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Les personnes interrogées n’ont pas toutes été exposées de la même façon aux crises à potentiel traumatique en milieu scolaire. Elles sont quand même toutes d’avis que les événements à potentiel traumatique vécus à l’école affectent les enseignants. À ce propos, un répondant affirme que son expérience lui a permis d’apprendre que ces crises ont des incidences parfois distinctes et parfois apparentes d’un individu à l’autre. Ceci non seulement en fonction de l’événement vécu et du niveau d’exposition mais également en fonction de certains traits de la personnalité. Selon ce répondant, l’être humain possède une force adaptative remarquable peu importe son âge.

…les apprentissages que je vois, c’est que l’être humain est quand même capable de se sortir de plein d’affaires, plein d’événements qui peuvent être très difficiles pour un, moins difficiles pour l’autre, mais finalement un événement qui est difficile pour un, le jeune peut s’en sortir aussi bien, sinon plus fort que le jeune qui a vécu le même événement, mais que lui ça l’a moins traumatisé. Donc les apprentissages, c’est que je vois que… en tout cas pour moi c’est que nos jeunes ils ont quand même un énorme potentiel, plus qu’ils pensent. Et les profs aussi, en tout cas les gens avec qui on travaille. (Jimmy)

Pour d’autres répondants, les crises à potentiel traumatique vécues dans une école favorisent, chez les enseignants, la connaissance de soi ainsi que celle de ses habiletés et forces. Notamment, les compétences en gestion de classe ainsi que celles qui favorisent la résolution de problème s’acquièrent au fil du temps. Qui plus est, l’expérience permet aussi de connaître ses lacunes en ce qui concerne les interventions à mettre en place auprès des élèves en difficultés et de développer des stratégies plus adaptées autant dans le quotidien que lorsque survient une crise.

…tout ce que je t’ai dit aujourd’hui, bien c’est à la suite de toutes les expériences que j’ai vécues. Alors ce sont tous des apprentissages que j’ai faits. J’ai pété un plomb à un moment donné et j’ai pu voir où est-ce que ça me menait, bien j’ai appris ça. On en fait des erreurs, mais c’est justement de ces erreurs-là… je te parlais de ma petite caméra et je me regardais aller, j’ai dit… oh! Tu ne l’avais pas là! Bien c’est de ces erreurs-là qu’on apprend et qu’on modifie nos interventions… Je te parlais de l’intervention par le rôle, ça c’est magique ça, d’enlever l’implication… Alors ça j’ai appris ça. Le non-verbal ça s’apprend aussi. J’ai lu, j’ai eu de la formation, mais je l’ai surtout expérimenté et c’est gagnant. Le sourire, ça tu n’as pas à me forcer pour sourire quand j’enseigne, j’adore ça, mais l’attitude qui est devant, bien ça aussi j’ai appris ça que… c’est tellement gagnant. (Joe)

On en apprend beaucoup sur nous autres. On apprend aussi qu’il y a des clientèles qui te conviennent, parce qu’il y en a qui prennent une partie de nous- mêmes. Moi je trouve qu’en santé mentale, ça prend une partie de toi, ça te draine, ça te fatigue beaucoup, il faut que tu sois à l’aise. Il ne faut pas que tu prennes quelque chose pour travailler. C’est facile à dire maintenant que j’ai ma permanence là, mais il faut vraiment être préparé. Si tu es à l’aise avec ta tâche, déjà en partant ça va aider… il ne faut pas nécessairement leur rentrer dedans, il faut apprendre… la main de fer dans un gant de velours… c’est ça qu’il faut. Le moindrement les jeunes en difficulté… parce que si tu leur rentres dedans, ils rentrent dans la confrontation et ça ne finit pas. Il faut savoir quand pousser, quand arrêter et tranquillement je l’apprends. Mais nous aussi il faut être capable de dire… ça ne fait pas longtemps que j’ai appris… j’appelle ma collègue… (Marie)

En plus de la découverte de soi, les crises à potentiel traumatique permettent le développement des qualités interpersonnelles qui sont dans la lignée des principes de l’intervention en situation de crise. Le calme, les attitudes non-verbales ainsi que la capacité de saisir la réalité de l’autre et de comprendre les sentiments que l’on peut vivre, favorisent la mise en place d’actions qui répondent davantage aux besoins des personnes en difficulté. Une répondante mentionne à ce sujet que l’empathie fait aussi référence à la capacité d’éviter de vivre les émotions de l’autre et cette aptitude a été acquise à force d’expériences.

… bien oui, plein d’apprentissages… bien de l’expérience, de l’expérience de vie et être calme, voir venir et être calme face aux événements. Et être capable justement de prendre cette distance-là. Je pense que mon meilleur apprentissage c’est ça, c’est de prendre de la distance par rapport à ce qui se

passe, que ce n’est pas nous, c’est différent et c’est de la « job ». C’est plus facile, c’est de la « job » … c’est quelque chose de traumatisant… un événement… Alors cette distance-là d’empathie plutôt que de sympathie, ça… ça s’apprend aussi à travers le temps. (Josée)

Je te dirais qu’il y a des signes qu’on peut reconnaître, il y a de l’empathie qu’on peut développer, l’écoute. Toujours l’empathie, l’écoute, d’être vigilant pour être capable de mieux accompagner. (Johanne)

Les apprentissages réalisés par les répondants ont aidé à identifier certains besoins à l’égard des méthodes d’intervention à utiliser dans des contextes variés. Notamment, ils soulèvent le besoin de comprendre le processus de gestion des émotions qui peut être déterminant en cas de crise. Il est également rapporté que la connaissance des besoins spécifiques des élèves permettrait la mise en place de mesures adaptées lors de crises. À ce sujet, la multitude de problématiques vécues par les élèves provoque de l’incertitude dans plusieurs circonstances quand vient le temps d’agir. Les enseignants côtoient parfois des élèves qui vivent des problématiques de santé mentale ou des problèmes de comportement majeurs qui les rendent insécures dans le choix des actions à poser.

… dans la vie c’est toujours le problème, quelqu’un qui pète un plomb c’est parce qu’il a mal géré ses émotions. Et il y aurait tellement de choses à faire là- dedans… Comprendre ce qui se passe dans le cerveau quand un jeune est en crise ou qu’il est face à une situation traumatisante. Il y a des neurologues qui ont écrit là-dessus. (Jimmy)

… il y a beaucoup de choses qu’on peut… des situations, des paroles ou des événements qu’on peut éviter quand on est au courant de ce que certains élèves vivent, ressentent, ont vécu ou ont subi. Ça je pense que c’est primordial d’être informé, parce que, si je sais que mon élève vit des affaires à la maison ou que je ne sais pas que ses parents se battent ou que lui se fait battre ou que n’importe quoi, je n’agirai pas pareil avec lui qu’avec n’importe quel autre, premièrement pour le protéger et… Tu comprends ce que je veux dire? J’ai besoin de connaître l’historique de mes élèves, pas par curiosité morbide, mais pour savoir quelles interventions je peux faire et ne pas faire. (Johanne)

On fait à tous les ans un exercice d’évacuation en cas d’incendie, mais rien pour des troubles de comportement, tout ça. Jamais on n’est confronté, jamais on ne voit comment on va réagir. On a une pratique une fois aux deux ans, s’il y a un tremblement de terre, de se mettre en-dessous du bureau. Ça c’est correct. Mais on ne parle pas des gestes physiques, des agressions sexuelles. Ce n’est pas mentionné. Moi l’année que j’ai eu le violeur, le directeur l’avait

dit… jamais vous êtes seules avec lui. Il y a une année aussi… vous faites attention, vous rangez tous les ciseaux parce qu’il y en a un qui peut les prendre et vous attaquer. Mais on fait quoi? On a aucune pratique là-dessus, à part une formation quand tu arrives, que tout le monde suive la CPI. Je l’ai suivi ça veut dire il y a dix ans. Et personne ne m’a donné de formation sur qu’est-ce que tu fais… Mais je trouve qu’il n'y a rien au niveau des problèmes en santé mentale et ce n’est pas juste en adaptation scolaire. L’adaptation scolaire elle est rendue partout. Je regarde certains de mes collègues et il y en a qui disent… je n’aurais pas su quoi faire à ta place. Il n’y a rien là-dessus. Préparez-nous des cas concrets, pas la belle grosse théorie, mais voici, il s’est produit ça, voici comment vous pouvez réagir ou comment… une des possibilités. Ça manque, il n’y a rien là-dessus. (Marie)

On parle beaucoup de formation continue en enseignement et c’est quelque chose qui manque peut-être, parce que ça change, les générations changent. Quels sont les risques, quels sont les signes avant-coureurs, quels sont… on les connaît un peu par habitude je te dirais, mais ça pourrait être intéressant aussi d’en savoir plus. (Ann)