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Chapitre 2. Cadre conceptuel et modèle théorique

2.7. Les communautés d’apprentissage pour la formation à la recherche dans les cycles supérieurs

2.7.2. Vers une communauté d'apprentissage pour la formation à la recherche durable

La soutenabilité d’une communauté d’apprentissage pour la formation à la recherche repose sur trois aspects essentiels : l'appartenance à la communauté doit être limitée aux étudiants d’un même champ disciplinaire (Batty et Sinclair, 2014; Wagener, 2016); les activités doivent respecter une fréquence et une durée préétablies (Grossman, 2018; Lee et al., 2006); et la participation requise de chaque membre pour chaque activité doit être préalablement communiquée (Pyhältö et al., 2012; Rosales et al., 2012; Stracke et Kumar, 2014). Discutons ces aspects plus en détail.

Afin de favoriser la pertinence des interactions et de centrer les discussions sur des sujets qui apparaissent significatifs pour les membres, l'appartenance à la communauté doit être limitée aux étudiants d’un même champ disciplinaire. Ceci éviterait la dispersion des échanges à travers des thèmes trop généraux qui suscitent moins d’intérêt chez les étudiants-chercheurs d’un domaine particulier. Suivant Batty et Sinclair (2014), la motivation des étudiants à intégrer une communauté de pairs va au-delà de la collaboration et de la critique. Leur participation est principalement fondée sur la possibilité de joindre des personnes partageant des intérêts de recherche et des approches méthodologiques. Ainsi, les membres d’une communauté d'apprentissage dans les cycles supérieurs s’intéressent au présent et au futur d’une discipline. Ils veillent au développement des connaissances dans le domaine et s’interrogent sur les avenues de recherche qui s’annoncent.

Cette adhésion conditionnelle à l’appartenance à un champ commun permet, en premier lieu, la mise en place d’un système de tutorat par les pairs. En deuxième lieu, elle permet l’établissement et le maintien de critères de

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qualité en ce qui concerne les productions associées aux travaux de recherche des membres; et en troisième lieu, elle permet le réseautage pour les futures collaborations (Batty et Sinclair, 2014).

En ce qui concerne les étudiants à la maîtrise, n’ayant que très peu de référents sur le processus de recherche scientifique, leur implication dans une communauté d’apprentissage peut aider à clarifier la démarche à suivre. Dans une perspective d’efficacité, ils doivent promptement avoir une idée du type de recherche qu'ils entreprendront. Par conséquence, le travail avec des pairs qui conduisent des études dans le même domaine participe à l’apprentissage des méthodologies de recherche et contribue à l’élection de celle qui convient le mieux aux besoins du projet propre (Haseman, 2010).

Wagener (2016) souligne que l’intérêt pour le travail du mémoire est corrélé à la présence de relations positives avec des pairs du même domaine :

« Là encore, la possibilité d’échanger avec des pairs travaillant dans des domaines sensiblement similaires et soumis aux mêmes contraintes peut effectivement entretenir la motivation (à l’inverse un intérêt pour une thématique de recherche commune peut favoriser des rapprochements amicaux entre camarades de promotion). Le soutien par les pairs est une variable importante qui a un effet sur la réussite à l’université et la remise du mémoire dans les délais. On peut dès lors supposer que c’est par le biais de la motivation et du soutien à l’intérêt pour le travail effectué que ces relations agissent sur la réalisation du mémoire » (Wagener, 2016, p. 1212).

Un autre aspect déterminant de la soutenabilité d’une communauté d’apprentissage pour la formation à la recherche est la mise en place d’une organisation de rencontres où les activités sont planifiées selon une fréquence et une durée préétablies. Grossman (2018) souligne que, lorsqu’elles sont programmées suivant une régularité déterminée, les activités communautaires contribuent à baliser le parcours à suivre et à définir les étapes d’un travail qui, autrement, semblerait incommensurable et ingérable.

Lee et al. (2006) établissent que les rencontres peuvent se structurer suivant la formule d’un atelier d'écriture scientifique où la principale activité consiste à commenter de façon critique le travail des pairs et à les interroger sur leur démarche. Cette collaboration permettrait aux étudiants les moins expérimentés en ce qui concerne l’écriture scientifique de bénéficier des rétroactions des plus performants afin de réduire l’écart entre eux. Elle leur permettrait aussi de constater les progrès réalisés par les pairs qui se retrouvent dans différentes phases du projet du mémoire et d’analyser les solutions qu’ils ont mises en place pour surmonter les obstacles, ce qui leur permettrait d’enrichir leurs propres projets.

La soutenabilité d’une communauté d’apprentissage pour la formation à la recherche repose aussi sur un troisième aspect : la communication opportune de ce qui est requis de chaque membre pour chaque activité. Par exemple, Rosales et al. (2012) suggèrent que les textes à évaluer par les pairs devraient être distribués une

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semaine à l'avance pour que les membres aient assez de temps pour lire attentivement le travail et préparer leurs notes pour la discussion.

Selon Stracke et Kumar (2014), une communauté d’apprentissage pour la formation à la recherche bâtie suivant la formule d’un atelier d'écriture scientifique suscite des discussions riches pouvant aider les étudiants à avancer dans leurs travaux. Cela favorise aussi la prise de conscience des exigences spécifiques en lien avec la réalisation d'un projet de mémoire cohérent. Pour les étudiants intéressés à poursuivre une carrière universitaire, l’occasion d’exposer leurs travaux dans un environnement caractérisé par la bienveillance, la camaraderie et la convivialité est très précieuse; d’autant plus que, dans le métier de chercheur universitaire, les travaux sont habituellement soumis à un examen par des pairs.

Une communauté d’apprentissage pour la formation à la recherche crée les occasions pour que les étudiants puissent réfléchir aux approches de recherche dans leur domaine d’études et à leurs propres pratiques de recherche. Cela les aiderait aussi à comprendre ce qui signifient les études supérieures et la conduite d’un projet de mémoire. Par leur engagement dans une communauté de pairs, les étudiants ont la possibilité d’améliorer la qualité de leurs projets de recherche et des productions qui en découlent. Ils peuvent bénéficier aussi des questions posées par de multiples voix et des discussions qui sont rares dans un scénario d’encadrement traditionnel (Pyhältö et al., 2012).

Nonobstant ces bénéfices potentiels, l’approche communautaire pour la formation à la recherche dans les cycles supérieurs n’est pas universellement acceptée par l’ensemble des membres du corps professoral. Devenish et al. (2009) et van der Meer et al. (2013) soulignent la perception de certains professeurs qui doutent de la contribution des communautés d’apprentissage dans l’optique d’accélérer l'obtention du diplôme. Certains encadreurs considèrent qu’un groupe ne conduisant pas expressément les étudiants vers le but ultime de l'achèvement du mémoire n’est qu’une distraction, voire une obstruction. Cotterall (2011) considère que ces perceptions illustrent à quel point la pensée managériale des cadres organisationnels a imprégné les tâches professorales, en accordant une importance supérieure aux indicateurs de performance, au détriment de l’exposition à la culture de recherche disciplinaire.

2.7.3. Les communautés d’apprentissage : espaces alternatifs pour la formation à