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LES CONDITIONS DE LA TERRITORIALISATION DES ARMEMENTS : LE CAS DE LA RANGÉE NORD EUROPE

Quelles sont les conditions amenant les compagnies maritimes à adopter des comportements de territorialisation différenciés ? Telle est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans cette deuxième partie.

A notre connaissance, les seuls travaux empiriques étudiant les comportements de territorialisation de firmes ont été menés par Zimmermann25 (1998) et Saives26 (2002). Ces derniers portent sur des firmes industrielles. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’analyses empiriques de comportements de territorialisation d’entreprise de transport. Face à ce terrain nullement balisé, nous nous sommes octroyé la liberté de proposer notre propre démarche méthologique.

Les ports et arrière-pays de la rangée Nord Europe ont été retenus comme terrain d’étude. La rangée (« range » en anglais) correspond à l’unité régionale de base d’un système portuaire. Très utilisée en géographie et en économie portuaire, cette dénomination décrit l’alignement sur le littoral des ports qui assurent l’interface entre une même mer (ou un même océan) et un même espace continental (Lavaud-Letilleul, 2002). Les rangées portuaires s’étendent partout où une côte délimite la mer de la terre. Il est communément admis que l’Europe possède trois à cinq rangées portuaires :

- la rangée de la Méditerranée du Nord ; - la rangée Atlantique ;

- la rangée Nord Europe correspondant au littoral de l’Europe continentale qui s’étend de la Manche à la mer du Nord. A cette rangée sont parfois associées les côtes des Iles britanniques27 d’une part et de la Scandinavie d’autre part.

25 Il a travaillé sur les sites SGS-Thomson à Rousset et Grenobole, sur le technopôle de Lyon-Gerland, le pôle spatial toulousain, le tissu micro-électronique dans l'Aire MétropolitaineMarseillaise, le tissu micro-électronique grenoblois, le bassin transfrontalier de Longwy, le site industriel gazier de Lacq,; la "Plastics Vallée" à Oyonnax

26 Elle a travaillé sur les firmes de l’industrie agroalimentaires des Pays de la Loire

27 Certains auteurs considèrent que les Iles britanniques font partie de la rangée Nord Europe. Il faut donc prêter attention aux différences de contenu de la rangée Nord Europe en fonction des analyses.

La rangée Nord Europe sur laquelle nous focaliserons notre attention est celle ne prenant pas en compte les Iles britanniques et la Scandinavie et que certains appellent également la rangée Le Havre-Hambourg28.

La territorialisation des armements au sein des ports et arrière-pays de la rangée Nord Europe n’est que récente et s’inscrit dans le prolongement d’un processus. Deux grandes périodes nous semblent illustrer les rapports entretenus par les armements de lignes régulières conteneurisées avec les ports et arrière-pays de la rangée Nord Europe. La première prend sa source lors de la constitution en 1965 d’Overseas Container Ltd.29 (OCL) – premier consortium d’armements ayant vocation à transporter des conteneurs en mer – et s’achève en 1994 au moment où le dernier consortium disparaît et que le contexte institutionnel des ports et du transport ferroviaire mute pour prendre la voie de l’ouverture à la concurrence. Cette trentaine d’années sera marquée par la localisation et quelques essais de territorialisation des armements.

L’année 1994, au demeurant anodine, marque un réel tournant dans les rapports entre les compagnies maritimes, les ports et les arrière-pays de la rangée Nord Europe. Cette année-là, les armements Maersk, P&O, Nedlloyd et Sea-Land s’associent pour créer l’opérateur de transport combiné European Rail Shuttle (ERS) qui s’imposera dans les années qui suivent comme le relais ferroviaire de Maersk Line en Europe. Ce n’est certes pas la première tentative d’immixtion des armements dans la mise en œuvre des maillons terrestres depuis les ports de la rangée Nord Europe. Néanmoins, contrairement aux précédentes incursions de P&O, CGM, Hapag Lloyd, Sea-Land ou OOCL, la tentative de Maersk et de ses partenaires n’accouche pas d’un (semi) échec. Au contraire, ERS va non seulement perdurer, prospérer, mais donner le coup d’envoi d’un mouvement de territorialisation impliquant d’autres armements : MSC, la CMA CGM et NYK.

Guidée par la volonté de distinguer ces deux périodes, cette partie introduira dans le chapitre 4 les conditions ayant favorisé, mais surtout freiné, les quelques tentatives de territorialisation des compagnies maritimes dans les ports et arrière-pays de la rangée Nord Europe entre 1965 et 1994. Le chapitre 5 décrira les comportements de territorialisation des armements ayant

28 Notteboom (2007) a ainsi publié un article s’intitulant « spatial dynamics in the container load centers of the Le Havre-Hamburg range ».

pris forme entre 1994 et 2008 et tentera de les hiérarchiser. Pour ce faire, nous braquerons le projecteur sur les formes de coordination, mais aussi sur la composition spatiale des services portuaires et terrestres constitués et sur les volumes traités sur ces services ramenés à la « taille » des armements. Le chapitre 6 analysera les évolutions au sein des territoires et des armements ayant favorisé l’émergence de comportements de territorialisation. Le chapitre 7 complètera cette analyse en appréhendant plus spécifiquement les interactions firme-territoire à l’origine des comportements de territorialisation décrits dans le chapitre 5. Ces différents chapitres apporteront des éléments de conclusion à la discussion de notre première proposition de recherche avançant que les conditions conduisant les armements à adopter des comportements de territorialisation différenciés sont à trouver au carrefour d’une triple insertion composée de l’industrie maritime, de la compagnie maritime et du territoire (port et son arrière-pays).

CHAPITRE 4.

1965-1994 : DE LA LOCALISATION AUX TENTATIVES DE

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