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Le choix de l’objet de notre recherche (le discours juridique en russe et en français) a été dicté par la nécessité théorique d’aborder cette question novatrice, de trouver des solutions à des problèmes concrets notamment de traduction, et par notre expérience personnelle. Cette expérience nous a permis d’estimer d’un côté la complexité du problème et l’absence de recherches nécessaires sur le discours juridique dans le contexte bilingue, de l’autre côté à travailler le sujet dans la pratique de l’enseignement et de la traduction.

Le travail proposé à la soutenance est la suite d’une réflexion de plusieurs années, nous publions des articles sur cette question à partir de 1998 (Peškova 1998, 2000, 2001, 2002, 2003 et autres). Cette thèse sur les problématiques du discours juridique au niveau bilingue entre le russe et le français réunit notre recherche théorique et notre expérience pratique dans les domaines de l’enseignement et de traduction. Nous nous sommes intéressée à cette problématique comme enseignante de français et de traduction franco-russe en Russie et comme directeur des mémoires de fin d’études (Université Linguistique de Nijni Novogorod, Faculté d’interprète et de traducteur dans le cadre de l’Université franco-russe7), puis comme enseignante de russe et de traduction juridique en France (Université de Provence, Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence, École Nationale de la Magistrature8). Cette expérience témoigne de la nécessité de créer une méthode spécifique de la traduction juridique dans le contexte franco-russe.

En outre, le fait d’exercer comme expert judiciaire, traducteur-interprète en langue russe près la Cour d’appel d’Aix-en-Provence nous fournit des exemples pertinents pour cette

7 L’Université franco-russe est le fruit de la coopération universitaire entre l’Université Linguistique de N. Novgorod, l’Université Lobatchevski de N. Novgorod, l’Université Pierre Mendès Grenoble II et l’Université Stendhal Grenoble III. Il prépare des spécialistes avec double diplôme : juristes ou économistes et traducteurs-interprètes.

8 dans le cadre de la formation continue déconcentrée des magistrats près la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence

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recherche. Nous sommes en permanence confrontée dans notre pratique de traduction et d’interprétariat à de nombreux problèmes linguistiques qui confirment que le sujet choisi est d’actualité dans les relations juridiques internationales. Cette expérience confirme également que le traducteur doit absolument posséder des connaissances dans le domaine juridique, nous suivons donc actuellement une formation d'expert judiciaire9.

Le discours juridique présente tant de spécificités diverses, comparé aux discours spécialisés d’autres domaines (en particulier médical, dont nous avons exploré le fonctionnement terminologique en français et en russe (Peškova 1996), que l’exploration de ses particularités dans le même contexte franco-russe nous a semblé aussi nécessaire que pertinente.

Nous aimerions par ce travail contribuer à la formation des traducteurs spécialisés en langues russe et française. Une bonne formation des traducteurs doit permettre d’avoir des traductions juridiques fiables, dans le cas contraire la justice ne peut pas fonctionner et les problèmes internationaux surviennent. Nous proposons dans l’Annexe C, comme exemple de mauvaise traduction du russe en français, le texte de la décision judiciaire russe citée dans un arrêt de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (arrêt 33/2012). Ce texte est pour nous une illustration significative du rôle de la traduction dans les procès internationaux (France-Russie). Dans ce sens les deux parties de cet arrêt ont un grand intérêt : la partie traduite du russe montre un exemple de traduction incorrecte et la partie

« française » décrit les conséquences juridiques de cette traduction insatisfaisante. L’extrait du texte source en russe qui est cité en traduction dans l’arrêt français est également présenté dans l’Annexe C. Les faits décrits par les autorités requérantes russes sont difficilement compréhensibles à cause des erreurs aux niveaux de la terminologie et des collocations juridiques, de la grammaire de la langue française et du style (emploi des tournures parlées).

En outre, on constate l’incohérence de traduction des noms propres, des abréviations de

9 Formation proposée par UCECAAP (Union des Compagnies d’Expert près la Cours d’Appel d’Aix-en-Provence) et le Comité Français des Traducteurs Interprètes près la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence

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structures juridiques10 et de la présentation des adresses. Le texte est donc devenu confus et inopérant 11:

Attendu enfin qu'il y a lieu de faire droit aux réquisitions écrites du ministère public ; qu'en effet, l'exposé des faits tel qu'il ressort de sa traduction étant incompréhensible en l'état, il importera d'en faire une synthèse aussi courte et claire que possible ; [...] (arrêt 33/2012 : 22).

Le choix du sujet de notre thèse a donc été déterminé par la nécessité de la recherche approfondie sur le discours juridique dans le contexte franco-russe et les besoins d'une méthode de la traduction spécialisée français-russe pour les futurs traducteurs professionnels les apprenants du cursus des Langues étrangères appliquées.

10 ce point fera objet d’analyse dans le Chapitre 2

11 Nous avons assisté à l’audience en question comme interprète et nous avons pu constater l’embarras des juges et de l’avocat général devant un tel texte traduit. Ils se demandaient si le code pénal russe cité a été bien traduit, en particulier si les conjonctions  (et) ou (ou) sont bien à leur place, c’est fondamental dans l’interprétation des articles du code pénal.

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2. Méthodologie