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La prise en compte de la rencontre de la firme et du territoire dans la littérature en transport maritime en transport maritime

INDUSTRIE MARITIME, ARMEMENT ET TERRITOIRE : LES ENSEIGNEMENTS DE LA LITTÉRATURE

2. La prise en compte de la rencontre de la firme et du territoire dans la littérature en transport maritime en transport maritime

Quelques recherches ont eu le souci de rendre compte des conditions du déploiement de comportements stratégiques terrestres variés de la part des armements. Quelques-unes des conditions organisationnelles et institutionnelles participant à l’entrée des compagnies maritimes sur terre ont été brossées (Mc Calla et al., 2004 ; Hayuth, 1987, 1992 ; Archambault, 1989 ; Gouvernal et Daydou, 2005 ; Debrie et Gouvernal, 2006). D’autres travaux (Gouvernal, 2003 ; Midoro et Parola, 2006 ; Parola et al., 2006), en examinant plus spécifiquement la rencontre des compagnies maritimes avec les territoires, ont adopté des approches centrées sur la firme, en soulignant ses rapports aux ports et arrière-pays, sans néanmoins explorer la question de la compétitivité émanant des différents comportements stratégiques adoptés.

2.1. La prise en compte du territoire dans la littérature

Quelques travaux se sont attachés à rendre compte de l’influence des caractéristiques territoriales sur la déclinaison des stratégies des armements à l’échelle des façades portuaires. Ils offrent des enseignements utiles pour notre recherche tout en comportant un certain nombre de limites que nous allons esquisser.

Visant à établir une comparaison internationale, l’article de Mc Calla et al. (2004) cible les trois principales régions pour le transport conteneurisé : l’Asie de l’Est, l’Europe du Nord-Ouest, et l’Amérique du Nord. Les possibilités d’intervention sur terre des compagnies maritimes sont comparées en fonction des caractéristiques des façades portuaires desservies. L’article souligne que l’entrée des compagnies maritimes sur les différents marchés terrestres varie en fonction de la géographie, de la géographie économique des arrière-pays, des infrastructures de transport et des contraintes institutionnelles, et conclut que de cet éventail de différences, les contraintes institutionnelles posent le plus grand défi aux armements voulant élargir leurs compétences sur terre. D’ailleurs, la possibilité de s’accorder entre armements sur les prix des prestations terrestres favorisa le développement de services terrestres dédiés par les compagnies maritimes aux Etats-Unis dès la fin des années 1970 (Douet et Gouvernal, 2004). Les règles du jeu qui encadrent le transport intermodal dans ce

pays sont posées par le Shipping Act de 1984 et ses amendements de 1998. Elles stipulent que le transport de conteneurs de porte à porte est sous le contrôle de l’armateur. Par conséquent, la chaîne porte à porte est considérée comme un tout. En Europe, la situation est différente puisque des armements souhaitant s’entendre sur les taux terrestres doivent demander une exemption à l’article 81 du Traité de Rome qui interdit les ententes sur les prix, l’offre et les aspects techniques. Toutefois si ces contraintes juridiques ne sont pas sans importance, elles ne doivent pas pour autant cacher d’autres conditions favorisant sensiblement l’intervention des compagnies maritimes sur le sol américain.

En considérant une échelle continentale, les travaux de Hayuth (1987, 1992) et Archambault (1989) mettent en lumière les particularités techniques, géographiques et institutionnelles ayant impulsé l’intervention des compagnies maritimes dans le développement de services mer-fer en Amérique du Nord à partir des années 1980 : la nécessité de trouver une solution terrestre pour éviter le passage par le canal de Panama, l’allègement des contraintes institutionnelles permettant à partir du début des années 1980 à une entreprise de transport de contrôler au moins deux modes, la mise en œuvre de trains double-stack sur de longues distances dédiées au fret. Nous y reviendrons dans le chapitre 4.

Dans le cadre de la desserte des ports européens, les travaux de Gouvernal et Daydou (2005) et Debrie et Gouvernal (2006) traitent des formes de coopération entre compagnies maritimes et transporteurs ferroviaires européens. La compagnie maritime ne constitue pas l’élément analysé. Ces travaux portent sur l’ensemble des acteurs de l’industrie maritime : opérateurs de manutention, compagnies maritimes, ports, transporteurs terrestres, etc. Ils montrent comment un contexte libéralisé favorise l’entrée des armements sur le segment ferroviaire.

L’ensemble de ces études a l’avantage de prendre en considération le territoire desservi. Elles montrent que tous les arrière-pays ne sont pas identiquement adaptés à l’intervention des armements sur terre. En revanche, ces travaux appréhendent le territoire de manière exogène à la firme. L’interaction entre l’industrie et le territoire apparaît, mais la firme en tant qu’entité partie prenante, mais autonome, de l’industrie maritime semble sous-considérée. Les approches considèrent les compagnies maritimes comme des entités uniformes. Leur taille, organisation interne, nationalité, relations historiques entretenues avec les territoires ne sont pas réellement prises en considération.

2.2. La prise en compte de la firme dans la littérature

Les études prenant comme élément d’étude une ou quelques compagnies maritimes pour comprendre la manière dont elles déclinent leur stratégie sur terre sont plus rares. La difficulté pour obtenir des informations stratégiques auprès des armements en est une explication. Vellenga et al (1999) comparent la manière dont les firmes American President Companies, CSX/Sea-Land, Tiger International21, Canadian Pacific Limited et Royal Nedlloyd appréhendent le maillon terrestre. L’étude souligne que les firmes souhaitant élargir leurs compétences sur terre doivent disposer d’un ancrage historique substantiel ainsi que d’une flexibilité organisationnelle pour tirer parti d’investissements stratégiques rentables à long terme. En revanche, la rencontre avec le territoire et ses caractéristiques est peu mise en évidence.

Certains travaux sont allés plus loin en considérant une ou quelques compagnies maritimes dans un environnement spatialisé. Traitant de la déclinaison des stratégies des compagnies maritimes au sein des activités de transport et logistique, Midoro et al (2006) établissent une typologie des différents degrés d’intervention des compagnies maritimes sur terre en fonction de facteurs comme le marché d’origine de la compagnie maritime et l’organisation du groupe. Parola et al. (2006) intègrent également la structure de la firme en s’attachant à prendre en compte les caractéristiques du territoire. Ils étudient les conditions d’intégration de prestations logistiques par les compagnies maritimes en Asie de l’Est. Cette recherche considère cependant chaque façade portuaire comme un ensemble territorial pratiquement uniforme. Il est alors difficile de distinguer les différentes manières pour les compagnies maritimes de décliner leur stratégie terrestre, à l’échelle de chaque port et de son arrière-pays.

Gouvernal (2003) étudie les causes et conditions du développement par la CMA CGM d’une filiale de transport combiné rail-route : Rail Link. Cette recherche prend la compagnie maritime comme unité d’analyse. Elle montre en particulier comment l’armement déploie, à l’échelle locale, sa stratégie globale dans des contextes différents : le Royaume-Uni et la France qui ont réagi de manière très différente à la libéralisation du transport ferroviaire.

21 Tiger Corporation est était une entreprise de transport aérien et transport routier qui a été acheté en 1989 par Federal Express (aujourd’hui Fedex)

Même si une seule compagnie maritime est prise en considération et seule son intervention sur l’activité de transport ferroviaire est étudiée, l’article de Gouvernal (2003) a l’avantage de mettre en perspective la déclinaison de la stratégie du groupe CMA CGM sur différents espaces territoriaux constitutifs de la rangée Nord Europe. Aussi souhaitons-nous nous inspirer de la « philosophie » de cette recherche pour constituer notre cadre d’interprétation théorique.

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