• Aucun résultat trouvé

La maturation théorique, la démarche méthodologique et, avec elles, le choix d’un terrain d’étude adapté à notre problématique, nous ont apporté, sur le plan personnel de nombreuses satisfactions. Le mémoire de recherche est une entreprise individuelle qui a su nous inculquer, autonomie, patience et persévérance.

Cette expérience de recherche nous permettra, à l’avenir, de nous prémunir de biais méthodologiques. En effet, des limites sont à apporter à ce travail. Le nombre d’entretiens aurait pu être étoffé, afin de fournir une analyse plus rigoureuse. D’autres communes d’étude, plus ancrées dans le Sud-Manche, auraient pu être mobilisées. Cependant, au vue du temps imparti, nous avons préféré envisager un travail à plus grande échelle, ce qui nous a permis d’avoir une démarche méthodologique réalisable dans de bonnes conditions. Aussi, revenons synthétiquement sur les différentes phases de notre démarche afin d’en tirer les leçons plus générales et au sujet de l’élevage laitier du Grand-Ouest.

L’orientation prise par la PAC depuis le milieu du 20ième siècle, a poussé

l’agriculture européenne vers le productivisme et la performance économique. La PAC protectrice a connu des déboires, avec les crises de surproductions agricoles. Elle a répondu par la mise place les quotas laitiers (1984). La « nouvelle PAC libératrice » connaît aujourd’hui, en France, une profonde remise en question, autour des mêmes interrogations des surproductions européennes. Les Etats européens ne protègent plus leurs agricultures. Elles se trouvent en prise directe avec la réalité du marché. La crise laitière, ajoutée à la contractualisation des quotas, met en germe une restructuration importante de l’élevage. Outre « l’hémorragie démographique » que connaît l’agriculture, le producteur laitier français est remis en question. L’éleveur moyen, du Sud-Manche, n’est pas aussi compétitif que ses voisins d’Europe du Nord. Bien qu’hyperspécialisé, autour d’un système cultural et d’une gestion foncière atypique, il doit trouver son chemin dans ce contexte libéral mondialisé. Qu’elles sont alors les premières stratégies d’adaptation des éleveurs laitiers ?

Au vu de la première phase d’analyse réalisée, il apparaît que ces stratégies d’adaptation sont largement influencées par le contexte. La contractualisation, la position des laiteries ou encore la crise du lait sont autant de variables, qui redistribuent les cartes en matière d’adaptation, au système regretté des quotas. Aussi, le schéma ci-dessous, essaie de synthétiser le rapport entre le contexte et l’adaptation des éleveurs.

129 Ugo Legentil – Mémoire Face au changement du cadre de l’offre, les entreprises de collectes et de transformation ont pris la main. Elles décident du transfert des volumes. Ainsi, elles choisissent la future géographie de l’élevage laitier. A priori, la concentration de la production, dans l’Ouest de la France, est à privilégier. Les investissements des laiteries témoignent de cette volonté de restructuration autour des zones déjà très productives. Dans cette perspective, le Sud-Manche peut tirer son épingle du jeu, à condition que la pression agricole (et foncière) diminue, et que les coûts d’équilibre soit revus à la baisse. Le modèle de grande exploitation hautement productrice est à envisager. Nous assistons à une restructuration dans les zones les plus productives au dépens des « marges », c’est-à-dire à un double mouvement de concentration/ disparition, sur le territoire français.

130

L’adaptation des éleveurs laitiers est plurielle. Cependant, retenons que les systèmes aujourd’hui les plus résistants sont, d’un côté les grosses structures innovantes, assises sur des investissements conséquents. De l’autre, les structures relativement petites qui travaillent depuis plusieurs années, sur la maîtrise des coûts et l’optimisation du système de production. Ainsi, nous allons, pour les premières, vers une spécialisation et une intensification accrues. Pour les secondes, nous nous orientons vers des systèmes résilients, qui pratiquent une agriculture raisonnable et raisonnée. Assistons-nous alors à une dualisation de l’élevage laitier ? (Cf. Fig. 25, ci- après).

Aujourd’hui, certains éleveurs n’ont pas les moyens d’évoluer. Ils pourront s’orienter, dans un premier temps, dans la voie de la diversification. A moyen terme, il ne serait pas surprenant de voir ces systèmes abandonner le lait et/ou progressivement quitter le monde de l’élevage.

Nous allons donc, vers un futur précaire, tant pour les éleveurs que pour les territoires où se concentre la production laitière. Le marché et les entreprises privées sont devenus co-gestionnaires des producteurs de lait. Par leur biais, ils gèrent nos paysages, nos dynamiques de société. L’élevage est aujourd’hui clairement dirigé dans la voie de la concentration et de l’intensification. Les territoires, quant à eux, s’orientent vers la spécialisation. Le Sud-Manche dans quelques années, ne sera-t-il qu’un vaste plateau de maïs fourrage ? Les vaches n’auront-elles pas gagné leurs confortables logettes, 24h/24, au détriment des pâturages ?

Nombre de questions inquiétantes et d’intérêts géographiques se posent alors à nous. Les idéologies sous-jacentes, au développement de l’agriculture, ont elles le pouvoir de décider de l’avenir de la structuration de l’espace ? Le consommateur- citoyen se satisfait-t-il de cet avenir précaire et d’oppression ?

A l’avenir, ces problématiques feront peut-être échos à d’autres sujets de recherches, au sein de la Géographie Sociale et au-delà.

131 Ugo Legentil – Mémoire

Fig. 30 : :

Fig. 31 : Retour du tracteur au silo, premier ensilage de maïs, Saint-Jean-des-Champs.

132

BIBLIOGRAPHIE

 Ouvrages

Assemblée nationale, Mars 2016, « Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et

à la modernisation de la vie économique », n°3623, p. 216.

Bermond M., 2004, Produire et se reproduire dans la crise. Agriculture, familles, exploitations en Normandie au début

du XXIème siècle. Essai de géographie sociale (thèse), UFR de Géographie, Université de Caen-Basse

Normandie, Caen, p. 463.

Bertin J. (aut.), Barbut M. et al (coll.), 1967, Sémiologie graphique, éd. Mouton – Gauthier-Villars., La

Haye, p. 431.

Blanchet A., Gotman A. et Singly F. (dir.), 1992, L’enquête et ses méthodes, éd. Nathan, Paris, p. 125. Bourdieu P., 2002, Le Bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, éd. Points Essais, Paris, p. 382. Bureau J.-C., 2007, La politique agricole commune, éd. La Découverte, Paris, p. 122.

Chapuis R., Brossard T., 1986, Les Ruraux français, éd. Masson, Paris, p. 225.

Delorme H., 2004, La politique agricole commune, éd. Presses de Sciences Po, Paris, p. 402.

Durkheim É., Dubet F., 2007, Les règles de la méthode sociologique, éd. Presses universitaires de France, coll.

« Quadrige Grands textes », Paris, p. 144.

Duterque C., 1987, L’adaptation et l’organisation des exploitations. L’exemple du Sud-Manche, Mémoire de

Maîtrise de Géographie, UFR des Sciences de la Terre et de l’Aménagement Régional (STAR), Université de Caen, Caen p. 130.

Fatout M., 2005. La pluriactivité agricole. L’exemple du Sud-Manche, Mémoire de master 2 recherche, UFR de

Géographie, Université de Caen Basse-Normandie, Caen, p. 158.

Frémont A., 2008, La région, espace vécu, éd. Flammarion, Paris, p. 288. Frémont A., 1981, Paysans de Normandie, éd. Flammarion, Paris p. 297.

Frémont A., 1977, Atlas et géographie de la Normandie, éd. Flammarion, Paris p. 310. Frémont A., Malon C., 2015, Paysans de Normandie aujourd’hui, éd. Orep, Bayeux, p. 160.

Hérin R., 2013, Chemin faisant, parcours en géographie sociale, éd. Presse Universitaire de Caen, Caen, p. 372. Hervieu B., Viard J., 2005, L’archipel paysan, éd. De L’Aube, La Tour d’Aigues, p. 121.

Juillet P., 2000, Dictionnaire de psychiatrie, éd. Conseil international de la langue française, Paris p. 415. Kaufmann J.-C., Singly F. (dir.), 2011, L’entretien compréhensif, éd. Armand Colin, Paris, p. 127. Le Roy P., 1994, La Politique Agricole Commune, éd. Economica, Economie Poche, Paris, p. 112.

133 Ugo Legentil – Mémoire

Madeline P. (dir.), 2012, Géographie rurale et interdisciplinarité, éd. Presses universitaires de Caen, Cahiers de

la Maison de la recherche en sciences humaines de l’Université de Caen-Normandie, Vol. 53, Caen, p. 208.

Madeline P. et Moriceau J.-M. (dir.), 2006, Acteurs et espaces de l’élevage en France (XVIIe-XXIe siècle) :

évolution, structuration, spécialisation, éd. Bibliothèque d’histoire rurale, Rennes, p. 328.

Margetic C., Bermond M., Jousseaume V., Marie M., 2014, Atlas des campagnes de l’Ouest, éd. Presses

universitaires de Rennes, Rennes, p. 299.

Marie M., 2009, Des pratiques des agriculteurs à la production de paysage de bocage. Étude comparée des dynamiques et

des logiques d’organisation spatiale des systèmes agricoles laitiers en Europe (Basse-Normandie, Galice, Sud de l’Angleterre)

(thèse), UFR de Géographie, Université de Caen-Basse Normandie, Caen, p. 519.

Musset R., 1926, « Les genres de vie anciens du Bocage normand et leurs survivances », in Bulletin de

l'Association de géographes français, n°10, 3e année, Paris, pp. 5-7.

Musset R., 1960, La Normandie, éd. Armand Colin, Paris, p. 220.

Pflimlin A., 2010, Europe laitière valoriser tous les territoires pour construire l’avenir, éd. France Agricole., Paris,

p. 320.

Preux T., 2012, De l’agrandissement des exploitations agricoles à la mutation des paysages de bocages, Etude des

conséquences paysagères et environnementales de la transformation des structures agricoles en Basse-Normandie, Mémoire

de master 2 recherche, UFR de Géographie, Université de Caen Basse-Normandie, Caen, p. 185.

Ricard D. (dir.), 2013, Les reconfigurations récentes des filières laitières en France et en Europe, éd. Presses

universitaires Blaise Pascal, coll. CERAMAC (Centre d’études et de recherches appliquées au Massif Central, à la moyenne montagne et aux espaces fragiles), n°31, Clermont-Ferrand, p. 456.

Thomas O., 2011, Des émigrants dans le passage. Une approche géographique de la condition de clandestin à Cherbourg

et sur les côtes de la Manche (thèse), UFR de Géographie, Université de Caen-Basse Normandie, Caen, p. 687.

 Articles scientifiques

Bailleul H., Décembre 2013, « Quelles méthodologies pour une géographie sociale de terrain ? », in

Travaux et Document de l’Unité Mixte de Recherche 6590, ESO – Espace et Société, n°36, Rennes, pp. 131–133.

Bédes M-R., 1999, « Economie et stratégies agricoles », in Déméter 2000, chap. 5, pp. 50-55.

Bourgeois L., Juillet-Aout 2015, « Revenu des agriculteurs : un enjeu politique mal documenté » in

Paysans et Société, n°352, pp. 23–28.

Bourgeois L., Pouch T., 1993. « La politique agricole commune : une politique réduite au marché », in

Revue de l’OFCE, n°1, Vol. 43, pp. 365–398.