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Chapitre 2. Cadre conceptuel et modèle théorique

2.7. Les communautés d’apprentissage pour la formation à la recherche dans les cycles supérieurs

2.7.3. Les communautés d’apprentissage : espaces alternatifs pour la formation à la recherche

Avec un degré de structuration variable, les communautés d’apprentissage fournissent aux étudiants- chercheurs un cadre de rencontre pour partager des contributions scientifiques qui sont pertinentes pour leurs projets de recherche. La recherche révèle qu’avec une participation engagée des membres du corps professoral, ces communautés d’apprentissage peuvent constituer des espaces alternatifs pour la formation à la recherche et elles peuvent aussi favoriser l’achèvement optimal des projets de mémoire. Cotterall (2011), par

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exemple, a identifié que, bien que la création de groupes de lecture et d'écriture par initiative des étudiants puisse susciter des occasions d'apprentissage en ce qui concerne la recherche, le niveau de rétroaction critique n’est pas du tout comparable à celui que peut fournir une communauté d’apprentissage avec la présence du personnel enseignant. McAlpine et Amundsen (2015), pour leur part, soulignent que dans les contextes d’encadrement à la recherche conforme au modèle de laboratoire, les pressions contraignent les superviseurs à adopter le rôle de gestionnaires, et ce, au détriment de la formation des étudiants-chercheurs. Ainsi, ces derniers sont souvent laissés à eux-mêmes dans l’avancement de leurs projets et, par conséquent, ils sont forcés à s’appuyer sur leurs pairs, dépourvus de toute guidance.

L’autonomie d’apprentissage est une finalité de l’enseignement dans les cycles supérieurs. Il est toutefois possible qu’un étudiant qui ne reçoit pas l’encadrement nécessaire dépasse les délais prévus pour compléter son projet et obtenir son diplôme. Cela a entraîné certains encadreurs à mettre en place des dispositifs informels en tant qu’espaces alternatifs de formation à la recherche afin de fournir un soutien direct lié aux projets étudiants. Louw et Godsell (2015) établissent que ces initiatives sont motivées par une perception d’insuffisance de ressources pour la formation à la recherche des étudiants. Ne faisant pas partie du système de formation institutionnelle, ces dispositifs informels de soutien peuvent vite disparaître, tout comme les groupes de pairs informellement constitués. Par conséquence, il est essentiel d’étudier l’incidence de la participation des membres du corps professoral dans ces espaces alternatifs de formation à la recherche.

Les communautés pour la formation à la recherche constituent des espaces alternatifs et informels d’apprentissage. Grossman (2018) suggère de les visualiser sur un continuum où de nombreux agencements sont possibles afin de répondre aux différents besoins des étudiants et des professeurs. À l’un des extrêmes de ce continuum se trouvent les groupes de pairs, composés exclusivement d’étudiants sans participation des membres du corps professoral et basés essentiellement sur l’interdépendance sociale. À l’autre extrême se trouvent les espaces alternatifs d’apprentissage de la recherche, axés sur les résultats, rigoureusement gérés, visant à accélérer les progrès des étudiants tout en maintenant la qualité des projets. Dans ce dernier cas, des membres du corps professoral sont fermement engagés et ils fournissent du soutien aux étudiants-chercheurs. Au milieu de ce continuum, un grand nombre d’agencements sont possibles avec différents niveaux de participation des professeurs et des étudiants à la gestion, afin de répondre à des besoins divers et changeants. Compte tenu de ce qui précède, Steele et al. (2012) et Batty (2016) suggèrent que de nombreuses configurations sont possibles pour la mise en place d’une communauté pour la formation à la recherche. Buissink-Smith et al. (2013) établissent que ces espaces alternatifs peuvent être interdisciplinaires ou spécifiques à une discipline. Grossman (2016), Stracke et Kumar (2014), quant à eux, déclarent que ces espaces ne visent pas à remplacer l’encadrement individuel, toujours considéré comme étant essentiel, mais à le compléter. Ainsi, ce qui

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caractérise ces communautés est, premièrement, la régularité des rencontres; deuxièmement, le fonctionnement à l’extérieur des dispositifs formels du programme d’études; et troisièmement, l’absence d’une réglementation institutionnelle qui les encadre.

Bell et al. (2013) et Louw et Godsell (2015) soulignent que la dynamique à l’intérieur d’une communauté pour la formation à la recherche est fonction de l’ascendant exercé par le responsable, de sorte que, lorsque sa présence s’affaiblit, le groupe a tendance à se disperser, ce qui confirme son caractère informel. Nonobstant, cette dynamique d’intensité variable doit être discernée d’une apparente fugacité.

Comme documenté par Devenish et al. (2009), Harrison et Grant (2015) et Batty (2016), la plupart de ces communautés se développent suivant une approche ascendante à partir d'un groupe de pairs inscrits à un même programme d’études et qui se réunissent de façon relativement spontanée. Néanmoins, Bell et al. (2013) et Grossman (2016) ont démontré, dans des contextes différents, qu’elles peuvent aussi être mises en place selon une approche descendante, c’est-à-dire, être enclenchées par un membre du corps professoral, voire obtenir du soutien institutionnel. Compte tenu de leurs genèses diverses, Buissink-Smith et al. (2013) ont conclu qu'il n'existe aucune formule pour établir une communauté d’apprentissage en tant qu’espace alternatif pour la formation à la recherche et que leur caractère informel est le seul dénominateur commun.

Force est d’admettre que bien que l'enseignement informel soit présent dans plusieurs situations dans le contexte des études supérieures, son plein potentiel n'a été ni exploité ni reconnu, et ce, en raison du « silence stratégique institutionnel » qui l’entoure (Devenish et al., 2009). Par leur nature informelle, il est difficile d’estimer la contribution précise des espaces alternatifs pour la formation à la recherche sur le progrès des projets étudiants, sur la diminution de la durée des études et sur la persévérance. Il n’existe pas de mesures d’évaluation de l’enseignement dans le cadre de ces espaces alternatifs; les activités organisées ne sont pas comprises dans les tâches professorales officielles; le temps investi n’est pas reconnu aux fins d’évaluer la charge de travail et le temps de contact n'est pas considéré dans la proportion d’étudiants par directeur de recherche.

Les communautés d’apprentissage en tant qu’espaces alternatifs pour la formation à la recherche méritent un examen approfondi afin de confirmer les avantages perçus, leur incidence sur les taux de diplomation, sur l’apprentissage du processus de recherche et sur l’avancement des travaux de mémoire. C’est cette quête de connaissance qui a motivé la réalisation de cette thèse.

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2.7.4. Les communautés d'apprentissage. Les formaliser ou ne pas les formaliser :