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i Des concepts opératoires pour penser la diversité et l'évolution des performances des entreprises

Les approches managériales des ressources et la théorie évolutionniste ont permis de caractériser la diversité spatiale et temporelles des entreprises au sein et entre domaines d’activité. Elles soulignent que l’hétérogénéité des performances des entreprises au sein d’un même domaine d’activité repose sur leur capacité à combiner des ressources physiques, technologiques, humaines, financières, immatérielles qui conditionne la capacité à obtenir et préserver un avantage concurrentiel. Ces approches considèrent que l’activité économique offre une opportunité d’apprentissage et mettent en avant que les comportements des acteurs ne résultent pas nécessairement d’une optimisation mais d’un processus d’essais-erreurs encastrés dans de nombreuses régularités (routines, organisation), conduisant au fil d’un processus d’apprentissage et de sélection à l’émergence de nouvelles régularités (Dosi et Nelson, 1994 ; Magrini, 2018). Ces approches s’appuient sur la définition de plusieurs concepts opératoires que nous explicitons ci-dessous.

Les ressources sont des moyens en rapport à des fins (Larousse, 2016). Différents travaux ont explicité les caractéristiques des ressources qui contribuent à l’émergence et à la pérennité d’un avantage concurrentiel : i) leur valeur au sens où elles permettent d’exploiter les opportunités de l’environnement ; ii) l’ambiguïté de leur chemin d’impact (complexité de l’avantage concurrentiel) qui en limite l’imitation) ; iii) leur non substituabilité ; iv) rareté (Dosi et al., 1990 ; Barney, 1991 ; Barney, 2001). La non substituabilité et la rareté des ressources tient souvent à leur caractère idiosyncratique. Les ressources mobilisées par une entreprise sont en effet issues d’un processus d’apprentissage localisé, une partie des savoirs, savoir-être et savoir-faire associés sont tacites et donc peu transférables. Ces ressources peuvent aussi être qualifiées de spécifiques au sens où la valeur des ressources spécifiques est associée au processus productif qui les a faits naître (Colletis and Pecqueur 2005). Elles sont de fait peu imitables et diffusent difficilement. Ainsi, plus que les ressources, il semble que ce soient les processus qui les ont faites naître et permettent leur mise en œuvre qui soient à l’origine d’un avantage concurrentiel.

Le processus est un ensemble d’activités organisées en réseau, de manière séquentielle ou parallèle, combinant et mettant en œuvre de multiples ressources, des capacités et des compétences33, pour produire

un résultat ou output présentant de la valeur pour un client externe (Lorino and Tarondeau 2015). Face à des menaces et opportunités environnementales, la réponse de l’entreprise prend nécessairement la forme de processus d’action. « Les processus traduisent les besoins du client ou plus généralement les exigences de l’environnement, telles que perçues par l’entreprise dans tous les méandres de l’organisation » (Lorino, 1995). La valeur créée par un processus résulte du déploiement organisé et planifié des combinaisons de ressources, d’ajustement dans le temps, c’est à dire de compétence d’assemblage, de coordination, de synchronisation, de mise en œuvre et d’adaptation (ibid). Le processus exige et produit des compétences. Il est sous-tendu par une capacité d’apprentissage. En d’autres termes, la logique de

33Ces derniers distinguent la notion de ressources qu’ils rapprochent de la notion économique de facteur de production qui peut

faire l’objet de transaction, de celle de compétence qui ne peut pas faire l’objet de transaction. « La compétence désigne une réalité dynamique, un processus (…). La compétence fait ses preuves dans l’action » (Boterf, 1994 cité par Lorino et Tarondeau, 2006).

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processus est celle qui agence les activités de la firme et partage les rôles selon une logique de création de valeur. Cette vision de l’entreprise comme ensemble de procesus n’est pas nouvelle ; elle est déjà présente dans l’approche en termes de chaîne de valeur de Porter. On la retrouve aussi chez les spécialistes du progrès continu (Du Tertre 2012). Néanmoins la dimension dynamique en termes d’apprentissage n’était pas explicitée (Lorino et Tarendo, 2015).

« L'apprentissage est un processus par lequel la répétition et l'expérimentation font que des tâches sont effectuées mieux et plus vite et que de nouvelles opportunités de production sont identifiées » (Dosi et Winter, 1990). Nonaka a identifié 4 processus par lesquels de nouvelles compétences peuvent être créées : i) la socialisation ou diffusion, ii) l’explicitation et codification de connaissances informelles, iii) la combinaison et iv) l’internalisation (Nonaka 1994). L’apprentissage est généralement cumulatif, il nécessite l’usage des connaissances et il est avant tout organisationnel. En effet, dans l’entreprise, bien que les compétences individuelles soient essentielles, leur valeur dépend de leur emploi dans des montages organisationnels particuliers. Les processus d'apprentissage sont intrinsèquement des phénomènes sociaux et collectifs. L'apprentissage se produit non seulement par l'imitation et l'émulation des individus, mais aussi en raison de contributions conjointes à la compréhension de problèmes complexes. L'apprentissage requiert des codes communs de communication et des procédures coordonnées de recherche de solutions. La connaissance engendrée par une telle activité réside dans des « routines » organisationnelles.

Les routines sont des modèles d'interactions qui constituent des solutions efficaces à des problèmes particuliers. En raison de la complexité d'un tel comportement, la connaissance incarnée dans des routines ne peut pas être pleinement codifiée. C'est à dire qu'elle a une dimension tacite qui souvent ne peut pas être clairement énoncée. Par voie de conséquence, ce sont les routines elles- mêmes, et la capacité du management à amener l'organisation à les mettre en œuvre, qui constituent une capacité essentielle de l'organisation. Certaines, dites statiques, concerne la répétition de tâche quotidienne, permettant de ce fait leur amélioration, alors que d’autres routines de niveau supérieur dites dynamiques, encadrent la manière dont la firme pense le changement (procédure de R&D par exemple) (Lorino et Tarondeau, 2015).

Dans cette mesure, les routines contribuent aux compétences et aux capacités, dynamiques y compris, qui sont spécifiques à la firme. De telles capacités, du fait de leur caractère idiosyncratique (recherche de solutions aux problèmes auxquelles la firme a été confrontée) contribuent à la différentiation des entreprises et constituent la base de leur avantage concurrentiel. Elles sont encore qualifiées de compétence foncière (D. Teece, 1988). Ces compétences foncières (« core competencies » en anglais) i) procurent l’accès à un grand nombre de marché ; ii) apporte un bénéfice significatif au consommateur final du produit, iii) sont difficiles à imiter (Prahad et Hamel 1990 cité par Lorino et Tarondeau, 2015). (Barney, 2001) souligne le caractère central des capacités dynamiques des firmes lorsque l’environnement est complexe et changeant. « La firme qui survit est celle qui parvient à faire des choix stratégiques plus précocement, de façon plus astutieuse et opportune ».

Le caractère cumulatif de l’apprentissage et la complémentarité des actifs, se traduit par le fait que les investissements passés d'une entreprise et son répertoire de routines contraignent son comportement futur. L’histoire de l’entreprise et ses compétences foncières induisent une contrainte de sentier. Enfin, les modèles organisationnels émergeant sont éventuellement sélectionnés par l’environnement économique. La pression de sélection exercée par l’environnement varie avec le niveau de concurrence à la fois sur le marché des produits et sur celui du capital), la politique publique et la fréquence des discontinuités technologiques. Dans des environnements de sélection lâches, des entreprises moins efficaces peuvent survivre et même prospérer pour quelque temps. L'environnement de sélection d'un produit peut être plus fort ou plus faible qu'il ne l'est pour une entreprise, suivant la manière dont le

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management de l'entreprise traite les divisions internes et les produits qui ont des performances en- dessous de la moyenne (Dosi, Teece et al. 1990).

ii.

La compétitivité comme résultante de processus stratégiques

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