• Aucun résultat trouvé

Cinq répondants ont éprouvé des difficultés à donner leur propre définition de ce que sont les crises à potentiel traumatique en milieu scolaire. Toutefois, une fois certaines de leurs caractéristiques identifiées, une définition de ce que peut être la crise ou l’événement à potentiel traumatique s’en dégage. Subséquemment, l’ensemble des enseignants ont été capables d’identifier les conséquences que ces événements peuvent avoir sur eux-mêmes et sur l’ensemble des autres acteurs de leur milieu.

5.3.1 Onde de choc

La crise à potentiel traumatique en milieu scolaire est vécue comme une onde de choc qui se répercute sur une petite cellule de personnes (famille, groupe d’amis, classe, niveau scolaire, groupe de confrères, membres de la direction, comité, etc.) mais qui peut remuer l’ensemble de la communauté scolaire. Selon le type de crise vécue, ses conséquences peuvent se manifester dans la collectivité et les différents milieux de vie des individus qui fréquentent les établissements scolaires. La crise à potentiel traumatique en milieu scolaire amène donc les individus dans une perturbation événementielle qui peut être brutale.

Moi je vois ça comme des crises, des cercles qui s’agrandissent. (Samuel)

Un dérangement profond d’un élève et de son entourage… c’est quelque chose qui perturbe profondément… ça ressemble à un tremblement de terre… (Johanne)

Quand on parle d’un groupe qui est dissident et qui décide de brasser, bien ça touche toute une cellule d’enseignants. Quand on parle juste d’une grosse crise de jeunes, soit par rapport à nous, par rapport à un autre, bien là ça va toucher juste toi. Alors il y en a de tous les niveaux je pense. (Josée)

… c’est un événement qui sort de l’ordinaire, qui sort de la petite routine… (Jimmy)

5.3.2 Imprévisibilité

L’état d’équilibre réfère à la stabilité, la constance et la continuité. Cependant, une des particularités de la crise elle-même est sa dimension d’inattendu; elle prend par surprise. Qui plus est, cette imprévisibilité induit un déséquilibre variable en fonction de différents facteurs liés à l’événement lui-même et de son contexte. Les écoles secondaires sont peuplées de plusieurs centaines de jeunes et d’adultes. En conséquence, le potentiel de crise s’accentue et les situations imprévues peuvent survenir plus fréquemment. Qu’il s’agisse de la classe, des corridors, de la cour extérieure, des risques associés aux installations, au climat, tous ces lieux et tous les acteurs du milieu scolaire sont susceptibles d’être confrontés à des incidents qui sortent des expériences habituelles vécues par les individus.

Il y a des gens déstabilisés par rapport à un événement. Et déstabilisés psychologiquement, parfois ça peut être aussi physiquement et pas savoir s’orienter… c’est quelque chose qui n’a pas été préparé, alors les gens sont perdus là-dedans, … ça peut aller à la panique aussi… et on ne s’attend pas à ça. (Justine)

Celle la plus traumatique c’est celle qui est imprévisible, c’est le côté imprévisible des choses qui arrive et qu’il faut régler ou qu’on subit. Donc tu ne prévois pas, tu accuses le choc… qui t’arrive comme une tonne de briques. (Josée)

Tu commences un cours là et tu ne sais jamais, même un groupe d’excellence, tu en as toujours des drôles qui veulent faire le show, alors tu as toujours ça, un petit stress à gérer… Moi ce n’est pas vrai qu’après 25-30 ans

d’enseignement, j’arrive dans ma classe et je suis full relaxe; j’ai toujours un petit trac au début. (Jimmy)

Si je pouvais prévoir tout ce qui va arriver, eh! Il n’y en aurait pas de problème… Mais la crise intervient quand tu ne t’en attends pas… paf! Dans la face. (Joe)

Plusieurs événements à potentiel traumatique vécus par les enseignants sont liés à des situations survenues à l’intérieur de l’école par d’autres personnes que les répondants. Ces derniers font donc référence à des phénomènes vécus par d’autres personnes ou encore liés à des comportements d’élèves ou de confrères qui les entourent. Toutefois, certains répondants estiment que les événements peuvent être vécus par ceux-ci et également par des tiers. Effectivement, le potentiel traumatique peut être ressenti quand un membre du personnel avec qui l’on entretient des relations ou un élève qui est sous la responsabilité de l’enseignant, sont affectés par une situation particulièrement difficile. Dans le même ordre d’idée, certaines crises psychosociales ou psychopathologiques personnelles aux élèves ou aux membres du personnel et vécues à l’extérieur ont un potentiel traumatique pour les enseignants.

Que ce soit probablement induit par quelque chose d’externe, d’extérieur à nous. (Ann)

… ça dépend de l’événement. Quand on pense justement à des décès de collègues, bien c’est sûr que là ça touche une grande masse. (Josée)

Ça se passe au cœur d’une famille, d’un individu, mais ça a des répercussions partout dans le milieu, beaucoup… Parce que les élèves c’est du monde qui réagissent beaucoup à ces affaires-là, donc ça a beaucoup d’impacts dans une école secondaire. (Johanne)

… bien moi ce qui vient me chercher beaucoup, c’est quand je sais qu’il y a eu de la violence, parce qu’il y en a. Ce n’est pas tout le temps et ce n’est pas nécessairement souvent, mais si j’entends dire qu’un prof s’est fait tasser dans un mur par un élève ou par un parent, parce que c’est déjà arrivé, bien moi ça me… j’appelle ça une crise. (Marie-France)

5.3.3 Récurrence et accumulation

En plus de l’onde de choc et de l’imprévisibilité, les caractéristiques de la récurrence et de l’accumulation d’évènements stressants supposent que les situations

difficiles obligent les acteurs en présence à agir rapidement et efficacement. En outre, la fréquence et la répétition des imprévus ou des crises induisent une accumulation de stress qui propulse les individus, les témoins ou les adultes en autorité qui vivent eux-mêmes ces événements, dans un état de vulnérabilité.

Le caractère récurrent, la chose qui revient tout le temps. (Josée)

Il peut arriver des petits événements d’un bord et de l’autre… je dirais que tu en as quasiment chaque jour. (Jimmy)

Mais c’est sûr que des petites crises dont je t’ai parlé tout à l’heure, bien il en arrive un peu à chaque semaine. Alors c’est sûr qu’un moment donné, on accumule, on accumule. Mais ça prend des échappatoires. (Joe)

5.3.4 Perception de l’événement et émotions suscitées

Même si des caractéristiques semblables se précisent à l’intérieur des crises à potentiel traumatique, des variables individuelles en détermineront le sens même. En effet, la perception singulière liée aux caractéristiques personnelles des personnes aux prises avec ce type d’événement influence la définition qu’ont donnée les répondants à ce concept. Ainsi, les caractéristiques personnelles des individus, leurs sentiments, leurs réactions ainsi que les émotions suscitées par les incidents, les accidents, les catastrophes, les violences ou autres types de crises à potentiel traumatique sont changeants d’une personne à l’autre.

… une crise potentiellement traumatique pour un individu, ne va pas l’être automatiquement pour l’autre… j’ai lu dans un livre, un événement a l’importance que tu lui accordes. (Jimmy)

Une crise c’est lorsque moi je sens que je n’ai plus le moyen de gérer une situation, comme si je perds un peu le contrôle… et ça, ça dépend des profs, mais il y a des choses en classe que je vais gérer. Mais une crise c’est quand un moment donné je ne sais plus, j’ai l’impression que je perds mes moyens face à quelque chose… (Ann)

On a une réaction plus forte que ce à quoi on est habitué de vivre… tout ce qui provoque une réaction un peu plus forte que la normale. (Ann)

Moi quand tu me dis le mot crise là, quand j’ai un malaise, quand je ne me sens pas bien, pour moi c’est une crise, c’est une situation de crise. Mon corps me le dit, je le sens. Quand je ne me sens pas bien, quand je ne me sens pas moi-

même c’est parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Dans ma tête une crise, oui ça peut prendre beaucoup d’ampleur, mais il peut avoir des mini-crises aussi. Et ça on en vit quand même assez quotidiennement. Moi tout ce qui me met en état de stress… Tu parlais de crise, pour moi c’est une crise. Pour moi ce moment-là où j’ai dû respirer, le petit hamster est dans la tête, il fonctionne, tu te poses la question… bon… qu’est-ce que je fais. Cette espèce… en-dedans tu te sens… il y a un malaise. (Joe)

La perception de l’événement vécu influencera la conception du danger qui est présent et de la sécurité qui est ou non menacée. Les émotions qui sont liées au danger ou à la menace sont souvent la peur et l’insécurité. La compromission de la sécurité peut être réelle ou perçue comme telle. Dans cette perspective, la crise à potentiel traumatique représente un défi de taille à surmonter.

Tout ce qui implique un danger pour les élèves, l’enseignant. … mais pas autant danger physique que des fois le psychologique, les marques que ça laisse. Que ce soit nous, nous sommes plus prudents, on a plus peur, mais les élèves qui après ça, ne sont pas à l’aise, viennent nerveux, je dirais plus vers ça, mais vraiment physiquement être menacé aussi, il y en a eu. (Marie)

Bien moi je dirais que c’est lorsqu’il y a de la peur qui s’installe, que tu as peur, c’est potentiellement traumatique. Et si c’est un geste grave, c’est potentiellement traumatique. … lorsqu’il y a de la violence. Moi en tout cas je le vois comme ça potentiellement traumatique. Si ça touche une réaction agressive. (Marie-France)

Définir la crise à potentiel traumatique pour les écoles s’avère donc complexe. Cependant, les différentes caractéristiques identifiées regroupent des concepts inhérents à la crise.