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Conditions matérielles et garanties procédurales de lege lata 4 Trois conditions doivent être réunies pour permettre une décision

positive: le détenu doit avoir atteint les deux tiers de sa peine; durant 1' exécution de cette dernière, il doit avoir eu un comportement qui ne s'oppose pas à son élargissement; un pronostic favorable doit pouvoir être formulé quant à son comportement en liberté.

Si les trois conditions en elles-mêmes n'appellent pas de longs commentaires5, les rapports entre la deuxième (bon comportement) et la troisième (pronostic favorable) conditions ont fait l'objet d'un réexa-men à l'occasion du plus récent arrêt de principe du Tribunal fédéral. Ce dernier s'est en effet demandé «si le comportement en détention repré-sente encore un critère indépendant ou s'il n'est pas, selon les circons-tances, un simple élément supplémentaire d'appréciation pour établir le pronostic»6Les doutes exprimés ici annoncent une inflexion nette de la

4 Littérature générale et particulière sur les articles 38,45 et 100 ter CP: ScHULTZH., Einführung in den allgemeinen Teil des Strafrechts, vol.II, Berne, 1982, surtout pp. 61 ss. et 144 ss.; STRATENWERTH G., Strafrecht, Allgemeiner Teil II, Berne, 1989, pp. 86 ss., 350 ss., 374 ss. et 462 ss.; REHBERG J., Strafrecht III, 5ème éd., Zurich, 1989, pp. 33 ss., 86 ss. et98 ss.; STURZENEGGERH., Die bedingteEntlassung im schweizerischen Strafrecht, Zurich, 1954; BoLLE, op. cit. note 2;GRABERM. A., La libération conditionnelle à l'épreuve du fédéralisme, Bulletin crim., 1987, pp. 3 ss.; HANNI H., Die Praxis der bedingten bzw. probeweisen Entlassung aus dem Straf- und Massnahmenvollzug im Kanton Graubünden, Bâle, 1978.

5 Cf. pour le calcul des deux tiers, les dispositions complémentaires contenues dans l'Ordonnance (1) du Conseil fédéral relative au Code pénal (OCP 1; RS 311.01), article 2 al. 5-8.

6 A TF 119 IV 7.

posltwn du Tribunal fédéral vts-a-vis de la jurisprudence7 et de la doctrine8 classiques pour lesquelles les deux conditions ne devaient en aucun cas être mélangées. Ne pouvant, comme il en a manifestement la tentation, effacer complètement la condition du bon comportement, démarche prohibée par le texte clair de l'article 38 CP9, le Tribunal fédéral limite le pouvoir neutralisant du mauvais comportement en prison aux cas dans lesquels ce dernier «porte une atteinte grave au fonctionnement de l'établissement ou à d'autres intérêts dignes de protection» ou «dénote en lui-même une absence d'amendement»10; dans cette dernière hypothèse, la deuxième condition se fond bel et bien dans la troisième.

D'un point de vue formel, c'est l'étendue du droit d'être entendu du détenu qui a retenu le plus 1' attention de la jurisprudence et de la doctrine. Le droit d'être entendu prévu par l'article 38 ch. 1 al. 3 CP est plus large que celui qui découle directement de l'article 4 de la Consti-tution fédérale 11; le détenu doit être auditionné personnellement par l'autorité ou, du moins, par un représentant de cette dernière12

Dans le but d'assurer 1 'égalité de traitement entre détenus qui bénéficient de conseils et détenus qui n'ont pas cette chance, le législateur a prévu que l'autorité compétente (sur le profil de ces autorités, voir le chapitre III) doit se saisir d'office des dossiers des prisonniers qui

7 Cf. ATF 101 lb 152 et, pour un exemple cantonal, AGVE 1984, p. 225.

8 BaLLE, op. cit. note 2, p. 257.

9 La libération est possible entre autres «si le comportement (du détenu) pendant l'exécution de la peine ne s'oppose pas à son élargissement».

to A TF 119 IV 7.

11 BaLLE, op. cit. note 2, p. 262.

12 ATF 109 IV 13; 105 IV 166. Cette jurisprudence a fait l'objet d'une critique judicieuse deMEYER J., L'octroi de la libération conditionnelle: vers un

réaména-gement des compétences et de la procédure?, RSJ 1993, p. 360, liée à l'absence d'immédiateté dans l'hypothèse, admise en l'état par le TF, de l'audition par un délégué de l'organe qui décide de la libération conditionnelle, généralement le secrétaire de la commission. L'auteur dénonce à juste titre les «majorités insuf-fisamment informées». A 1' objection des difficultés pratiques que soulèveraient des auditions systématiques, Meyer répond qu'il faut alors alléger considérable-ment la composition des organes compétents; il défend la thèse d'une «judiciari-sation>> avec l'octroi de la compétence à un juge pénal.

remplissent la condition formelle d'avoir atteint les deux tiers de leur peine.

Conformément à la même logique, la jurisprudence ne reconnaît pas au condamné le droit de refuser sa libération (ATF 101 I b 452). En réalité, comme le démontre cette affaire, le détenu peut contester la décision par le biais des règles de conduite qui lui sont le cas échéant imposées.

En effet, l'autorité a la possibilité- nous verrons qu'à cet égard les pratiques divergent entièrement d'un canton à l'autre- d'imposer au libéré des règles de conduite, qui devront être respectées tout au long du délai d'épreuve durant lequel il conservera le statut de «conditionnel»

et devra se montrer digne de la confiance qui lui est faite. L'institution des règles de conduite, commune au sursis et à la libération condition-nelle, jouit d'un statut autonome vis-à-vis de la décision de libération conditionnelle à proprement parler. «Le choix et le contenu de la règle de conduite doivent s'inspirer de considérations pédagogiques, sociolo-giques et médicales. L'autorité n'est pas libre, et ne saurait notamment concevoir ladite règle comme une peine accessoire ou une mesure de sûreté» (JdT 1982 IV 132

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ATF 107 IV 88). L'infraction commise, qui ne doit en principe pas jouer de rôle dans le cadre de la décision de libération conditionnelle si ce n'est pour permettre d'affiner le pronos-tic13, peut en revanche parfaitement ici entrer dans l'appréciation du Juge.

Dans le même esprit d'accompagnement et d'encadrement de la libération conditionnelle, l'autorité peut également soumettre le libéré au patronage. Il s'agit là d'une institution à vocation double, ce que les deux termes allemands utilisés concurremment pour la désigner -Schutzaufsicht et Bewiihrungshilfe- expriment bien: le patronage est à la fois une mesure d'assistance et de surveillance. Il arrive que ces deux objectifs, en principe complémentaires, entrent en opposition. 14

13 ATF 103 lb 27; 119 IV 8.

14 Une affaire qui, il y a quelques années, fit un certain bruit illustre le conflit d'intérêts auquel sont soumis les travailleurs sociaux. Un fonctionnaire du service du patronage de Bâle-Campagne fut poursuivi pour entrave à 1' action pénale au motif, entre autres chefs d'accusation, den' avoir pas dénoncé un de ses «clients».

Le Tribunal supérieur de Bâle-Campagne procède, dans son arrêt du 12 mai 1987,

L'échec de la libération conditionnelle conduit à la réintégration (art. 38 ch. 4 CP). Il existe deux sortes d'échec: la récidive (art. 38 ch. 4 al. 1) et l'indiscipline, qui se manifeste par le non-respect des règles de conduite, par la soustraction «obstinée» au patronage ou par une attitude qui «trompe la confiance» placée dans le libéré (art. 38 ch. 4 al. 2). La réintégration est obligatoire en cas de nouvelle condamnation sans sursis à une peine privative de liberté de plus de trois mois ou d'indiscipline grave. Elle est facultative dans les autres cas15

2. La rationalisation du processus de libération conditionnelle