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CONDITIONS DE L’ÉTUDE EN ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE

Jacques Ginestié

1. CONDITIONS DE L’ÉTUDE EN ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE

Rentrer dans des questions de recherche par l’analyse des conditions de l’étude, en éducation technologique dans notre cas d’espèce, suppose deux a priori forts :

• il y a quelque chose à étudier en éducation technologique, • il y aurait des conditions d’étude multiples, voire différentes.

Cette entrée s’inscrit dans un ensemble de recherches, au-delà de l’éducation technologique, qui étudient le fonctionnement social des situations scolaires, c’est-à-dire les jeux d’interactions entre les trois acteurs du triangle didactique : l’élève, le professeur et le savoir. Mon propos ici n’est pas de retracer une perspective historique de ce courant de recherches en didactique mais de proposer quelques repères suffisamment marqués. On peut ainsi remarquer le travail de spécification et d’identification qui s’opère dans ce processus d’institutionnalisation scolaire. L’institution scolaire se caractérise comme le lieu de mise en interactions, voire en tension, de ces trois pôles.

Dès lors que l’on souhaite décrire ces interactions, nous sommes confrontés à un problème de méthodologie, méthodologie qui découle bien sûr du cadre dans lequel nous plaçons notre étude. Ainsi, analyser les conditions de l’étude va nous amener à nous intéresser à ce que l’institution scolaire met à l’étude et la manière dont cette étude fonctionne. Ce croisement d’analyse repose sur l’articulation entre tâche et activité :

• la tâche est significative de l’exposition des savoirs mis en jeu dans la situation didactique élaborée par l’enseignant dans le cadre qui lui est fixé (organisations curriculaires, conditions d’exercices, contraintes particulières, etc.) ;

• l’activité est significative du travail effectué par l’élève pour progresser dans la tâche qui lui est assignée par l’enseignant.

Il s’agit de définir un cadre d’analyse qui permet de regarder le fonctionnement d’une situation d’enseignement. Ce sont ces analyses que j’avais conduites dans ma thèse, il y a maintenant plus de dix ans, à propos du GRAFCET (Ginestié, 1992). Le cadre élaboré ne préjuge pas, a priori : • des savoirs mis en jeu, de leur présence ou non et de leur forme scolaire ; • des organisations élaborées par l’enseignant afin d’organiser les

• des activités mises en œuvre par l’élève, activités qui sont induites par l’organisation mise en œuvre pour l’étude.

Le croisement des deux analyses, tâche et activité, permet de caractériser les interactions qui existent entre deux logiques concourantes mais qui peuvent également se révéler concurrentes : la logique d’enseignement et la logique d’apprentissage. La première est une composition de la logique de la discipline et de la logique de l’enseignant. Je ne reviendrai pas sur ces questions des trois logiques, car de nombreux travaux ont montré comment ces logiques s’inscrivent dans des références et des temporalités différentes. De fait, la mise en tension de ces trois logiques dans une institution scolaire peut être regardée de différentes manières ; en ce qui nous concerne, nous ne nous intéressons réellement qu’à ce qui se passe dans une classe. Autrement dit, nous essayons de regarder et d’analyser les effets produits par cette mise en tension (Ginestié, 1996b).

Cette approche permet d’identifier les éléments organisateurs et structurants qui agissent et interagissent dans le processus d’enseignement- apprentissage. Une première distinction dans les deux termes de ce processus va permettre de situer la tâche comme l’expression privilégiée de la logique d’enseignement. Il s’agit d’exprimer simultanément ce qui est en jeu, le contexte, ce qui est attendu et ce que l’élève doit faire pour arriver au bout de la tâche.

En ce sens, la tâche est une expression concentrée de tout un ensemble de valeurs, de modèles, d’éléments de théories, de savoirs qui fondent la discipline en référence et qui identifient l’enseignant dans une population enseignante. L’analyse de la tâche est donc significative de la mise en œuvre d’un programme d’enseignement dans l’intimité particulière d’une classe spécifique.

Elle est également significative des activités qu’elle induit chez les élèves. Les nombreuses analyses, qui portent sur la caractérisation de l’écart entre le prescrit et le réel, montrent toutes qu’une analyse de la tâche prescrite peut permettre de caractériser quelques a priori, qu’ils soient épistémologiques, curriculaires, didactiques ou pédagogiques (Ginestié, Brandt-Pomares, 1998).

En revanche, le passage au réel suppose de mettre en œuvre une analyse de l’activité de l’élève. Sa lecture de la tâche, la façon d’organiser son activité et d’orienter ses actions, ce qu’il prend en considération et ce qu’il ne voit même pas, permettent de caractériser ses processus d’apprentissages. Dans cette perspective, on peut repérer les difficultés qu’il rencontre, la manière dont il les traite, les stratégies adoptées et la planification de ses différentes actions (Ginestié, Andreucci, 1999).

Le croisement tâche-activité permet d’instancier les activités de l’élève aux éléments caractéristiques des tâches. On peut ainsi valoriser les difficultés rencontrées par l’élève et identifier ce qui relève de difficultés inhérentes au contexte (la formulation de la tâche, l’organisation des conditions de l’étude, etc.) et ce qui relève d’obstacles à l’apprentissage (Amigues, Ginestié, 1991).

Analyser les conditions de l’étude en éducation technologique permet de repérer, identifier et caractériser les écarts entre le prescrit et le réel, que ce soit au niveau micro ou au niveau macro. Cela s’inscrit dans une perspective ouverte d’aménagement des conditions de l’étude au travers de l’incidence des organisations didactiques sur les processus de transmission et d’acquisition de savoirs (Amigues, Ginestié, Johsua, 1995).