrences

Tout comme pour les laboratoires, la séquence se base sur la partie d’exposition de la réécriture du texte que j’ai effectuée (voir les liens avec le texte dans la partie suivante). On retrouve les deux entités de la Femme et du Musicien qui coexistent au sein d’un même espace mais ne semblent pourtant pas évoluer dans le même niveau de réalité : en effet, si le Musicien a conscience de la présence de la Femme, ce n’est pas réciproque. J’ai jugé pertinent de construire cette séquence sous la forme d’une boucle : quand le public entre,

téléphone (pour quelle raison d’ailleurs, vu qu’il n’a produit aucun son), puis va s’asseoir à table, en face du Musicien. S’ensuit un repas, dans une ambiance empreinte de lourdeur. Après un retour vers le téléphone, elle retourne sur le lit lire son livre, et la boucle est bouclée74. Parallèlement, une autre boucle intervient dans la séquence, celle effectuée par le

musicien sur la station de loop pour créer l’univers sonore.

A partir de la seconde partie, celle du repas, on observe la mise en place d’un système de récurrence induit par les actions du Musicien. Il s’agissait de rendre le processus le plus visible possible afin que cette relation d’interinfluence soit perceptible par le public et qu’il comprenne le système et ses enjeux. Nous avons dégagé un certain nombre d’images intéressantes pour les correspondances effectuées entre les gestes du Musicien et ceux de la femme, qui sont détaillés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 7 Correspondances des objets dans la version préliminaire de Projet Pluie

Musicien Femme

Bol d’eau

Il y place le piano jouet

Bol d’eau

Elle y verse les Rice Krispies

Baguette de percussion

Il s’en sert de manière fonctionnelle (créer des sons, du rythme, ...)

Cuillère

Elle s’en sert pour manger les céréales

Verre

Il y verse le jus de fruit

Verre

Elle y verse sa cannette de bière

Plumeau

Il le passe sur la table, les objets puis sur son visage, son corps

Couteau

Elle suit les mouvements effectués avec le plumeau, malgré le danger possible

Vaporisateur

Il utilise le vaporisateur comme bon lui semble. Par la suite il essaye d’éteindre la

flamme de la bougie

Bougie et allumettes

A chaque coup de vaporisateur, elle craque une allumette et essaye d’allumer la bougie

Piano-jouet en forme de tigre

Il joue avec le clavier et le xylophone

Céréales Rice Krispies

Pour chaque note de clavier jouée, elle mange une cuillérée de céréales, en suivant la vitesse à laquelle le Musicien joue. Pour une note de

xylophone, elle prend une céréale avec la main, et selon la vitesse de jeu, la quantité

74L’annexe D regroupe sous la forme d’un tableau détaillé les actions qui émaillent la séquence scénique et le

prise augmente

Jus d’orange

Il se sert un grand verre et le boit d’un trait

Cannette de bière

Elle fait de même

Ce sont ces objets et leur manipulation en récurrence qui sont la base du système, et permettent l’intégration de l’interprète musical au sein de la séquence : si le Musicien fait un geste avec un objet, la Femme doit se saisir de l’objet de son espace qui correspond et effectuer elle aussi un geste. On remarquera que si certains objets sont les équivalents poétiques et musicaux des autres (comme par exemple le plumeau/le couteau), d’autres sont totalement identiques et utilisés dans un but semblable et fonctionnel (comme par exemple les verres). L’ordre de manipulation des objets n’est pas fixé : on laisse le choix au Musicien de manipuler les objets dans l’ordre qu’il souhaite, à la vitesse qu’il souhaite. Il peut également être amené à créer une « mélodie » avec les objets, en passant de l’un à l’autre, et la Femme doit alors le suivre en restant dans sa dynamique de manipulation plus réaliste.