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La nature stéréotypique de l’Iliade (répétition et redoublement) ne donne pas lieu à sa subversion mais à une distanciation permettant la subversion du genre épique. À l’image d’un miroir, de la méthode de pensée de Hegel, ou encore de la comparaison,

Ransom et Omeros ne peuvent ni être résumés à une stratégie de « writing back » du

canon occidental, ni nier cette phase : les deux textes témoignent d’une quête de la totalité qui ne peut s’effectuer que dans la co-présence maintenue des opposés, leur offrant alors la distance nécessaire au « travail épique » qui est le leur : la re- formulation.

On n’aurait pu alors faire meilleur choix que l’Iliade dans cette visée, l’œuvre leur offrant à la fois le terrain rêvé pour une subversion du genre épique dans sa définition classique – dont l’épopée homérique est le parangon –, et surtout se révélant être un des premiers textes à questionner la représentation : le bouclier d’Héphaïstos, s’il semble exprimer parfaitement la philosophie idéaliste d’Hegel, est aussi le paradigme de cette problématique comme en témoigne l’introduction de La Mimèsis:

Face à l’allègre démiurgie divine, geste de création transparent et fluide, et par rapport à la possibilité de copie immédiate que semblent receler peinture et sculpture, l’allégorie de la représentation de ce passage célèbre du chant XVIII de l’Iliade pose la mimèsis, autrement dit la représentation littéraire, comme une rupture, et donc comme un problème1

De la « refondation politique » dont parle Florence Goyet, à la reformulation, nous avons vu qu’il n’y a ici qu’un pas : le problème politique auquel les auteurs doivent faire face est précisément un problème de représentation qui agit au cœur du langage. Ce dernier, – dont TEWB manifeste l’importance dans les littératures postcoloniales subissant l’influence d’une langue qui n’est pas la leur – est en effet l’outil par lequel s’élaborent nos catégories de pensée de la réalité, mais qui peuvent également être les acteurs d’un enfermement du sens si celles-ci demeurent figées. C’est cet enfermement du sens dans des oppositions réductrices que Malouf et Walcott manifestent et mettent en crise ici, des binarismes qui touchent précisément aux notions de politique, culture, et identité nationale (ou ethnique). Ainsi l’exprimait Roger Toumson dans « son entreprise de déconstruction des binarismes » ou Malouf lui-même dans son avertissement sur le pouvoir de manipulation des représentations par le

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langage. C’est encore ce que manifeste Glenn Iseger-Pilkington, artiste aborigène1 ou Glissant établissant une « liste des binarités, dépassables ou non »2 achevant sa Poétique

de la Relation. Mais nous avons déjà vu au travers de l’étude du mouvement de la

dialectique d’Omeros (en le comparant au formalisme russe nourri du développement des arts visuels, ainsi que plus récemment au texte d’Hugues Jallon (en note), nourri quant à lui de l’influence des sphères de l’information-communication) que ce débat n’est pas que l’apanage des régions « à la marge » des centres : pourquoi en effet invoquer Pérec en exergue, écrivain français du XXème siècle, au beau milieu de la question du genre épique dans des littératures « périphériques » ? Lui-même témoigne d’une expérience d’exil qui n’est pas dû à la colonisation mais à la diaspora juive au début du XXème siècle. Notre époque contemporaine semble à la fois problématiser les frontières spatiales de nos identités et celles abstraites de la représentation. Cette situation « à la marge » de Walcott, caribéen, et Malouf, australien n’y est donc que le creuset de cette sensibilité qui offre justement l’écart (l’exil) nécessaire à la re- présentation.

Le dispositif spéculaire qu’elles mettent en place creuse en effet un espace entre la norme (le genre épique) et le nouveau texte (l’Iliade et nos deux œuvres), et permettent d’ouvrir à nouveau les frontières de la représentation qui semblaient closes par la répétition et articulation de contradictions faisant ressortir à première vue l’expression d’une profonde division et d’une situation chaotique et fragmentaire. Elles y sont cependant le lieu même du mouvement de la reformulation. Nous rappellerons toutefois que le processus entrepris par Ransom apparaît moins efficace du fait qu’il ne laisse pas complétement au lecteur la possibilité de « s’emparer du texte », lui « éclaircissant » d’avance le chemin à prendre.

Ce chaos visible donc davantage dans Omeros, est en effet interprétée tout autrement par des poètes tels que T.S. Eliot ou Glissant : loin d’être pensée fragmentée ou ne montrant qu’un plagiat, elle est une véritable « poétique de la Relation », ouvrant sur des « lieux communs »3. T.S. Eliot exprime ainsi cette rencontre de pensées :

A thought to Donne was an experience; it modified his sensibility. When a poet’s mind is perfectly equipped for its work it is constantly amalgamating disparate

1

Iseger-Pilkington, Glenn. «Branded: The Indigenous Aesthetic» in Browning, Daniel et Radok, Stephanie (sous la dir. de). « Beauty and Terror», Artlink Indigenous, Vol.31, n°2, June 2011. Voir annexe A.

2 Glissant, Edouard. Poétique de la Relation. Paris: NRF Gallimard, 1990 : 236. 3

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experience; the ordinary man’s experience is chaotic, irregular, fragmentary. The latter falls in love, or read Spinoza, and these two experiences have nothing to do with each other, or with the noise of the typewriter, or the smell of cooking; in the mind of these poets these experiences are always forming new wholes.1

On l’a vu chez Walcott : il n’y a pas un intertexte principal mais une pluralité de références mises en relation. Ainsi, la conception de l’Histoire par Hegel, et la mythologie grecque de l’Iliade y rencontrent le mythe africain dans sa mention du dieu Ogun, dieu de la forge yoruba incarnant ce principe de création par la destruction2.

Si Ransom ne présente pas le processus dans son entièreté, il n’est néanmoins pas dépourvu de cette « poétique de la relation », plaçant la parole et l’art de la narration au centre de son roman, laquelle met en branle la circulation de la pensée antique dans notre présent. Tout comme Omeros semble chargé de la mémoire littéraire du monde,

Ransom nous remet en mémoire les fondements de la culture antique. Plus que la patrie,

c’est le patrimoine humain qui est mis ici en valeur par l’épique.

Ainsi que nous l’avons observé, c’est au travers du dispositif spéculaire construit par les deux textes que cette profondeur textuelle est possible. Florence Goyet insiste dans son article traitant des « conditions de possibilités d’une épopée “refondatrice” » sur la nécessité d’une longueur, d’un espace suffisant à la narration pour fournir les outils et le temps nécessaire à la pensée pour se former3. Or Ransom et Omeros témoignent justement d’une volonté de sortir d’un schéma linéaire de la représentation : c’est désormais dans la profondeur temporelle et spatiale qu’il faut penser. Wai Chee Dimock nomme « deep time »4 ce nouveau paradigme, Glissant le qualifie

1 T.S. Eliot, The Metaphysical Poets, 1921 cité in Suhamy, Henry. La poésie de John Donne, coll. Agrégation, CNED, Paris : Armand Colin, 2001. « Une pensée pour Donne était une expérience ; elle modifiait sa sensibilité. Lorsque l’esprit d’un poète est parfaitement muni pour ce travail, celui-ci est constamment en train d’amalgamer des expériences disparates ; l’expérience de l’homme ordinaire étant chaotique, irrégulière, fragmentaire. Ce dernier tombe amoureux, ou lit Spinoza, et ces deux expériences n’ont rien à voir l’une avec l’autre, ou avec le bruit de la machine à écrire, ou l’odeur de la cuisine ; dans l’esprit de ces poètes, ces expériences sont continuellement en train de former de nouveaux “touts”». [Nt]

2

Mc Phail, Aubrey. « Reconstructing Matriarchy: Soyinka’s Heroic Women[1] », Lobstick: An Interdisciplinary Discussion

Forum, Grande Prairie Regional College, Canada, 2008-2012. Disponible sur le web: <http://www.lobstick.com/archived- volumes/volume_2/11-mcphail/>.

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« Le temps en [la “conquête de l’épopée”] est la matière essentielle, temps du récit dont les méandres sont nécessaires au travail épique et temps de la transformation du regard sur les personnages et les options politiques. » Goyet, Florence. « L’épopée retrouvée: Motifs, formes et fonctions de la narration épique du début du XXe siècle à l’époque contemporaine » à paraître dans sa version allemande : « Das wiedergefundene Epos. Inhalte, Formen und Funktionen epischen Erzählens vom Beginn des 20.

Jahrhunderts bis heute » in Krauss, Charlotte et Urs Urban (sous la dir. de). Über die Bedingungen der Möglichkeit eines‚ Neugründungsepos, Université de Strasbourg, Münster, LIT-Verlag, à paraître 2012.

4« what we called “American” literature is quite often a shorthand, a simplified name for a much more complex tangle of relations.

Rather than being a discrete entity, it is better seen as a crisscrossing set of pathways, open-ended and ever multiplying, weaving in and out of other geographies, other languages and cultures. These are input channels, kinship networks, routes of transit, and forms of attachment – connective tissues binding America to the rest of the world. Active on both ends, they thread American texts into the topical events of other cultures into the short chronology of the United States. This double threading thickens time, lengthens it, shadowing in its midst the abiding traces of the planet’s multitudinous life. I would like to propose a new term – “deep time”- to capture this phenomenon. What this highlights is a set of longitudinal frames, at once projective and recessional, with input going

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. The Waste Land, de quatre-cent trente-quatre lignes, est en effet qualifié de « condensed epic »2.

Loin d’être stérile, la récurrence, plus que l’occurrence3

permet donc la profondeur. Les œuvres présentent une différente manière de considérer la transmission, selon un mouvement de recirculation, où l’imitation se fait alors pilier de la représentation. On notera à ce propos que l’imitation n’a pas toujours eu mauvaise presse : celle-ci était chez les Grecs le moyen de rendre hommage à d’autres poètes tout en prouvant sa maîtrise de la technique littéraire comme le témoigne le texte de Denys d’Halycarnasse4

. Cette conscience de la profondeur temporelle est un des devoirs du poète pour T.S. Eliot :

Aucun poète, aucun artiste, dans quelque art que ce soit, n’a son sens complet par lui-même. Le comprendre, l’estimer, c’est estimer ses rapports avec les poètes et les artistes du passé. On ne peut pas le juger tout seul ; il faut le mettre, pour l’opposer ou le comparer, au milieu des morts. J’entends ceci comme un principe de critique, non pas simplement historique, mais esthétique. La nécessité pour lui de se conformer, de s’harmoniser, n’est pas unilatérale ; ce qui se produit quand une nouvelle œuvre d’art est créée, est quelque chose qui se produit simultanément dans toutes les œuvres d’art qui l’on précédée. Les monuments existants forment entre eux un ordre idéal que modifie l’introduction de la nouvelle (vraiment ” nouvelle “) œuvre d’art. L’ordre existant est complet avant que n’arrive l’œuvre nouvelle ; pour que l’ordre subsiste après l’addition de l’élément nouveau, il faut que l’ordre existant tout entier soit changé, si peu que ce soit ; et les rapports, les proportions, les valeurs de chaque œuvre d’art par rapport à l’ensemble sont ainsi rajustés ; et c’est en ceci que l’ancien et le nouveau se conforment l’un à l’autre. Quiconque a admis cette idée de l’ordre, de la forme de la littérature européenne, […] ne trouvera

both ways, and binding continents and millennia into many loops of relations, a densely interactive fabric ». Dimock, Wai Chee. Through other continents: American literature across deep time, Princeton NY: Princeton University Press, 2006: 3. « ce que nous

qualifions littérature “américaine” est assez souvent un raccourci, une désignation simplifiée pour un bien plus complexe enchevêtrement de relations. Plutôt que d’être une entité séparée, celle-ci est bien plus un quadrillage de chemins, ouverts à l’infini et se démultipliant constamment, tressant et détissant d’autres géographies, d’autres langages et cultures. Ce sont des voies d’entrées, des réseaux d’affinités, des routes de transit, et des formes d’attachements – tissus connectifs liant l’Amérique au reste du monde. Actives aux deux bouts, elles filent les textes américains au sein d’évènements actuels d’autres cultures dans la courte chronologie des Etats-Unis. Ce double tissage épaissit le temps, le rallonge, filant ses traces constantes de la forme infinie de la vie de notre planète. Je voudrais suggérer un nouveau terme – un temps profond – afin de saisir ce phénomène. Ce qu’il met en lumière est un ensemble de cadres longitudinaux, à la fois projetant et reculant, possédant des entrées sur ses deux versants, et liant les continents et les millénaires dans des boucles de relations, un matériau densément interactif ». [Nt]

1 Glissant, Edouard. « L’étendue et la filiation », Poétique de la Relation. Paris: NRF Gallimard, 1990: 59-76. 2Eliot, T.S. The Waste Land and other poems, London: Faber and Faber, 1971: 15

3 Malouf met en evidence ce changement de conception du Temps dans son essai: “The notion that history might be progressive than cyclical, that an event, a thought, an individual man (Napoleon for example) might have no precedent – might […] never have directed our attention away from the past and towards the future. We no lo longer had to look to the past for the interpretation of present happenings, or to consult it […]. Our attention had now to be used in a new way in developing an eye for occurrence rather than recurrence […]. Malouf, David. «The Happy Life. The search for contentment in the modern world», Quaterly Essay, issue 41, Australia, March 2011: 25. « La notion d’une progression de l’histoire plus que de son cyclisme, qu’un évènement, une pensée, un individu (Napoléon par exemple) n’aient pas de precedents – […]n’auraient jamais dû dévier notre attention du passé et la diriger vers le futur. Nous n’avions plus désormais à observer ou consulter le passé pour l’interprétation du present […]. Notre attention a dû ainsi s’habituer à developer un regard pour l’originalité plutôt que la repetition […]». [Nt]

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pas absurde que le passé soit modifié par le présent, tout autant que le présent est dirigé par le passé.1

La conscience de cette profondeur temporelle est en effet exprimée par le personnage même de Malouf au début de son roman – Achille contemplant la mer:

Far out where the gulf deepens, small waves kick up, gather, then collapse, and new ones replace them ; and this, even as he watches, repeats itself, and will do endlessly whether he is here or not to observe it : that is what he sees. In the long vista of time he might already be gone. It is time, not space, he is staring into.2

C’est bien la même image de la mer au mouvement perpétuellement recommençant que nous avons dans Omeros, débutant et achevant un poème immergé de sa présence.

De cette conception découle naturellement, donc, une nouvelle représentation spatio-temporelle. C’est ce qu’exprime également Bessière dans son essai sur le concept de primitivisme dans les littératures postcoloniales. « L’allégorie du primitivisme », c’est-à-dire l’introduction d’un autre temps en parallèle du temps uniformisé de l’horloge qui est, selon lui, une stratégie permettant de penser l’histoire, au sein de laquelle le procédé de la référence intertextuelle joue un rôle majeur :

Cette allégorie n’est pas la récusation de la modernité, du monde contemporain, mais le discours d’une autre histoire en cours, dans l’histoire du monde contemporain, qui est donc inclusif de cette autre histoire. […] L’allégorie du primitivisme n’est pas le résidu de la question de l’altérité dans un monde qui s’unifie et perd son exotisme, mais l’exposé de l’altérité de plusieurs histoires dans l’histoire. Cette altérité est l’ultime conséquence du constat de la multiplicité temporelle […]. A ce titre, les jeux d’intertextualité, que présentent les littératures postcoloniales, doivent être lus moins comme des jeux discursifs, de pouvoir discursif, que comme des figurations proprement littéraires et discursives de l’anachronisme, interprétable selon l’allégorie du primitivisme et selon l’effort pour repenser l’histoire que cette allégorie figure, et qui est étrangère à toute téléologie occidentale de l’histoire. […]3

La référence, la réécriture, la répétition génèrent de nouveaux modèles de pensée. Ainsi Glissant évoque cette même idée, précisant la notion de « lieu commun » :

Je crois que la répétition est une des formes de la connaissance dans notre monde ; c’est en répétant qu’on commence à voir le petit bout d’une nouveauté, qui apparaît. La deuxième considération, c’est celle du lieu commun. Pour moi les lieux

1

TS Eliot. Essais choisis, trad. H. Fluchère, Le Seuil, 1950; rééd. 1999 : 28-29. Cité par Pierre Vinclair sur son blog : <http://vinclairpierre.wordpress.com/2012/06/02/tradition-et-talent-individuel/.>

2 Malouf, David. Ransom, Knopf, Australia: Random House, 2009: 6. « Au loin où le golfe devient plus profond, de petites vagues se soulèvent, se rassemblent, puis s’affaissent, et de nouvelles les remplacent ; et ceci, continuellement pendant qu’il regarde, se répétant à l’infini qu’il soit présent ou non pour l’observer : c’est ce qu’il voit. Dans l’étendu panorama de temps, il s’est probablement déjà éteint. C’est du temps, non de l’espace, qu’il est en train de fixer ». [Nt]

3 Bessière, Jean. « Que l’on peut lire ensemble Conrad, Leiris, Cendrars, Butor », in Mc Intosh- Vajabédian, Fiona (sous la dir. de).

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communs ne sont pas des idées reçues, ce sont littéralement des lieux où une pensée du monde rencontre une pensée du monde.1

Il rejoint sous cette notion, le « lieu commun » de l’engendrement de nouveaux « touts » qu’il partage avec le poète américain T.S. Eliot.

Mais Ransom et Omeros ne nous défamiliarisent pas uniquement de notre conception linéaire du Temps et de l’Espace : ce nouveau paradigme a ses répercussions dans le champ littéraire : l’opposition que construit Bakhtine entre épopée et roman est à inclure dans un mouvement plus large de régénération. Le même concept de carnavalisation chez Bahktine est en effet le lieu chez Walcott où se génère et se régénère la communauté et le sens2. Nous avons pu par ailleurs remarquer au cours de ce développement, une parenté sans conteste entre la structure de l’épopée et celle du romanesque décrite par Schaeffer. Cette continuité n’est toutefois pas une idée nouvelle : c’est une idée déjà à l’œuvre chez Hegel, ainsi que Luckàcs comme le rappelle Laure-Adrienne Rochat3. Ce qui est nouveau est le mouvement de cette continuité: l’épopée n’est pas « morte » car « tout type de texte, comme le précise Florence Goyet dans sa nouvelle qualification du genre, peut accomplir un “travail épique” »4. Il semble par ailleurs qu’Homère lui-même ait effectué ce processus dialectique entre l’Iliade et l’Odyssée, dont Philippe Brunel met en avant la similarité de structures dans son introduction : « [c]urieusement, ce double monument de littérature constitué par L’Iliade et L’Odyssée échappe, semble-t-il, à l’historicité qui l’a façonné : l’une se donne à lire à travers l’autre, dans une harmonie fondatrice »5. Si l’Odyssée est souvent interprétée comme l’ancêtre du roman, peut-être Homère l’avait-il déjà exprimé dans cette co-présence à l’Iliade. Enfin, nous noterons la présence de la pensée de Hegel qui, perçue dans le cadre de sa méthode de pensée et non de son jugement esthétique, renouvelle notre approche des trois œuvres et par-là même sa démarche intellectuelle (philosophique), souvent perçue – nous le voyons au travers de l’étude bakhtinienne d’Omeros par Natascha Pech6– comme transmettant une vision unitaire du monde, alors

1 Glissant, Edouard. Introduction à une Poétique du Divers, Paris : NRF Gallimard, 1996 : 33. Voir également Glissant, Edouard.