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La connaissance de la Chine par l’Occident du XVI e siècle au XVIII e siècle : époque des premiers missionnaires

III. La sinologie à travers les époques

III.2 La connaissance de la Chine par l’Occident du XVI e siècle au XVIII e siècle : époque des premiers missionnaires

La description du monde de Marco Polo (1254-1324) peut être considérée comme l’une

des premières œuvres de l’Occident sur la Chine à l’époque médiévale. Après lui, les Portugais sont devenus les premiers explorateurs détenant le droit de s’installer à Macao en 1575. Alors, commence graduellement la connaissance de la Chine avec l’embarquement des premiers missionnaires européens en Chine. Ces missionnaires sont d’abord dans la plus grande partie les Portugais, les Espagnols et les Italiens. Franciscains, jésuites ou augustins, ils ont tous éprouvé la nécessité de connaître la langue, l’histoire et la mentalité des Chinois

Actes du colloque : Deuxième Colloque international de Sinologie de l’Université Fu Jen Le détour et l’accès: la sinologie en tant que nouvelle herméneutique pour l’Occident- la contribution française, Vendredi 5 et Samedi 6 novembre 2004, Taipei, Maison d’Éditions de l’Université Fu Jen, 2005, p.173.

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pour évangéliser ce pays. Par leurs récits de voyages ou d’observations, les savants européens ont pu scruter l’image de la Chine qui pendant longtemps restait mystérieuse.

En d’autres termes, la sinologie commence avec la sinophilie. Parmi ces missionnaires, Matteo Ricci (1552-1610) s’impose comme une figure marquante. Pour Paul Demiéville, il est même « le père de la sinologie occidentale ». Arrivé à Macao en 1580, Ricci a compté respectivement sur le bouddhisme et le confucianisme pour les associer aux doctrines chrétiennes, en donnant son apport à la diffusion de la culture chinoise par trois œuvres : la rédaction d’un Dictionnaire portugais-chinois inachevé, la traduction des Quatre Livres

classiques (Tetrabiblion sinense de moribus, 1594) dont le manuscrit demeure déjà introuvable, et un autre livre posthume De l’entrée de la Compagnie de Jésus et de la

chrétienté en Chine (Della entrata della compagnia di Gesù e christianita nella Cina) publié

en 1615. La mort de Ricci est accompagné de l’intensification de la sinologie jésuite. Parmi les figures importantes, on peut en compter principalement quatre, Le P. Semedo, religieux portugais qui a écrit Histoire universelle de la Chine (Paris, 1965), l’Espagnol Maldonado Herrera qui a écrit en 1621 une Nouvelle Histoire de la Chine dont un chapitre est consacré pour la première fois à l’art chinois, et Trentin Martino Martini (1614-1661), sinologue italien qui étudiait spécialement deux domaines : L’histoire de la Chine avec De bello tartarico

historia en 1654 et Sinicae historiae decas primas en 1658, et sa géographie avec Novus atlas sinensis (Vienne, 1655), enfin Longobardo (1550-1654), héritier de Ricci et auteur du Traité sur quelques points de la religion des Chinois (Paris, 1701) qui intéresse Leibniz et

Malebranche.

La mort de Ricci fait que les Portugais, les Espagnols et les Italiens perdent leur monopole et c’est l’heure des Français avec la création de la Compagnie française des Indes orientales en 1664 par Colbert. Généralement, entre 1650 et 1814, la plupart des ouvrages sinologiques sont écrits par les missionnaires de l’Assistance de France. Parmi ces jésuites, on peut en citer Phillipe Couplet qui est arrivé en Chine en 1656, il a composé son Elementa linguae

P. Demiéville, Aperçu historique des études sinologiques en France, Choix d’études sinologiques, Leiden, 1973, p.434.

Dans les classiques chinois, il existe les Quatre Livres et les Cinq Classiques, les Quatre Livres sont Les entretiens de Confucius, Mencius, La Grande Étude et La Doctrine du Juste Milieu, les Cinq Classiques sont Le Yiking ou Classique des Changements, Le Livre des Odes, Le Livre des Rites et Le Livre des Documents.

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tartaricae qui servira de manuel aux missionnaires d’apprendre la langue chinoise avant de

venir en Chine ; puis Jean-François Gerbillon (1654-1707) qui tenait une relation étroite avec l’empereur Kangxi, comme celui-ci était un passionné de la science européenne, Gerbillon a obtenu le pouvoir de lui enseigner ; ensuite Jean Bouvet (1665-1730) qui était recruteur de la Compagnie de Jésus sous l’ordre de Louis XIV et en même temps correspondant de Leibniz avec qui Bouvet parlait du rapprochement entre le système d’arithmétique binaire et les hexagrammes du Yiking ou Classiques des Changements, ce qui est également affirmé par Henri Bernard-Maître dans son livre intitulé Sagesse chinoise et philosophie chrétienne : « La doctrine antique de la Chine soulève des questions alors fort discutées en Europe. Leibniz retrouve dans les hexagrammes de l’Yi king son arithmétique binaire »

; enfin Le P. Le Comte (1655-1728) qui a publié en 1692 les Nouveaux mémoires sur l’état présent de la

Chine. Le véritable médiateur culturel de cette époque est cet ouvrage intitulé Les Lettres édifiantes et curieuses de Chine par des missionnaires jésuites (1702-1776), dans lequel les

Jésuites ont révélé un Autre de l’Occident, cette Chine qui paraît étrangère lorsqu’ils essayaient de la convertir. Citons deux passages :

Canton est plus grand que Paris, et il y a pour le moins autant de monde. Les rues sont étroites et pavées de grandes pierres plates et fort dures, mais il n’y en a pas partout [...] On voit très peu de femmes, et la plupart de ceux qui fourmillent dans les rues sont de pauvres gens chargés tous de quelque fardeau : car il n’y a point d’autre commodité pour voiturer ce qui se vend et ce qui s’achète, que les épaules des hommes [...]②

[...]Voici maintenant quelques coutumes par rapport aux dames de la Chine, qui semblent leur fermer aussi toutes les voies de conversion. Elles ne sortent jamais de la maison, ni ne reçoivent aucune visite des hommes ; c’est une maxime fondamentale dans tout l’Empire, qu’une femme ne doit jamais paraître en public, ni se mêler ses affaires du dehors.③

Les jésuites joue le rôle d’un intermédiaire entre l’Occident et la Chine et leurs

Henri Bernard-Maître, Sagesse chinoise et philosophie chrétienne, Paris, Cathasia, 1935, p.144.

Lettres édifiantes et curieuses de Chine par des missionnaires jésuites, 1702-1776, Chronologie, introduction, notices et notes par Isabelle et Jean-Louis Vissière de l’Université de Provence, Paris, Garnier-Flammarion, 1979, p.62.

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ethnographies ont passionné les esprit curieux de la Chine tels que Leibniz, Fénelon, Voltaire, Montesquieu, Rousseau, etc.