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LES ANNÉES 80 — NOUVELLES LOGIQUES INDUSTRIELLES/ NOUVELLE LOGIQUES DE FORMATION

Colette Grandgérard

1. LES ANNÉES 80 — NOUVELLES LOGIQUES INDUSTRIELLES/ NOUVELLE LOGIQUES DE FORMATION

Cette période a pour objet central de recherche les évolutions des formations, tant initiales que continues, dans un contexte de nouvelles donnes en matière d’automatisation et de compétitivité internationale (déplacement de la concurrence sur des objectifs de qualité des produits et non plus de quantité). L’analyse qui prévaut, dans les années 80, soutenue par les milieux industriels et nombre de sociologues et économistes est la suivante : une nouvelle étape technologique est engagée dans le système de production sous l’effet des possibilités offertes par les développements de micro-processeurs et cette nouvelle étape prend les contours d’une véritable rupture technologique (Gainsburger, Lafargues, Théolleyre, Coriat). Plus précisément, l’intégration de plus en plus poussée des machines, des technologies, va de pair avec une intégration de plus en plus poussée des fonctions et des services — fonctions désormais interdépendantes de conception, de préparation et de fabrication. Elle va de pair avec de nouvelles organisations du travail, de nouvelles formes de management et une adaptabilité accrue de la main d’œuvre. Les formes que prennent les mutations mettent en cause l’ordre ancien : le taylorisme est au cœur des

interrogations sociales. Le taylorisme fait l’objet de nombreux débats

soutenus notamment par les économistes et sociologues du travail. Deux thèses s’affrontent et dessinent l’avenir selon deux scénarios antagonistes : l’une dominante néo-taylorienne associe évolutions technologiques, banalisation des tâches et déqualification ; l’autre remet en cause l’automaticité du lien entre nouvelles formes d’automatisation et déqualification et fait une large place aux politiques économiques et sociales des entreprises. Selon cette thèse, les organisations du travail, les techniques, et de manière générale l’évolution des processus de production font l’objet de choix de la part des directions d’entreprise.

C’est dans ce second schéma que nous nous sommes situées. Pourquoi cette orientation a-t-elle été la nôtre au début des années 80 alors qu’elle était marginale ? Cette thèse seule posait vraiment le problème de l’avenir des formations en termes d’enjeu notamment pour le niveau ouvrier. Elle était de nature à alimenter en termes neufs la réflexion sur les formations continues et initiales : elle avait un caractère fortement prospectif selon les entreprises qui se situaient dans ce schéma. Une référence au contexte international lui donnait du poids (travaux du Lest notamment).

Si le problème de l’articulation formation initiale-formation continue n’était pas nouveau, les outils méthodologiques pour réaliser cette articulation faisaient défaut (L. Tanguy, 1985). C’est pourquoi nous avons constitué

notre propre cadre de référence théorique en travaillant la relation entre sphère éducative et sphère productive sous l’angle de concepts transversaux aux champs de la formation et du travail. Notre spécificité a été d’appréhender la formation en termes de logique prospective, elle a été de mettre en parallèle « détaylorisation » des formations en relation avec la « détaylorisation » possible des situations de travail et de mettre une forme de contenu à la notion de « détaylorisation » dans le champ des formations. C’est le concept de décloisonnement, transversal aux situations de travail et de formations qui nous a permis d’évaluer dans quelle logique se situaient les entreprises. La mise en œuvre d’une politique de formation cohérente avec une logique de décloisonnement du processus de production repose sur l’intégration horizontale et verticale des différents niveaux de formation, autrement dit l’intégration des contenus de tâches, les nouveaux modes de fonctionnement hiérarchique, l’intégration des machines dans des systèmes techniques sont indissociables de nouvelles politiques de formation pensées sous l’angle de l’intégration des structures, contenus, niveaux de formation.

• Une expérience de formation dans l’informatisation d’une entreprise du tertiaire. Appel d’offres de l’ANACT. Co-publication Honeywell-Bull, INRP, 1979.

• Automatisation et avenir du niveau ouvrier dans le secteur mécanique. Appel d’offres de la Délégation à la formation professionnelle. 249 p. Co-publication N. Bousquet, C. Grandgérard, 1984.

• Évaluation d’une politique sociale spécifique : des entreprises font de la formation de l’ensemble de leur personnel le moteur de leur modernisation. Appel d’offres du Commissariat général du Plan. 250 p. Co-publication N. Bousquet, C. Grandgérard, 1988.

Les outils méthodologiques que nous avons retenus pour aborder la prospective en matière de mutations des formations et du travail sont de divers ordres :

• Dans un premier temps, nous avons réuni un groupe multipartenaires afin de clarifier des discours contradictoires relatifs à la prospective dans le domaine des formations et des mutations socio-économiques (étude sur l’automatisation et l’avenir des formations de niveau ouvrier dans le secteur mécanique, 1984), C’est l’émergence de nouvelles logiques industrielles et la cohérence entre ces nouvelles logiques industrielles et les nouvelles logiques de formation qui constituent l’apport essentiel du groupe.

• Dans un deuxième temps, nous avons procédé par des enquêtes en milieu industriel à un approfondissement de la logique non-taylorienne. Nous avons procédé à une analyse des dispositifs de formation continue créés dans des entreprises dont le projet de modernisation affichait la volonté

d’articuler politique sociale et politique économique. Nous avons questionné les discours « non tayloriens » des directions d’entreprise et confronté les discours affichés aux pratiques de formation continue (étude sur Évaluation d’une politique sociale spécifique).

À la lumière de ces travaux, il apparaît que l’objectif de « détaylorisation » porté par des directions d’entreprise renvoie à un consensus de surface. Les pratiques de formation continue s’organisent selon deux pôles :

• Un pôle qui matérialise la rupture par rapport au taylorisme. La formation, véritable épine dorsale de la modernisation, a pour soubassement l’élévation du potentiel d’une majorité de personnels en vue de l’intégration des tâches et des nouveaux rapports de travail.

• Un pôle qui maintient le taylorisme sans le reproduire à l’identique. Contrairement au discours affiché, il n’y a pas mobilisation des intelligences mais « fluidification du potentiel humain ». Les objectifs de flexibilité induisent de nouvelles formations destinées à l’ensemble des personnels et fondées sur le décloisonnement mais sans remettre en cause le taylorisme.

2. LES ANNÉES 90. L’ALTERNANCE DANS LE CHAMP DE