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Le coût de victime décédée

Dans le document Les infrastructures de transport routier (Page 148-155)

Les autoroutes : les avantages économiques pour les usagers

Section 3. Les gains économiques d’une autoroute pour les usagers

V. Les gains en sécurité routière après la mise en service d’une autoroute

2) Le coût de victime décédée

Quant à la valeur du mort, un débat moral et éthique pourrait s’imposer quand les chercheurs l’abordent de façon statistique ou économique pourtant la méthode consiste à l’évaluer à partir de la valeur estimée de la production pendant le reste de la durée de vie probable de la victime (au sens statistique). Sauf qu’il faut considérer prudemment le cas d’une économie éloignée du plein-emploi dans les pays en développement tel que l'Algérie2. La perte de capacité de production d’une victime décédée peut être calculée par la formule suivante3 :

é ( é é é ) = ( + )

( + ) Avec :

w : Le PIB moyen annuel par habitant, r : Le taux d’actualisation,

g : Le taux de croissance,

i : Nombre moyen d’années de perte de production.

Donc, afin d’estimer les gains de sécurité, il faudrait calculer les coûts des accidents d’abord, ceci n’est possible qu’après l’estimation des coûts suivants : les coûts de base (coûts médicaux, dommages matériels et perte de capacité de production) et les coûts supplémentaires (coûts administratifs, perte de qualité de vie et autres coûts des accidents).

1 BOUBAKOUR, F. « Analyse et Evaluation économique des Accidents de la Route en Algérie 2007-

2010 », Rapport final du projet PNR, 2010, p : 25

2 CNED, Op Cit « Guide du sous-secteur routier », p:41 3 BOUBAKOUR, F. Op Cit, 2010b, p : 24

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Le problème de la valorisation de ces gains (l’estimation de la valeur de vie humaine précisément) vient de l’absence d’un marché de référence sur la notion de dommage corporel d’un accident. Donc, la plupart des travaux recommandent d’utiliser des valeurs tutélaires acceptables sur le long terme (avec des ajustements modérés).

Par ailleurs, la Caisse Nationale d’Equipement pour le Développement en Algérie précise en ce qui concerne le coût d’une victime décédée qu’une valeur révélée est plutôt réaliste et que le ratio de coût par vie sauvée constatée dans le pays pour un ensemble d'investissements routiers qui ont pour objet unique l’amélioration de sécurité, suffira pour estimer cette valeur et qu’en plus de quelques mesures d’ordre général supplémentaires, ils assureront que les valeurs retenues ne soient pas exagérées1.

Un autre problème peut survenir lors de la quantification des gains de sécurité, il s’agit de la distinction entre l'amélioration de sécurité sur un niveau de trafic et celle qui accompagne une croissance de trafic. Pour résoudre ce problème, certains travaux à savoir les bilans LOTI des autoroutes françaisesi, suggèrent d’analyser les évolutions des taux d’accidentologie et des taux de victimes tuées, blessés légèrement et blessées gravement en les rapportant à l’intensité du trafic afin d’éliminer l’effet de la croissance du trafic2.

Par ailleurs, en fonction des données disponibles, une analyse plus affinée pourrait estimer le coût moyen d'un accident mortel, le coût moyen d'un accident grave et le coût moyen d'un accident léger.

Avant de conclure cette section et le présent chapitre, il convient d’aborder une autre question importante dans le calcul des gains économiques, c’est bien celle de l’actualisation des valeurs. Cette opération intervient pour ramener des valeurs à une date précise afin de pouvoir comparer des variantes (des projets) tout en veillant à la cohérence temporelle entre les valeurs de critères concernés.

1 CNED, Op Cit, « Guide du sous-secteur routier », p: 41 i

Ces bilans relèvent de la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs en France. Il s’agit d’une évaluation

ex ante puis ex post des effets des autoroutes françaises (les résultats comprennent : la durée de

réalisation, les trafics, les gains économiques, le bénéfice socioéconomique et le taux de rendement interne, les mesures de compensations environnementales en plus d’une analyse socioéconomique documentée (gains de temps pour usagers, sécurité, accessibilité pour les régions traversées, contribution à l’évolution des territoires, ...). Ces bilans recommandent la veille à la clarté de répartition des rôles entre maitre d’ouvrage et bureau d’étude, la publicité des bilans et le suivi des mesures environnementales.

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 L’actualisation

L’actualisation « est la méthode utilisée dans l’évaluation socioéconomique ou financière pour ramener à une date unique des (grandeurs) valeurs monétaires ou monétisées qui s’échelonnent dans le temps »1. Un taux d'actualisation est utilisé (α) et l’année à laquelle les valeurs sont ramenées est l’année d'actualisation. Le taux d'actualisation ne s’applique qu’à des valeurs qui sont indépendantes de l’inflation pour ramener la somme At de l’année t à la somme A0 de l’année 0 selon la formule suivante2 :

=

(1 + )

o Valeur du taux d’actualisation

Pour la Banque Mondiale et la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement, la valeur du taux d’actualisation est de 10% tandis que l’Union Européenne mentionne 5% dans plusieurs documents, c’est la moyenne par rapport aux pays de l’Union. Un recensement récent de l’Association Internationale Permanente des Congrès de la Route a révélé les valeurs suivantes: l’Australie (6-7%), la Hongrie (6%), le Mexique (12%), l’Afrique du Sud (8%) et la République Tchèque (7%). Par rapport à ces prescriptions, la Caisse Nationale d’Equipement pour le Développement raisonne que (8%) est le taux d'actualisation raisonnable pour l'Algérie3.

Graphique (11) : Actualisation et investissement rentable

Source : Idem, p : 72

1 Sétra, Op Cit, 2013, p : 56 2 Idem. p : 56

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Enfin, bien que les avantages économiques pour les usagers soient parfois décisifs lors du choix des projets d’infrastructures d’intérêt social et public, ils ne sont pas suffisants pour justifier l’investissement car les effets sur l’environnement, les impacts sociaux et la rentabilité financière, tous sont essentiels également lors des études d’évaluation de l’infrastructure économique et sociale.

Conclusion

Ce chapitre a pour objet de comprendre la spécificité des autoroutes en tant qu’infrastructures de transport et leurs impacts sur l’économie et ce, dans l’ambition de répondre aux questionnements de notre thèse en termes d’effets des infrastructures routières sur le développement socioéconomique. Un état de l’art sur l’évaluation économique de tels projets a été fourni également, à savoir l’analyse coûts-avantages et l’analyse multicritères en plus d’autres modalités d’évaluation qui interviennent en fonction de la nature du projet. La troisième section du chapitre a discuté les avantages économiques d’une autoroute pour tous les acteurs notamment les usagers. Enfin, quelques conclusions peuvent être proposées :

- La rentabilité économique des projets d’infrastructures de transport est prépondérante par rapport à la rentabilité financière notamment quand il s’agit des projets d’intérêt public et social,

- Les effets d’une autoroute sur l’économie en général et sur les usagers en particulier diffèrent entre les pays en développement et les pays développés à longue tradition autoroutière,

- Les estimations de valeurs moyennes et d’ordre général (valeurs tutélaires) peuvent substituer au calcul de valeurs révélées pour chaque projet en cas de manque de données détaillées,

- Les gains de temps de parcours sont calculés par catégorie de véhicules et pour les passagers/marchandises lorsque les données nécessaires sont décomposées finement, - Le recours aux valeurs révélées nécessitent des enquêtes auprès des usagers afin d’obtenir les valeurs les plus cohérentes avec le comportement des usagers,

- Lors des évaluations, il faut distinguer entre les gains économiques des usagers et les gains économiques des non usagers de la nouvelle infrastructure (notamment les gains de sécurité et de temps de parcours),

- Afin de mesurer l’impact des valeurs tutélaires sur les indicateurs de rentabilité économique tels que la VAN et le TRI, des analyses de sensibilité sont à effectuer,

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- Le confort concerne seulement les véhicules légers parce que les usagers PL perçoivent le trajet à travers le motif de déplacement commercial où le confort n’est pas le premier critère de choix d’itinéraire,

- L’amélioration de la sécurité routière est un avantage perçu par toute la collectivité et inclu dans les avantages économiques pour les usagers,

- L’analyse coûts-avantages demeure la modalité la plus utilisée dans l’évaluation des projets d’infrastructures tandis que l’analyse multicritères vient en appui pour mesurer l’atteinte des objectifs tels que l'équité et la préservation de l'environnement, - Les gains économiques des autoroutes affectent soit les usagers ou les non usagers (y compris les personnes sans permis de conduite) car la collectivité comprend la population des régions desservies et bien évidemment, celle des régions non desservies. Cette dernière perçoit les gains de sécurité et l’impact des gains économiques sur les échanges et l’économie en général.

Après avoir présenté les gains économiques des autoroutes pour les usagers, les valorisations des avantages sont proposées dans le dernier chapitre de la présente thèse. Mais avant, il convient de présenter le réseau routier algérien et le schéma directeur routier et autoroutier (2005-2025) dans lequel s’inscrivent plusieurs projets d’aménagement structurants à l’instar de l’autoroute est-ouest et de la rocade des hauts plateaux.

140 Conclusion de la première partie

Le premier chapitre de cette première partie a présenté les principaux concepts qui qualifient la relation entre infrastructures de transport et développement socioéconomique depuis les cinquantaines du siècle passé, il s’agit des « effets structurants » de la « congruence » et des « effets conditionnés » en plus d’autres qui ont émergé avec le débat scientifique. Enfin, nous avons conclu sur la difficulté méthodologique évoquée par plusieurs travaux à propos de l’analyse et de l’évaluation de cette relation et ce, est du à la complexité de cette dernière et du caractère multidimensionnel des aspects concernés dans la vie des peuples (économiques, sociaux, spatiaux et environnementaux).

En effet, les chercheurs ont eu du mal à distinguer entre l’effet de l’infrastructure en tant qu’investissement et l’effet du service qu’elle fournit, ce qui a fait plus de lacunes à propos de la relation en question. Cependant, ce problème n'a pas empêché les travaux d'analyse et les essais de compréhension du lien. La naissance de plusieurs concepts témoigne le débat très riche et pluridisciplinaire.

Une sorte d’accord s’est mise entre les chercheurs à propos de l’existence d’un lien d’interaction entre l’infrastructure de transport et le développement au lieu du lien de causalité. La notion d’ « interaction » a bien exprimé la relation en raison de l’échange d’effets entre le développement socioéconomique et les infrastructures de transport d’un côté et de la nécessité d’existence de potentialités indépendantes de l’infrastructure pour que ses effets soient visibles, d’un autre côtéi.

Dans un deuxième chapitre, les effets des autoroutes sur l’économie et sur les acteurs principaux (usagers, Etat, concessionnaires et collectivité) ont été présentés. Les avantages économiques pour les usagers (VL et PL) font que les conditions de circulation s’améliorent. Il s’agit des économies de coûts d’exploitation de véhicule, de gain de temps de parcours, du bonus de confort et de l’amélioration de sécurité. Et bien qu’elle ait cet effet sur les déplacements des véhicules légers et des poids lourds, l’autoroute n’est pas forcément en mesure de produire des effets autant directs sur le reste de la population (population sans permis et population des régions non desservies) car le reste de la collectivité bénéficie des effets de cette infrastructure sur l’économie, sur la vie sociale, sur l’environnement et sur la sécuritéii.

i Où l’infrastructure joue le rôle d’un catalyseur dans une réaction chimique ii Il s’agit même de l’impact des avantages économiques sur l’économie

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L’évaluation des avantages économiques d’une autoroute pour les usagers s’effectue en deux phases : la quantification puis la valorisation. La première dépend des données disponibles tandis que la deuxième pose des problèmes parce qu’elle aborde des effets non marchands tels que le confort, le temps de parcours et la vie humaine.

A ce stade, quelques questionnements sont tirés pour avancer dans l’étude de cas de cette thèse, à savoir : quels sont les efforts fournis par l’Etat algérien pour rétablir le réseau routier, notamment après la période des années quatre-vingt-dix? Quels sont les principaux aménagements décidés dans le SDRA (2005-2025) ? Et vis-à-vis des usagers de l’autoroute est-ouest, quels sont les avantages économiques procurés par un seul tronçon autoroutier (Alger-Constantine)? Donc, dans la deuxième partie, nous essayerons de répondre à ces questionnements à travers un aperçu sur les efforts de l’Etat en matière de réseau routier (chapitre 03) et une valorisation des gains économiques d’un seul tronçon autoroutier de l’autoroute est-ouest pour les usagers (chapitre 04).

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