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Peu de recherches se sont spécifiquement intéressées à l’identification des conséquences des crises sur les enseignants (Cole et al., 2013). Pourtant, ces conséquences sont multiples et évoluent dans le temps (Brophy et al., 2015; Gold et al., 2013). Tout comme pour la clientèle des écoles qui vit les conséquences des événements potentiellement traumatiques, le personnel peut aussi être affecté par les situations qui sortent de l’ordinaire. En effet, Brock et Cowan (2004) soulignent que bien que les directeurs d'école s'intéressent principalement à la compréhension et à la satisfaction des besoins des élèves, ils doivent également faire attention aux effets possibles des crises sur les membres du personnel, en particulier ceux qui servent de soutien pour leurs élèves.

De façon générale, les événements à potentiel traumatique peuvent avoir des conséquences sur les individus mais aussi sur la communauté, les familles et les groupes d’appartenance de ces personnes (Day et al., 2017). Des études se sont intéressées aux conséquences de tels événements. Ces conséquences se manifestent à plusieurs niveaux.

2.3.1 Au niveau personnel

Lors de la survenue d’une crise à potentiel traumatique, les élèves et les travailleurs des écoles peuvent vivre, en plus de l’état de stress post-traumatique, une exacerbation élevée de troubles mentaux préexistants et une incidence significative de troubles (Dugal et al., 2012; Gold et al., 2013; Miquelon et al., 2015; Séguin et al., 2013). De plus, des symptômesde dépression, une augmentation du stress, des idées suicidaires, des tentatives de suicide, des problèmes de santé physique, de l’absentéisme et des démissions (Cowan et Rossen, 2014) ont été recensés. Ces derniers auteurs énoncent aussi que plus l’école est

à proximité de l’événement traumatique, plus les conséquences sont grandes pour le personnel et les élèves.

D’autres manifestations peuvent apparaître telles des symptômes de détresse, de tristesse ou de l’anxiété (Norris et al., 2002), l’activation des émotions destructrices telles la rage et la peur (Hagman, 2017). À ce sujet, Day et al. (2017) ont constaté la présence de troubles cognitifs, émotionnels et des réactions physiologiques comme impacts au trauma. Ces mêmes auteurs ont aussi souligné que la croissance post-traumatique est une réaction possible à la suite du trauma. Selon Tedeschi et Calhoun (2004), la croissance post- traumatique n’est pas un simple retour à la vie normale, c’est plutôt un enrichissement de divers aspects de sa vie. La présence d’une croissance post-traumatique telle que mesurée par Calhoun et Tedeschi et1999 et Tedeschi et Calhoun (2004) s’observerait dans cinq grands domaines : a) les relations avec les autres, b) la perception de nouvelles possibilités, c) les forces personnelles, d) l’appréciation de la vie et e) des changements au point de vue spirituel. Plus spécifiquement, les relations avec les autres renvoient à une grande proximité avec les autres et à une plus grande capacité à manifester une attitude empreinte de compassion. La perception de nouvelles possibilités se manifeste par l’émergence de nouveaux intérêts ou un nouveau choix de carrière. Les forces personnelles reflètent la (re)découverte de ressources (in)soupçonnées. L’appréciation de la vie est caractérisée par un niveau plus élevé de gratitude envers la vie et des changements en ce qui concerne les priorités sur les aspects de la vie qui comptent le plus. Enfin, une croissance post- traumatique peut aussi indiquer une spiritualité plus profonde et des modifications au niveau des principes philosophiques sur lesquels s’appuient nos comportements (Tedeschi et Calhoun, 2004).

Dugal et al. (2012) se sont quant à eux penchés sur les impacts que peuvent avoir une fusillade en milieu scolaire sur les habitudes de consommation. Ils ont remarqué une augmentation significative de consommation d’alcool et de drogues et stipulent qu’une exposition directe à la menace semble jouer un rôle important dans le développement de troubles de la consommation de substances chez les hommes.

2.3.2 Au niveau organisationnel

Beland et Kim (2016) rapportent qu’il y a une diminution du nombre d’inscriptions d’élèves dans les écoles secondaires qui ont vécu un épisode de tir à l’intérieur de l’établissement ainsi qu’une diminution des résultats dans certaines matières. Également, des impacts sont observés sur le sentiment de sécurité à l’école et sur la peur (Addington, 2002; Felix et al., 2010; Hagman, 2017; Lowe et Galea, 2017). Hagman met l’accent sur les influences positives ou négatives des événements à caractère traumatique sur la confiance en l’organisation et sur les relations de travail. Dans cette même perspective, Day et al. (2017) rapportent, quant à eux, un sens de la communauté plus développé, un respect pour la communauté et un rapprochement des équipes de travail. À la lumière des éléments énoncés précédemment, des liens pourront s’établir dans la réflexion sur les enjeux des actions quotidiennes qui favorisent la mise en place des conditions propices à la construction du potentiel de résilience des personnes et des organisations.

À ce sujet, la résilience organisationnelle est définie par Powley (2009) comme « …le pouvoir des unités organisationnelles de reprendre, rebondir ou s’adapter positivement aux événements indésirables. ». Il mentionne aussi que « la résilience se centre sur la perspective de l’apprentissage en crise en tant que processus adaptatif » (p. 1292). Cet auteur énonce que c’est lorsque l’organisation rencontre des difficultés qu’on peut constater son potentiel de résilience et que les relations sociales positives ont une influence sur ce potentiel. Des éléments sont à considérer et auront une influence sur les conséquences de la crise, et ce, avant, pendant et après l’événement.

A Qualités des gestionnaires et leur influence sur les conséquences possibles des événements à potentiel traumatique sur les membres du personnel scolaire.

Certaines qualités que l’on peut retrouver chez les gestionnaires sont considérées essentielles afin de promouvoir le rétablissement de l’organisation et des membres du personnel. Premièrement, Zdziarski (2016) mentionne que le leadership doit venir du cœur et reconnaître les besoins émotionnels et la douleur. O'Brien et Robertson (2009) abordent aussi l’authenticité, l’agilité, la résilience, la capacité de prévoir, l’intuition, la créativité et la maitrise de soi. L’intelligence émotionnelle des cadres scolaires serait aussi utile en cas

de crises et aurait des retombées sociales et psychologiques sur les cadres eux-mêmes et sur l’organisation (Raveleau et Ben Hassel, 2016). D’autres types de caractéristiques pour le cadre scolaire qui favorisent la résolution de la crise apparaissent comme prioritaires. Comme le mentionnent Smith et Riley (2012) « Face à une crise, il est essentiel pour les dirigeants scolaires d’être décisifs, de faire preuve de clarté et de certitude, d’engendrer l’espoir, de rassurer les efforts et d’assurer une communication ouverte et crédible avec tous les acteurs de la crise. » (p. 69).

B. Dynamique relationnelle dans l’organisation

Dans cette perspective, abordons la dynamique relationnelle dans chacune des étapes des plans de gestion de crise et ses incidences sur l’évolution positive ou négative des crises en milieu scolaire. Les liens entre les individus et leurs façons d’interagir vont teinter, dès le départ, le dénouement de la crise et le rétablissement. Aussi, en situation exceptionnelle, ces relations pourront être transformées pour devenir plus égalitaires, la compassion sera présente et le sentiment d’appartenir à une communauté pourra être renforcé. Ces relations de qualité facilitent la capacité de l’organisation à recouvrer son potentiel afin de se remettre au travail (Powley, 2009). Soulignons que ces relations peuvent être teintées par les valeurs telles l’entraide et la collaboration véhiculées dans l’école ou le centre et influencer constructivement ou non la réponse à la crise (Liou, 2015).

C. Confiance

Selon Sutherland (2017), la confiance des dirigeants repose sur le fait qu’on accepte de se rendre vulnérable à l’autre, qu’on peut s’y fier et qu’on croit à sa bienveillance. Grâce à la confiance, les organisations peuvent s’épanouir aussi en période de crise et elle serait même la base du résultat positif de la crise. Elle favorise des qualités pour mieux vivre en communauté qui s’opposent à l’égoïsme. Elle influence l’accomplissement des tâches. Différents auteurs suggèrent aux gestionnaires de construire la confiance bien avant la crise. En effet, ce qu’ils font à chaque jour, leur façon d’être avec les autres et de prendre leur décision, auront une influence directe sur la collaboration avec le personnel (Raveleau et Ben Hassel, 2016).

2.3.3 Au niveau professionnel

Day et al. (2017) soulignent que le rôle de chacun dans la gestion de la crise et de l’après-crise pourra avoir divers types d’impacts comme le traumatisme vicariant1, la

fatigue de compassion2 ou la résilience3. Après avoir questionné des professionnels de la

santé mentale en milieu scolaire à la suite d’une fusillade, ces auteurs rapportent que le contexte de vivre un traumatisme partagé avec la clientèle amène des particularités en ce qui a trait à l’exécution des tâches à la suite des événements. Selon eux, ces praticiens ont pleuré plus souvent avec leurs clients et les ont pris plus souvent dans leurs bras. La qualité des relations avec les clients qu’ils connaissaient déjà s’est améliorée et il a été plus facile, avec les nouveaux clients, d’établir la relation. Toutefois, certains ont évité de rencontrer des personnes qui avaient besoin de soutien après la fusillade et ont ignoré leurs propres besoins.

En ce qui concerne plus spécifiquement les enseignants, ils se sentent souvent négligés et peu compétents à offrir les services nécessaires aux élèves (Brophy et al., 2015). Leurs actions peuvent contribuer à traumatiser de nouveau ou à ne pas reconnaître les signes de détresse chez les élèves. Ces mêmes auteurs rapportent que l’épuisement est observé dans toutes les catégories du personnel scolaire mais plus spécifiquement chez les personnes qui n’ont pas reçu de formation adéquate.

Pour leur part, Day et al. (2017) soutiennent que la couverture médiatique qui entoure un événement de violence de masse en milieu scolaire pourrait contribuer à exposer à nouveau les personnes affectées par les événements. De plus, la diffusion de l’information par les médias contribue à ce que les travailleurs se fassent questionner régulièrement concernant les événements, et ce, durant des années.

1 Transformation qui se produit au sein d’un individu qui fait preuve d’écoute et d’empathie envers une

personne ayant vécu un de la souffrance et de la douleur ou un événement traumatique. Cette transformation peut perturber sa vision de lui-même et du monde (Foreman, 2018).

2 Résultat de la compassion, de l’exposition à la souffrance du client et du désir de le soulager. Le travailleur

prend en charge les difficultés du client et des indices d’épuisement se manifestent (Radey et Figley, 2007).

3 « Résilience est un mot français qui vient du latin resalire, qui signifie rebondir, résilier, recommencer un

2.4 Facteurs de risque et facteurs de protection qui influencent le