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La modélisation comme moyen d’étude de la terminologie

1.1. Terme et concept

1.1.2. La notion de concept

1.1.2.1. Concept ou notion ?

1.1.2.1.1. L’approche des auteurs francophones

L’étude de différentes sources montre que ces termes sont habituellement considérés comme synonymes. Selon le Grand dictionnaire. Linguistique et Sciences du langage (Dubois et al. 2007 : 107), « on donne le nom de concept à toute représentation symbolique, de nature verbale, ayant une signification générale qui convient à toute une série d’objets possédant des propriétés communes ». La terminologie a d'abord hésité entre les termes de notion et de concept, mais « l'unification s'est faite sur le terme de notion. La notion est définie par l'Office de la langue française du Québec comme « l'unité de pensée constituée d'un ensemble de caractères attribués à un objet ou à une classe d'objets, qui peut s'exprimer par un terme ou par un symbole ». Cette définition est conforme à celle de l'ISO (organisation internationale de standardisation technique et terminologique) sise à Vienne en Autriche (ibid. : 330). Effectivement, l’Office québécois de la langue française, Le grand dictionnaire terminologique donne la définition suivante de notion en linguistique et terminologie : « Unité de connaissance constituée d’un ensemble unique de caractères et qui peut généralement s’exprimer par un terme ». Mais la notion est une sous-entrée de concept, considéré comme synonyme (2008). La norme ISO 704 (1987) « Principes et méthodes de terminologie » définit les notions comme des constructions mentales qui servent à classer les objets individuels du monde extérieur ou intérieur à l’aide d’une abstraction plus au moins arbitraire.

Loïc Depecker et Christophe Roche trouvent troublant que idée et notion soient souvent utilisées l'une pour l'autre, de même que notion et concept. Notion, c'est-à-dire le contenu conceptuel d'un terme, était préféré pour se démarquer de l'anglais concept (Rey 1992). En

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analysant ce que recouvrent ces mots dans l’optique d’une théorie terminologique, les auteurs expliquent que concept a été introduit à la place de notion dans les travaux de l'ISO à l'occasion principalement de la révision des normes ISO 704 (Travail terminologique - Principes et méthodes) et ISO 1087 (Travaux terminologiques - Vocabulaire), qui s'est étendue de 1997 à 2000. Concept est défini dans l'édition qui en est issue comme étant une

« unité de connaissance créée par une combinaison unique de caractères » (ISO 1087, 2001).

Le passage de notion à concept vient principalement des représentants francophones à l'ISO (Français et Canadiens) et ce, pour au moins trois raisons :

1) La théorie de la terminologie devrait garder un lien avec les autres sciences fondamentales et appliquées, où on parle plus souvent de concept et rarement de notion.

Notion peut y avoir le sens utile d'unité de pensée encore imprécise et vague.

2) Le français offre une riche famille dérivationnelle : conception, conceptualiser, concevoir, concevable, inconcevable, ce que notion n'autorise pas (Rey 1979, Depecker 2002).

3) La version anglaise des normes ISO de méthodologie de la terminologie contient concept depuis longtemps : opter pour concept en français est au moins un rapprochement formel. Les auteurs concluent en disant que « Concept semble donc se distinguer, surtout aujourd'hui, d'idée ou de notion en ce qu'un concept est considéré comme une représentation construite et relativement précise des objets » (Depecker & Roche 2007 : 110).

On peut donc constater que les termes notion et concept sont le plus souvent employés comme synonymes (Lerat 1995, Cabré 1998, Dury 1999 et d’autres), bien que certains préfèrent le terme de notion (Rivière & Groussier 1997) et les autres celui de concept (Depecker & Roche 2007).

1.1.2.1.2. L’approche des auteurs russophones

Dans les ouvrages en russe il y a également des discussions concernant les termes (notion) et (concept) qui ont pourtant un caractère spécifique par rapport à la terminologie française. Historiquement le mot est un calque du latin

« conceptus » et le synonyme du lexème russe . Le mot apparaît dans la littérature russe à partir des années 1920, souvent dans les traductions des ouvrages de structuralistes. est employé comme synonyme « scientifique » du mot

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ayant tout de même une capacité combinatoire différente dans le vocabulaire russe (Dem’jankov 2007). Actuellement encore ces termes sont parfois considérés comme synonymes, néanmoins de plus en plus de chercheurs soulignent que les termes et qui sont largement présents dans le discours scientifique ont une signification distinctive.

J. Stepanov écrit que le concept est un phénomène du même ordre que la notion, mais ils appartiennent à des sciences différentes. Si le deuxième s’emploie surtout en logique et en philosophie, le premier a une place centrale dans les sciences de la culture (« culturologie ») (Stepanov 2004 : 42). La notion – c’est un ensemble de caractères significatifs d’un objet qui le différencie des objets semblables. Tandis que concept est une notion immergée dans la culture (Stefanskij 2006). On caractérise le terme concept comme un « terme-parapluie » qui couvre plusieurs domaines étudiant « la langue de la pensée » tels que psychologie cognitive, linguistique cognitive et linguoculturologie (VШrФКčщЯ 2003). D’après J. Stepanov un concept peut être défini comme notion, mais une notion élargie par la situation scientifique et culturelle contemporaine. On « définit » une notion, mais « on éprouve, on vit » un concept.

Ce dernier comprend non seulement les caractères logiques, mais aussi des composants de phénomènes et situations scientifiques, psychologiques, artistiques et émotionnels (Stepanov 2007). V. Maslova oppose à la notion, qui est un ensemble de caractères significatifs d’un objet, un concept qui est une formation mentale de caractère national spécifique (2005 : 27).

Les opinions se partagent sur la question de la dimension du concept par rapport à la notion. Les uns (P. Abeljar’, M. Pimenova, I. Sternin, V. Karasik, V. Maslova et autres) considèrent que le terme concept est plus large que le terme notion, puisque le tout est toujours plus grand que la partie. La notion peut être considérée comme un composant structurel du concept (Karasik 2001 : 77-78). Les autres ont tendance à identifier ces deux termes N. Švedova, M. Nikitina, A. Babuškina et autres (Larina 2010).

Dans la linguistique russe contemporaine on peut distinguer trois approches essentielles à la compréhension du (concept) : linguistique, cognitive et culturologique (Jultimirova 2006). Une approche linguistique sur la nature du concept est partagée par S. Askol’dov, D. LТбКčщЯ, V. Telija qui comprennent concept comme tout le potentiel de la signification du mot avec ses éléments connotatifs. Les représentants de l’approche cognitive tels que Z. Popova et I. Sternin définissent le concept comme « quantum de connaissance structurée » (Popova 1999). J. Stepanov, le représentant de l’approche culturologique, appelle

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métaphoriquement le concept « ЮЧ  МКТХХШЭ  НО  МЮХЭЮrО»  («   ») (Stepanov 2004 : 42). Toutes les approches sont pourtant complémentaires. Malgré certaines différences dans les définitions du concept, les auteurs soulignent l’idée actuelle de la linguistique de l’étude combinée de conscience, de langue et de la culture.