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Chapitre 2. Les concours de musique internationaux

2.4 Des concours en concurrence

2.4.2 Les concours « Awards Giver »

Les concours appelés « Awards Giver » (concours Reine Elisabeth à Bruxelles, concours de Genève, concours de l'ARD à Munich) sont très souvent pluridisciplinaires et ont lieu chaque année. Ils ont donc moins de temps pour promouvoir leurs lauréats, mais ils collaborent avec des agences de concerts qui font ce travail. Ils n'ont, par contre, pas la même structure que les concours

« Career Starter » pour promouvoir la carrière de leurs lauréats. Cependant, et à la différence des concours plus jeunes, ils peuvent se référer à leur passé et à leurs lauréats, qui sont devenus des musiciens renommés dans le monde entier (par exemple, Vadim Repin, David Oistrakh, Leonid Kogan pour le Concours Reine Elisabeth ; Martha Argerich, Friedrich Gulda, Maurizio Pollini pour le Concours de Genève ; pour le Concours de l'ARD, Thomas Quasthoff, Yuri Bashmet et Heinz Holliger, entre autres).

14 Le nombre de concours a augmenté mais il est aussi nécessaire pour les concours de se développer et de réaliser qu’avec autant de concours et un marché de la musique classique qui se rétrécit, nous allons finir avec plus de concours, plus de lauréats et un marché qui devient plus petit. C’est pourquoi je pense que les concours doivent penser à la responsabilité qu’ils ont envers leurs jeunes lauréats. Vous pouvez constater que certains concours ont décidé de devenir agents de leurs lauréats afin de les aider à démarrer leur carrière. Je pense qu’en 1950 ou 1960, au début de la Fédération mondiale, il était relativement facile, ce n’est jamais facile, mais c’était relativement facile quand vous gagniez un concours et les lauréats avaient l’opportunité d’obtenir beaucoup de concerts. Il n’était pas nécessaire pour les concours d’être agents, d’être impliqués dans la promotion d’un artiste ou dans la présentation d’un artiste.

Aujourd’hui, c’est important.

Or, face à l’augmentation incessante de nouveaux concours, les concours

« Awards Giver » doivent eux-mêmes s’adapter et intégrer ces nouvelles formes d’encadrement des lauréats afin de rester compétitifs dans le système. Ils ne peuvent plus uniquement se référer à leur passé et à leurs lauréats prestigieux.

Dès qu’une innovation est lancée par un concours, les autres concours s’empressent de l’imiter, provoquant une certaine homogénéisation et standardisation des concours. Voici ce que dit, par exemple, le secrétaire général du concours de Genève à propos de l’instauration de la tournée européenne des lauréats en 2011 (avec les lauréats du concours 2010) :

C’est de mettre le concours de Genève à la place qui lui revient, c’est-à-dire une des premières. C’est de montrer en Europe, et peut-être un jour dans le monde entier, que le concours de Genève est toujours un des meilleurs concours au monde comme il l’a été depuis le début. Dans le monde concurrentiel des concours de musique - la même concurrence que dans n’importe quelle autre activité culturelle ou économique - il faut évidemment se montrer, être présent dans les endroits qui comptent. (Le Journal, 2011)

Nous l’avons vu, le concours en question est pluridisciplinaire depuis ses débuts.

Jusqu’en 2011, il mettait à l’honneur, en alternance, le piano et le chant, accompagnés à chaque fois d’une discipline secondaire parmi les suivantes:

violon, alto, violoncelle, flûte, hautbois, clarinette, cor, trompette, trombone, percussion et quatuor à cordes. En 2003, le concours de Genève se dote d’un programme de soutien aux lauréats. En 2009, il intègre également un concours de composition qui a lieu tous les deux ans. Ce concours de composit ion était alors en faillite et l’intégration dans le concours de Genève lui a permis de survivre. En 2011, le concours annonce, à travers un communiqué de presse, un renouvellement en profondeur de son mode de fonctionnement : le concours d’interprétation devient bisannuel. Les années impaires sont consacrées au concours de composition et à une série de concerts faisant jouer d’anciens

lauréats du concours de Genève, les années paires étant consacrées aux concours d’interprétation. Le communiqué de presse annonce également l’amélioration du programme du suivi des lauréats à travers différentes mesures : tournée des lauréats, deux ans de service d’agence de concert, offres d’engagement, concert des lauréats à Genève, promotion médiatique et nouvelle série de concerts. Ces améliorations sont clairement mises en lien avec une évolution du marché musical et l’exigence pour les lauréats d’investir dans le prix remporté.

Extrait du communiqué de presse du Concours de Genève, 2011 :

Les jeunes musiciens sont confrontés aujourd’hui à un monde musical très exigeant. Pour lancer sa carrière et se faire une place sur la scène internationale, il ne suffit plus de remporter un prix, il faut aussi savoir capitaliser ce prix. L’artiste doit veiller à son image, savoir « se vendre » dans un monde toujours plus désormais aussi outremer, et bénéficiera d’une plus grande promotion médiatique. En 2013, nous prévoyons des concerts à Genève, Paris, Bruxelles, Berlin, Munich et New York.

Deux ans de service d’agence de concert : Grâce au soutien de la Loterie Romande, le Concours de Genève a développé depuis 2002 un partenari at avec l’agence de concerts ProMusica Genève. Plus qu’une garantie d’obtenir une chaîne d’engagements et outre les concerts déjà prévus avant chaque Concours pour les futurs vainqueurs, le principe de cette collaboration repose principalement sur un travail de promotion des lauréats après leur victoire (suivi de carrière, coaching et conseils personnalisés).

Offres d’engagements : toujours en collaboration avec l’agence de concerts ProMusica, le Concours de Genève s’engage à soutenir ses lauréats durant deux années, auprès des organisateurs et producteurs de concerts, des orchestres et des festivals, leur donnant ainsi la possibilité de faire leurs premiers pas sur les scènes musicales suisses et internationales.

Concert des Lauréats à Genève : chaque année depuis 2003, les lauréats de l’année précédente sont invités pour une rencontre musicale d’exception à Genève, grâce au soutien de l’Association des Amis du Concours de Genève. Un moyen pour les lauréats de développer leur répertoire et de jouer les uns avec les autres.

Promotion médiatique : le Concours de Genève s’efforce de promouvoir ses artistes au travers des médias. Des montants sont prévus au budget des prochaines années pour mettre sur pied un projet de diffusion des épreuves sur Internet. Il s’agit de mener de front à la fois la diffusion en streaming des épreuves et le suivi des lauréats au travers de leurs pérégrinations, engagements, concerts.

Nouvelle série de concerts : les années impaires, alors que la discipline du Concours sera le Prix de Composition, nous prévoyons d’organiser une série de concerts dédiés aux lauréats du Concours de Genève. La longue liste de lauréats nous permet d’entrevoir de très belles possibilités de concerts, avec des artistes de très grand renom.

En analysant la dynamique du prestige, Wouter de Nooy (2002) relève que le prestige des artistes est étroitement relié à celui des institutions artistiques. Les artistes n’ont pas une carrière standardisée mais leur carrière évolue dans une série d’affiliations à différentes institutions artistiques nécessitant l’introduction d’une mesure dynamique du prestige. On peut ici retenir l’interdépendance entre les deux dimensions du prestige, celle de l’artiste et celle de l’institution. Dans cette optique, les artistes et les institutions ont des carrières, ce qui nous semble être bien illustré par les interdépendances entre les concours et leurs lauréats.

2.4.3 L’interdépendance entre les carrières des concours et celles des