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4.2.2 …qui n’induisent pas nécessairement de l’interdisciplinarité

PERSPECTIVE DE DÉCLOISONNEMENT INSTITUTIONNEL ET DISCIPLINAIRE

6.1 Enjeu de l’Itav : innovation et transfert technologique

6.1.3 Construction des contours scientifiques de l’Itav

Bien qu’ainsi défini par son fondateur, le projet de l’Itav est loin d’être un projet linéaire, il a très tôt suscité des discussions sur les thématiques scientifiques à développer à l’Itav, reflétant l’hétérogénéité de la sphère scientifique à propos de ce que devait être cet institut. Les laboratoires « partenaires » de l’Itav sont ceux qui ont participé au projet de construction de l’institut, c’est-à-dire qui s’y sont retrouvés engagés par la participation d’un ou de plusieurs de leurs membres aux réflexions qui dessinent les contours de ce projet219.

Une équipe de l’Inserm a participé au départ à la réflexion, avant de s’en retirer très rapidement. Les chercheurs de cette équipe attendaient de l’Itav un endroit dédié à la recherche clinique. En termes de technologies, ils envisageaient de pouvoir disposer à l’Itav de techniques d’imagerie pouvant aller du petit animal jusqu’à l’homme et ainsi créer un continuum allant de la cellule en culture, au petit animal, jusqu’aux organes. Mais cet aspect sera rapidement écarté et il est décidé de s’en tenir dans le cadre de l’Itav à l’aspect biologie, c’est-à-dire le travail sur les cellules uniquement. Sur les raisons de ce recentrage autour d’activités purement biologiques, il est difficile aujourd’hui d’en retracer les trajectoires précises. Selon un médecin chercheur à l’Inserm et engagé dans les réflexions sur la construction de l’Itav, les contraintes particulières liées à la recherche médicale ont pu effrayer les autres membres de la réflexion qui ont préféré s’en tenir à une activité de biologie « classique », autour des cellules. Par ailleurs, les volumes financiers finalement disponibles ont participé à la restriction des ambitions initiales. Lorsqu’est lancée l’idée de l’Itav, tous les chercheurs engagés ont été invités à donner leurs idées, mais lorsqu’il s’agit

155 de passer à la phase de construction concrète, les contraintes, en particulier financières, imposent de faire des choix.

DES AMBITIONS CONTRAINTES PAR LES FINANCEMENTS

Aussi l’Inserm, à travers cette équipe, se retire, très tôt, du projet220. L’Inserm se désengage de l’Itav aussi parce que le projet de l’Oncopôle lui impose de construire un bâtiment sur le campus afin d’y délocaliser tous ces laboratoires de recherche toulousains spécialisés sur la thématique du cancer. Le fait que l’Inserm ne soit pas partie prenante d’un institut dédié aux Sciences du vivant, sur un campus dédié au cancer, peut sembler paradoxal. Toutefois, à ce stade il ne s’agit pas d’un élément déstabilisateur puisque l’Itav garde sa légitimité à se consacrer à l’interdisciplinarité et au développement de technologies innovantes pour le transfert technologique.

Ensuite, c’est l’axe robotique qui est finalement, lui aussi, abandonné. Cet axe est porté par un chercheur d’un laboratoire toulousain spécialisé en ingénierie (« laboratoire SI»), l’objectif étant de développer un projet en cours de chirurgie téléopérée. Au sein du « laboratoire SI» (un laboratoire de Sciences de l’ingénieur à Toulouse), microélectroniciens et roboticiens travaillaient alors à l’élaboration d’un robot, en collaboration avec le CHU de Toulouse, et en partenariat avec un industriel. Ce projet avait donné lieu à la fabrication d’un robot, différent de ceux alors fabriqués aux États-Unis, leaders sur le marché. L’opportunité de l’Itav, dédié aux technologies innovantes, est apparue intéressante pour y développer ce projet et l’amener vers le transfert. L’idée est d’y installer unesalle d'opération robotisée dans laquelle pratiquer de la recherche en microchirurgie, en collaboration étroite avec le CHU. Finalement, la mise en place de l’Itav prenant du temps, le CHU s’est équipé avec d’autres robots. Au moment où le projet de l’Itav prenait forme, où les volumes financiers devenaient concrets, contraignant à revoir les ambitions à la baisse, il s’agissait de faire des choix, le porteur de l’axe robotique a estimé que la robotique n’était plus apte à continuer et cet axe a été abandonné, au moins provisoirement, à l’Itav221.

UN PROJET FINAL STRUCTURÉ AUTOUR DE TROIS AXES THÉMATIQUES

Contraint par le financement disponible, l’Itav va finalement se structurer autour de trois axes, qui prennent forme dans trois plateformes technologiques : Bionanotechnologies,

Chimie et Imagerie

220 Cela n’empêche pas que des projets labellisés Itav soient menés en collaboration avec des équipes de l’Inserm. Lorsque nous parlons d’engagement d’une équipe dans l’Itav, cela signifie que l’équipe, à travers un ou plusieurs de ses membres, participe à la réflexion et à la construction du projet Itav, et envisage de s’y déplacer en partie lorsque le bâtiment sera construit.

156 À ce stade, il n’y a plus que quatre équipes impliquées, à travers leurs responsables, issues de quatre laboratoires qui deviennent alors les « laboratoires partenaires ».

- Le « laboratoire chimie » est un laboratoire de chimie, UMR CNRS/UPS hébergé par l’UPS ;

Deux laboratoires de biologie :

- Le « laboratoire bio 1 » est un laboratoire Insa/Inra/UPS hébergé sur le campus de l’Insa ;

- Le « laboratoire bio 2 » est une UMR CNRS/UPS hébergée par le CNRS ; Et

- Le « laboratoire SI » : un laboratoire regroupant différentes Sciences pour l’ingénieur, UPR du CNRS.

Les « laboratoire bio 1 » et « laboratoire SI » sont les porteurs de l’axe

Bionanotechnologies, le « laboratoire chimie » est le porteur de l’axe Chimie, et le

« laboratoire bio 2 » est le porteur de l’axe Imagerie (Fig. 7).

Les laboratoires partenaires se répartissent le choix des équipements. Ces équipements sont acquis alors que l’Itav n’est pas encore construit, et seront hébergés provisoirement dans les laboratoires partenaires.

C’est donc autour de trois familles d’équipements (bionanotechnologies, chimie, imagerie optique) que se structurent les futures plateformes de service.

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Fig. 7: Infographie des trois axes scientifiques de l’Itav et les quatre laboratoires partenaires.

6.1.3.1 L’axe « bionano »: l’effet de levier d’une dynamique préexistante

Les équipes qui se retrouvent à participer ensemble à la création de ce nouvel institut collaboraient déjà sur des projets communs.

En particulier, une dynamique de mise en réseau entre ces équipes autour de projets de « bionano » était en cours de construction au moment où a émergé l’idée de l’Itav et il est important de relever que la construction de l’institut s’appuie sur cette dynamique existante.

En effet, les injonctions à l’interdisciplinarité ne trouvent pas d’écho dans la pratique si elles ne sont pas impulsées par les chercheurs eux-mêmes à partir de leurs expériences de recherche222.

L’équipe-projet « bionano » (Fig. 8) dont il est question ici préexiste à l’Itav, elle est nommée équipe « Biopuces-bionanotechnologies » et se forme au début des années 2000 autour de l’expertise de la plateforme « Biopuces », installée dans le « laboratoire bio 1 », sur le campus de l’Insa, et qui fait partie des neuf plateformes de la Génopôle Toulouse.

222Florence Bouyer, Stéphanie Cousin, Béatrice Simpson, Vanessa Tocut, Étude sur l’interdisciplinarité dans la

gestion des personnels chercheurs, Rapport de phase 1, Observatoire des métiers et l’emploi scientifique (OMES)

158 L’un des deux porteurs de l’équipe « Biopuces-bionanotechnologies », à l’origine de la plateforme « biopuces », situe en effet le point de départ du rapprochement des « nanos » et de la biologie à Toulouse à la constitution des plateformes Génopole.

De nouvelles perspectives s’ouvrent alors à la recherche en biologie avec le séquençage du génome qui permet d’avoir accès au système biologique dans son ensemble. Or, appréhender l’ensemble des fonctions cellulaires et passer d’une analyse ponctuelle à une analyse « multiplexée » nécessite le développement d’outils. L’idée à l’époque (début des années 2000) a été de chercher à développer des outils originaux par l’intégration des compétences de chimistes, de physiciens, de bio-ingénieurs dans le but d’analyser ces systèmes biologiques sur des systèmes miniaturisés.

C’est à partir de là que se développent les nanobiotechnologies, ou bionanotechnologies223, puisque « la cellule par définition, c’est nano. Donc le biologiste sans le savoir travaille dans le nano »224. Des collaborations se nouent avec le « laboratoire SI », en particulier avec l’équipe « Nanobio ».

L’équipe du « laboratoire bio 1 » obtient l’installation dans son laboratoire d’une plateforme « Biopuces », rattachée à la Génopole Toulouse, à laquelle est affectée une équipe de recherche.

Ainsi se forme une équipe informelle qui collabore étroitement, regroupant des chimistes, des biologistes, des physiciens et des technologues225. Ces collaborations se formalisent plus tard sous le nom d’équipe « Biopuces-Bionanotechnologies » au moment de la création de l’Itav. Les deux porteurs de l’équipe « Biopuces-Bionanotechnologies »sont respectivement professeurs de biologie et de physique à l’Insa Toulouse. Cette équipe porte l’axe « Bionanotechnologies » à l’Itav, nous la nommerons dans la suite du document équipe « bionano »226.

La plateforme Biopuces n’a pas par elle-même une activité liée aux « nanos », cette spécificité est apportée par la collaboration de l’équipe « Nanobio » qui travaille à améliorer la performance, et surtout réduire le coût des biopuces, par des procédés de micro-nanotechnologies. C’est pourquoi l’équipe ainsi constituée entend développer ses projets

223 Nous parlons de « bionano » spécifiquement à l’Itav et de « nanobio » en ce qui concerne l’activité au sein du « laboratoire SI », pour reprendre la distinction opérée par l’équipe elle-même.

224 Entretien avec un chercheur, biologiste, 23.01.2013.

225 Pour une présentation détaillée des travaux de cette équipe interdisciplinaire, voir « Les nanotechnologies au service des biopuces, l’exemple toulousain », in Magazine Biofutur, « Bioterrorisme, de l’analyse aux solutions », n° 250, décembre 2004, pp.41-45.

226 L’équipe « bionano » est l’équipe interdisciplinaire qui s’installe à l’Itav et qui porte l’axe bionanotechnologies. L’équipe « nanobio » est une équipe du « laboratoire SI », elle fait partie de l’équipe « bionano » de l’Itav.

159 spécifiques dans ce nouveau lieu qu’est l’Itav, et qui serait le point de rencontre entre ces différentes équipes issues de laboratoires différents. L’objectif est la facilitation des collaborations au quotidien qui doit permettre l’accélération de l’avancée des projets vers le transfert technologique. L’équipe ainsi formée regroupedes biologistes, des chimistes, des physiciens et des technologues qui mettent leurs compétences complémentaires au profit de la fabrication et de l’amélioration des biopuces.

Fig. 8: Infographie illustrant la construction de la collaboration interdisciplinaire dans l'axe « bionano » à l'Itav.

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