• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Les concours de musique internationaux

2.3 Les spécificités et le fonctionnement des concours

2.3.1 Le concours de Genève

Le premier concours à Genève a lieu en 1939 sous le nom de Concours International d'Exécution Musicale (CIEM). Il est l'un des membres fondateurs de la Fédération mondiales des concours internationaux de musique (FMCIM), dont le siège est aussi à Genève. Le concours de Genève a été fondé par Henri Gagnebin, alors directeur du conservatoire de Genève et par Frédéric Liebstoeckl, musicien viennois établi à Genève. Ce dernier conduit le concours en tant que secrétaire général pendant quarante années jusqu’à sa mort en 1979. Franco Fisch lui succède jusqu’en 1998. Didier Schnorhk est actuellement le troisième Secrétaire général du Concours de Genève.

Le concours de Genève est pluridisciplinaire depuis ses débuts. Il met à l’honneur, en alternance, le piano et le chant, accompagné d’une discipline secondaire parmi les suivantes: violon, alto, violoncelle, flûte, hautbois, clarinette, cor, trompette, trombone, percussion et quatuor à cordes. Depuis 2009, il intègre également un concours de composition qui a lieu tous les deux ans. Annuel jusqu’en 2011, le concours d’interprétation devient bisannuel à partir de cette date. Les années impaires sont consacrées au concours de composition, les années paires étant consacrées aux concours d’interprétation. Nous reviendrons sur les raisons de ce changement plus loin dans ce chapitre.

Les épreuves du Concours de Genève sont précédées d’une présélection sur DVD depuis 2009. Ceci a été rendu nécessaire par l’augmentation du nombre des candidats. En 2008, 190 candidats se sont présentés aux épreuves de clarinette, ce qui a engendré un planning très serré avec des éliminatoires où les candidats avaient cinq minutes pour faire leurs preuves. Pour l’édition 2009, 37 chanteurs et 44 percussionnistes ont été retenus après les présélections.

En 2009, les épreuves du concours de chant se déroulent en quatre étapes (après la présélection). Le programme de la première épreuve consiste en un air du 17ème ou 18ème siècle et un air d’opéra. A l’issue de celle-ci, 17 personnes sont admises à la deuxième épreuve (récital 1). Le programme du récital 1 comprend un air

d’oratorio ou une mélodie orchestrée ainsi que deux airs d’opéra (un des airs doit avoir été composé après 1950).

Dix personnes sont ensuite sélectionnées pour participer au récital 2 (demi-finale), dont le programme est complètement libre. Le récital 2 sélectionne six candidats admis à passer en finale.

La finale, enfin, consiste en un air d’oratorio ou un Lied orchestré et un air d’opéra ou deux airs d’opéra. La finale de chant a eu lieu au Grand-Théâtre de Genève et les finalistes sont accompagnés par l’Orchestre de la Suisse romande.

L’édition de la deuxième discipline (en 2009, la percussion) se déroule au même moment que l’édition de chant. Pour la discipline secondaire, le Concours de Genève commande une ou plusieurs œuvres nouvelles à des compositeurs suisses et étrangers. Il s’agit de trois œuvres nouvelles en 2009 : un morceau pour multi percussion à Alin Gherman (compositeurs belge étudiant dans la classe de Xavier Dayer au Conservatoire de Berne), un morceau pour clavier et électronique à Robert Pascal (compositeur français établi à Lyon) et un morceau pour vibraphone, percussion et ensemble avec voix solistes à Eric Gaudibert (compositeur suisse et président de la commission artistique du Concours). La première épreuve du concours consiste en une pièce brève pour clavier et le morceau imposé écrit par Alin Gherman. A l’issue de cette première épreuve, quinze candidats sont retenus pour passer au récital 1. Le programme de cette épreuve est le morceau imposé de Robert Pascal et une pièce au choix pour clavier et électronique ou multi-percussion et électronique. Le jury sélectionne ensuite sept candidats pour passer au récital 2 dont le programme est entièrement libre. Pour la finale, trois candidats sont sélectionnés qui devront jouer la pièce imposée d’Eric Gaudibert, le reste du programme étant libre. La finale de percussion s’est déroulée au Bâtiment des forces motrices et les finalistes sont accompagnés de l’Ensemble Contrechamps (ensemble de musique contemporaine). Les autres finales de la discipline secondaire ont lieu généralement au Victoria Hall et les finalistes sont accompagnés de l’Orchestre de chambre de Genève.

Pour les deux disciplines sont ensuite décernés trois prix officiels. Notons que, dans certains concours, le jury ne décerne pas forcément tous les prix s’il estime qu’aucun candidat ne mérite cette récompense. C’est le cas du concours de Genève. Il n’y aura ainsi pas de premier prix pour l’édition percussion, ni de troisième prix, mais deux deuxièmes prix ex aequo décernés à Rémi Durupt et Yu-Ying Chang. Alexandre Esperet, le troisième finaliste, n’obtient aucun prix officiel alors qu’il était pourtant le favori du public autant que du jury. Il ne s’attendait pas à aller aussi loin et a manqué de temps de préparation pour les pièces de la finale, dit-il à la presse. Le jury l’a donc sanctionné en ne lui décernant pas de prix officiel, ce qui provoqua un scandale7 dans le public. Alexandre Esperet obtiendra, en effet, le prix du public8.

De manière plus radicale, le premier et le deuxième prix ne seront pas décernés en 2011 (édition chant), le jury estimant qu’aucun des finalistes n’avait le niveau nécessaire. Seul un troisième prix ex-aequo, le prix du public ainsi que trois prix spéciaux seront attribués9.

7 « La percussion divise jury et public » titre le journal Le Temps quelques jours après la finale : « Le concours de Genève se prend-il pour une diva? Les exigences sont-elles trop folles? (...) “Mais pour qui se prennent-ils?, s’échauffe ce spectateur. Dans les autres concours internationaux, le jury décerne régulièrement un 1er Prix, mais à Genève, le Concours se ridiculise avec des critères de sélection hors proportions” » (Sykes, 2009). Quelques jours plus tard, le secrétaire général du Concours de Genève « se venge » lors de la proclamation des prix de la finale de chant du même concours durant laquelle Polina Pasztircsak remporte à la fois le premier prix et le prix du public. Le journal iste du Temps rapporte alors les paroles du secrétaire général du concours lors de la cérémonie de remise des prix : « Vous voyez, le public et le jury sont souvent d’accord ! Simplement, les oreilles des experts perçoivent quelquefois des choses que les auditeurs n’entendent pas » (Pulver, 2009).

8 Les spectateurs reçoivent un formulaire au début de la finale sur lequel ils doivent indiquer le finaliste qu’ils ont préféré. Ils doivent ensuite remettre ce formulaire dans une urne à l’issue de la finale. Les formulaires sont ensuite comptés par l’équipe du concours et le finaliste obtenant le plus de voix, reçoit le prix du public.

9 Le journaliste du Temps rapporte: « Le jury s’est-il montré trop dur? Non. Des cinq candidats parvenus à ce stade, aucun n’a démontré une réelle homogénéité entre qualités techniques, force de personnalité et intelligence du répertoire. (...)

“Lors des présélections, le niveau nous a semblé satisfaisant, note Didier Schnorhk, secrétaire général du concours. Ce qu’il a manqué surtout ce sont des

Tableau 4 : Prix du concours de Genève, chant 2009 la meilleure candidate de la tessiture de contralto) : 3.000 SFR

individualités qui sortent du lot”. Reste qu’en gardant les deux premiers prix hors d’accès, le jury envoie un signal clair. “Je crois que le monde du chant a cruellement besoin de musiciens, pas seulement d’interprètes orientés exclusivement vers l’opéra, la puissance, la performance. Cette année, les candidats se sont montrés incapables de faire des choix de répertoire réfléchis, en accord avec leurs possibilités et leurs personnalités. Je le déplore, et je comprends parfaitement la décision du jury” » (Pulver, 2011).