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Conclusion partielle : contribuer au développement du respect ?

3. CHAPITRE TROISIÈME : CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT DU RESPECT

3.5 Conclusion partielle : contribuer au développement du respect ?

Dans ce chapitre, j’ai appliqué la grille de lecture élaborée précédemment à propos du respect pour repérer, dans chaque étape du programme de philosophie pour enfants, des

284 Nadia Stoyanova Kennedy, « Community of Inquiry as a Communicative System : Respecting Complexity », dans Eva Marsal (édition), Respect : How Do We Get There?, LIT Verlag, Berlin, 2013, p. 137-144.

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contributions possibles au développement de celui-ci. Cette grille de lecture a mis en évidence le rôle d’un grand nombre de contributions possibles : des croyances, des dispositions, des savoir-faire, des valeurs. Par elle-même, elle ne me permet cependant pas d’être plus précis : différentes croyances, différentes dispositions, etc., sont toutes susceptibles de contribuer au développement du respect. Mon analyse du programme de philosophie pour enfants a donc dû se faire en recherchant des intermédiaires : en identifiant des connaissances précises, des dispositions précises, etc., qui sont susceptibles à la fois de participer au respect, et d’être développées par la philosophie pour enfants. En observant l’une après l’autre les différentes étapes de la mise en place d’une communauté de recherche philosophique, j’ai repéré un certain nombre de contributions possibles. J’ai énoncé ces contributions sans ordre particulier ; aussi, il convient de les rappeler en tentant sommairement de les classer en fonction du type de respect auxquelles elles se rattachent. Je reprends donc à la page suivante le tableau présenté en introduction, enrichi des découvertes de ce chapitre.

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J’ai montré que la communauté de recherche, en donnant aux participants l’occasion de se voir et de se reconnaître les uns et les autres comme étant semblables – en particulier du point de vue des vulnérabilités et du point de vue des idées – est susceptible de développer une disposition à l’empathie, qui est très proche du respect. Par la mise en lumière et la

Tableau IV : Contributions de la philosophie pour enfants au développement du respect Type de

respect Ce qui contribue à le développer Contributions de la philosophie pour enfants Comme

sentiment

• Attribuer une valeur éminente à un objet

• Reconnaître en soi et en l’autre une personne

Comme disposition

• Par des actions répétées, développer une disposition qui mène à des comportements respectueux

• L’empathie • La tolérance • L’estime de soi

• La métacognition (distinguer la personne et ses idées)

• Résistance aux stéréotypes Comme

action

• Connaître les actions précises qui sont reconnues comme

respectueuses

• Pratiquer des actions considérées comme respectueuses

• Valoriser des actions considérées comme respectueuses

• Pratiquer les règles nécessaires à la recherche en commun

Comme position

• Valoriser la relation de respect • Développer un savoir-faire

complexe, ce qui inclut : o des connaissances

o des savoir-faire

o de l’autocorrection

o de la créativité

o une sensibilité au contexte

• Valoriser la coopération

• Mieux connaître ses propres valeurs

• Reconnaître la violence • S’écouter soi-même • Savoir-écouter • Le respect des idées • Savoir-dialoguer • L’autocorrection • La persévérance • La créativité

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valorisation des différences, elle développe la tolérance. Elle développe l’estime de soi et des autres, entre autres en faisant voir que le fait d’être une personne douée de raison et de projets a une valeur éminemment importante. Aussi, elle tend à faire distinguer une personne de ses idées, de manière à respecter les deux de la manière qui convient. Elle dispose à travailler avec la complexité, de manière à dépasser les préjugés. En montrant la valeur d’une entreprise collective, elle tend à faire valoriser la coopération et les normes qui rendent celle- ci possible, et donc le respect. Enfin, elle aide les personnes à être plus respectueuses d’une foule de manières : en leur faisant mieux connaître leurs propres valeurs, en permettant de mieux reconnaître la violence, en faisant pratiquer l’écoute et le dialogue, et finalement en développant des dispositions aussi fondamentales que la créativité, la capacité à s’autocorriger et la persévérance.

Pour justifier chacune de ces affirmations, je me suis appuyé sur les analyses – somme toute sommaires – que j’ai élaborées au premier chapitre pour identifier ce qui contribue à faire apparaître le respect selon les différents types identifiés. Pour repérer ce qui est susceptible de produire un sentiment de respect, j’ai recherché les choses qui sont présentées en communauté de recherche comme ayant une valeur éminente. J’ai surtout remarqué que la personne humaine y tient ce rôle, avec son potentiel de connaissance et d’action sur le monde. Pour repérer les dispositions qui contribuent au respect, j’ai observé les dispositions dont on dit qu’elles sont développées par la pratique philosophique en communauté (l’empathie, la tolérance, l’estime de soi, etc.), pour ensuite choisir celles qui m’ont paru pouvoir contribuer au développement du respect. En ce qui concerne le respect pensé comme une action, j’ai dû m’en tenir au fait de pratiquer et de valoriser des normes ; ce sont donc les normes propres à la communauté de recherche philosophique qui sont apparues pertinentes. Enfin, pour ce qui est du respect pensé comme une relation produite par les actions d’une personne, sa définition m’a permis de mettre en lumière plusieurs dimensions inédites du respect : le rôle des connaissances, des habiletés et des dispositions qui concourent à rendre une personne apte à produire les résultats qu’elle désire. J’ai donc premièrement identifié les motivations qui peuvent pousser une personne à rechercher des relations respectueuses – en particulier, la valorisation de la coopération et de la vie en collectivité –, avant de montrer de quelle manière une personne est susceptible de mieux respecter, dès lors qu’elle connaît

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mieux ses propres valeurs, qu’elle reconnaît la violence, qu’elle sait s’écouter elle-même tout comme les autres, qu’elle est apte au dialogue, etc.

Je ne peux m’empêcher, en terminant ce chapitre, de remarquer quelques pistes d’amélioration. Encore bien du travail reste à faire pour que ce chapitre gagne la clarté que j’aurais aimé lui donner. L’essentiel des imperfections me semble provenir d’une analyse encore insuffisante du rapport entre les dispositions, les savoir-faire et les connaissances. Pour ne donner qu’un seul exemple, prenons le cas de « mieux connaître ses propres valeurs ». Je l’ai classé parmi les connaissances qui servent un savoir-faire complexe, parce que c’est précisément le contenu de cette connaissance qui sert ici au respect. Pourtant, on pourrait tout autant dire que c’est un savoir-faire, puisqu’une personne peut pratiquer certaines actions qui la mèneront à mieux reconnaître ses valeurs. On pourrait aussi dire que c’est une disposition, dans la mesure où une personne peut être plus ou moins disposée à performer les actions nécessaires pour clarifier ses valeurs. À cela s’ajoute un deuxième problème : certains savoir-faire (ex. écouter) et certaines dispositions (ex. l’empathie) contribuent directement au respect, alors que d’autres (ex. savoir-dialoguer et la créativité) y contribuent indirectement, en participant à ce savoir-faire complexe propre au respect comme position. La relation entre ces différentes possibilités reste encore vague, et mes justifications souffrent de cette imprécision.

Selon l’analyse présentée dans ce chapitre, il apparaît que la philosophie pour enfants contribue au respect principalement en développant des dispositions respectueuses telles que l’empathie, la tolérance et l’estime de soi, et en donnant aux participants les outils qui peuvent servir à produire des relations respectueuses. Bien évidemment, les dispositions et savoir- faire reliés à la dimension collective de la communauté de recherche – l’estime de soi et des autres, l’écoute, etc. – sont particulièrement susceptibles de contribuer au développement du respect, en participant à l’empathie, la tolérance, la coopération, etc. Il est cependant remarquable que les savoir-faire et dispositions cognitives y participent aussi : être capable de nuancer (en particulier, la conception de la violence), de résister aux préjugés, de s’autocorriger, de persévérer dans la recherche d’alternatives, cela contribue aussi au respect.

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