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A. Les trois « échelles » du Levant

3. Une cité de la côte phénicienne

J. Lauffray jugeait de manière très défavorable la situation géographique de Beyrouth. Selon lui, « … le col du Beidar [=Baïdar], qui actuellement relie Beyrouth à la plaine de la Bekaʽa et à Damas, fut longtemps difficile d’accès ; la route par le sud et par Sidon était plus aisée surtout pour le transport de denrées lourdes »437. Depuis Tripolis ou Byblos, les communications vers l’intérieur étaient néanmoins plus malaisées encore. Il est difficile de savoir le rôle que ces considérations géographiques ont pu jouer dans la prise de décision. À l’échelle du littoral phénicien, il s’agit ici d'essayer de comprendre pourquoi Berytus a été préférée à une autre cité, ce qui suppose aussi d'esquisser la hiérarchie des cités de la côte à la veille de la fondation coloniale. L’extension du territoire sidonien au début de l’empire montre cette autre cité comme un autre candidat possible. La discrétion de Berytos par rapport à d’autres cités du littoral a-t-elle motivé le choix d'Auguste ? Dans la mesure où il n’y avait pas lieu de punir la ville hellénistique, l’hypothèse la plus probable est bien de considérer que les autorités romaines ont choisi une cité peu importante, voire secondaire. Même si tel n'était pas l'objectif des Romains, l'installation de colons dans une cité bouleverse nécessairement les équilibres : arrivée en masse d'une nouvelle population, expropriation, déclassement de la population locale. Aussi est-ce presque un paradoxe lorsque R. Mouterde, après avoir rappelé les liens privilégiés qui ont

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D’après RIZAKIS1996, p. 256, il ne s’agit plus seulement de « sauvegarde de la suprématie dans les pays conquis ». Au Proche-Orient l’objectif n’est pas « d’installer un Empire provincial avec quelque homogénéité institutionnelle » pour autant. Cette homogénéité, lorsqu’elle existe, découle aussi de ‘l’idéologie civique’ impériale ou romaine. Cf. RIZAKIS1998, p. 600-601.

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Ainsi, dans une région non urbanisée comme la Gaule, ce sont les vastes cités, et non les colonies, qui, en reprenant et en pérennisant sans doute les découpages ethniques, constituent une première étape de la municipalisation (VANANDRINGA2002, p. 23-24, résume le ‘programme’ augustéen en Gaule).

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pu se nouer entre les Italiens de Délos et les Bérytains, considère que la cité aurait été choisie pour ses qualités de « centre de rencontre et de rapprochement entre les provinces d’Orient et la lointaine capitale du monde »438.

Assurément la cité phénicienne est loin d’être une cité importante de la côte phénicienne au moment de la confrontation entre Antoine et Octavien. Aussi n'est-elle pas mentionnée dans les récits de Tacite ou de Dion Cassius lorsqu'ils rendent compte des épisodes de la guerre civile ou de la réorganisation de l'Orient. Lorsqu'elle apparaît dans les sources littéraires, Berytus est déjà colonie romaine et cela lui donne, aux yeux des Anciens, l'importance dont elle semble avoir été dépourvue jusque là439. Trois autres cités phéniciennes dominent le paysage politique au tournant des guerres civiles et peuvent, à l'occasion, faire figure d'interlocuteurs du pouvoir romain. C'est le cas d'Arados qui rayonne de ses derniers feux et peut prétendre, un temps, tenir tête à Antoine440. Son monnayage exceptionnel était déjà gage de la place qu’elle avait su gagner du temps des Séleucides441. Mais c'est surtout le cas de Sidon et de Tyr, dont Josèphe nous dit qu'elles ont toujours été libres et qui, de ce fait, ne font pas partie du « cadeau » que fait Antoine à Cléopâtre442. Dion Cassius rapporte que ces cités perdent leur liberté en raison de leur attitude lors du voyage d’Auguste443. La mesure est d’abord symbolique et n’entrave pas leur développement ultérieur, mais elle révèle la rivalité de deux cités qui s’appuient sur un passé prestigieux. Au même moment, Berytus n’avait pas la capacité à exprimer de la même manière une identité exacerbée et à rivaliser avec les cités voisines.

Doit-on pour autant penser que Berytus est une cité en déclin lorsque les Romains décident d'y installer une colonie ? Strabon l’affirme très clairement, mais il ne faut sans doute pas apporter trop de crédit au raccourci qu’il fait entre l'épisode de Tryphon et l'intervention d'Agrippa444 : plus d’un siècle sépare le moment où Tryphon, assassiné en 143 avant notre ère, mène des représailles contre Berytos, et la conquête romaine.

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MOUTERDE 1966, p. 22. L’argument mérite d’être examiné même si R. Mouterde l’appuie sur un présupposé qui est aujourd’hui abandonné les historiens : « C’est pourquoi sans doute, fidèles à leur plan d’assimiler les provinces à l’Italie, Jules César ou son fils adoptif Octavien-Auguste ont choisi Béryte pour y établir la première colonie romaine de Syrie ».

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AUBERT 2003, p. 116-117, signale que Beyrouth n’apparaît ni dans les textes concernant les « conflits

entre Perses et Phéniciens au cours de l’époque achéménide », ni dans ceux concernant Alexandre ou les rois hellénistiques.

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Appien, Guerres civiles, V, 1, 9 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XLVIII, 24, 3 ; Jérôme chez Eusèbe,

Chron., II, 139 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XLIX, 22, 3. Cf. REY-COQUAIS1974, p. 163-164, SARTRE

2001, p. 464-465 et surtout DUYRAT2005, p. 285-287. 441 Cf. DUYRAT2005, p. 254-265. 442 Josèphe, AJ, XV, 4, 1 (95). 443

Dion Cassius, Histoire romaine, LIV, 7, 6.

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D’ailleurs, lors des fouilles du centre-ville de Beyrouth les archéologues n’ont pas trouvé les traces de destructions importantes qui pourraient appuyer l’argument de Strabon445. À l’inverse, ils constatent l’essor de la cité phénicienne au milieu du IIesiècle de notre ère446. Cette explication à l’emporte-pièce est au service d'un discours valorisant l'action des Romains en Phénicie. Strabon décrit positivement l'intervention romaine qui consista notamment à consolider sur le plan politique les cités phéniciennes Byblos et Tyr447. Ce sont des cités dont l'ancienneté, et par là même l'importance, est soulignée parfois avec emphase par le géographe d'Amasée. Dans le cas de Berytos, nous l’avons vu, il adapte un schéma éprouvé lorsqu’il évoque la colonisation romaine ; c’est l’occasion de mettre en scène le rôle civilisateur de Rome. Strabon n'évoque toutefois pas directement la colonisation, comme s'il ne voulait pas altérer l'image qu'il cherche à donner de la Phénicie romaine, une terre de cités, qui « assujettie aux rois de Syrie », comme Arados, et qui désormais, à l’image de Berytos peut-être « s’est vu relevée de nos jours par les soins des Romains », quitte à faire, dans le cas de Tyr, « quelques légers sacrifices d’argent »448. Ces extraits rassemblés de manière arbitraire donnent selon nous une idée assez juste du point de vue de Strabon sur l’intervention romaine en Phénicie. L’image d’une cité en déclin fait partie d’un tableau, celui de la Phénicie à l’arrivée des Romains, qui permet de préciser, par petite touches, l’impact positif de Rome.

À rebours du discours strabonien, les inscriptions de Délos concernant les Bérytains et l'établissement des Poséidoniastes reflètent le dynamisme commercial de la cité au IIe siècle avant notre ère449. Les fouilles menées récemment en plein cœur de Beyrouth confirment l’intégration de la cité phénicienne dans les réseaux commerciaux méditerranéens à longue distance au moins depuis le IIIe siècle avant notre ère. Mais le véritable essor a lieu au siècle suivant450. La cité s’est peut-être affranchie d’une tutelle sidonienne dans les décennies qui ont suivi l’annexion séleucide en 200, entre 200 et 150,

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En revanche, CURVERS & STUART 2004, p. 254 : « the written documents may have suffered from

propaganda and sketch a biased picture of what actually happened in Beirut ». ARNAUD, LLOPIS& BONIFAY

1996, p. 132 : « il semble en tout cas bien difficile d’admettre sur la foi de l’archéologie, la vision imposée par les textes d’une ville ruinée par Tryphon et relevée seulement par Agrippa. C’est dans une ville demeurée dynamique que le gendre d’Auguste semble avoir installé ses vétérans ».

446

AUBERT2003, p. 113 et ARNAUD, LLOPIS& BONIFAY1996, p. 131-132.

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Strabon, XVI, 2, 22-23.

448

Strabon, XVI, 2, 14 ; XVI, 2, 19 et XVI, 2, 23.

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ARNAUD, LLOPIS& BONIFAY1996, p. 132, rappellent le contexte de la paix d’Apamée, « de l’abolition de la majorité des barrières douanières », et de la croissance économique.

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et aurait mis à profit cette nouvelle indépendance dans le domaine commercial451. Elle commerce par exemple avec des places comme Délos et Rhodes, mais également avec des régions de la partie occidentale de la Méditerranée452. Par ailleurs, Berytos fait partie des cités qu’Antiochos IV autorise à émettre un monnayage de bronze semi-autonome. Z. Sawaya a montré que les frappes monétaires sont restées modestes. Pour lui, c’est le signe que les Romains se sont installés dans une cité secondaire du littoral phénicien453. Sur le plan de l’identité et de l’affirmation de la cité, la mesure est importante. C’est le moment où Berytos se proclame « (cité) mère de Canaan » sur les émissions monétaires454. Nous sommes donc loin de l’image strabonienne de la cité en déclin, même si Berytos reste dans l’ombre d’autres cités, plus prestigieuses.

Comme le remarquait R. Mouterde, ce sont donc les liens privilégiés qu’elle a noués avec les négociants italiens de Délos qui la distinguent quelque peu. Au moment de la fondation coloniale, ces liens de clientèle sont anciens et sans doute depuis longtemps dissous, mais il n’est pas inutile de rappeler qu’ils ont été étroits. Plusieurs documents l’attestent. Le décret pris par les Poséidoniastes en l'honneur du banquier italien Marcus Minatius fils de Sextus date environ de 153-152 avant notre ère455. Cet homme d’affaires n’est pas le seul à nouer des contacts avec les Poséidoniastes qui honorent vers 90 avant notre ère un consul romain :

« Le koinon des Poséidoniastes bérytains de Délos, marchands, armateurs et entrepositaires (honore) Cnaeus Octavius fils de Cnaeus, préteur des Romains, bienfaiteur, Gorgias fils d’Apollodore étant archithiasite (ἀρχιθιασίτης). »456

Les Bérytains de Délos sont également connus pour avoir rendu un culte à la déesse Roma457.

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CURVERS & STUART2004, p. 253-254. L’hypothèse repose notamment sur l’analyse de la céramique et des découvertes monétaires. Pour la tutelle de Sidon, attestée au VIIIesiècle avant notre ère : FINKBEINER& SADER1997, p. 116-117.

452 Il est possible que l’association des οἱ ἐν Λα[οδικείαι] τῆι ἐν Φοινίκηι ἐνδοχεῖς καὶ να[ύκληροι] connue

pour avoir fait une dédicace à Délos vers 187-175 précède les Poséidoniastes de Berytos (BRUNEAU1970, p. 626). Si l’on ne tient pas compte de ce document, la date de 154/153 (ID 1520) est le repère chronologique le plus ancien. 453 SAWAYA2009, p. 189-190. 454 HOOVER2004, p. 491. 455

ID 1520. Suivant les termes du décret, M. Minatius aura une place d’honneur lors des fêtes religieuses de

l’association et pourra dresser sa statue ἐν τῆι αὐλῆι (l. 23, « dans la cour » de l’établissement des Poséidoniastes, selon la traduction de P. Bruneau). Cf. aussi HASENOHR2007, p. 87, HABICHT2006, p. 286- 287 et MELLOR 1975, p. 66-67. Pour une analyse du grec cf. BASLEZ& BRIQUELCHATONNET 1991, qui montrent que le texte grec trahit l’usage du phénicien à l’oral.

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ID 1782 : [Τ]ὸ κοινὸν τ[ῶν ἐν Δήλωι] [Β]ηρυτίων Ποσειδωνια[στῶν] ἐμπόρων καὶ ναυκλήρων [κ]αὶ

ἐγδοχέων Γναῖον Ὀκτάϊ[ον] Γναίου στρατηγὸν ῾Ρωμαίω[ν] τὸν εὐεργέτην, ἀρχιθιασιτεύοντος Γοργίου τοῦ Ἀπολλοδώρου. Cn. Octavius a été consul en 87 avant notre ère, ce qui permet de dater approximativement l’inscription.

« À la déesse Roma, le koinon des Poséidoniastes bérytains, marchands, armateurs et entrepositaires (a offert) en raison de sa bienveillance envers l’association et la patrie Mnaséas, fils de Dionysos, bienfaiteur, étant archithiasite pour la deuxième fois »458. Il semble qu'elle ait été accueillie après 110 avant notre ère dans l’établissement des Poséidoniastes459. Ces attestations montrent la continuité des relations entre marchands romains et bérytains, de la deuxième moitié du IIe siècle avant notre ère jusqu'aux évènements de 88 sans doute. Pour étroits qu’ils aient été, il est difficile d’évaluer ce qu’il peut en rester, 70 ans après.

Toutefois, sur la base de l’étude du matériel céramique, E. Pellegrino propose de conclure à la présence à Berytos même d’une forte communauté romaine de negociatores dès avant les années 30 du Ier siècle avant notre ère. Il décèle « l’adoption d’une pièce caractéristique de la vaisselle italienne à Beyrouth » qui serait imitée et produite sur place. Dans cette perspective, il est intéressant de constater que la cité bérytaine frappe le motif d’une Tychè-Victoire juste après Actium, en 30 puis en 29. Cette manifestation d’allégeance de la part des autorités bérytaines pourrait effectivement s’accorder avec la présence d’une communauté italienne. D’autres explications sont possibles. Il reste que Berytos a commémoré la victoire et le passage d'Octavien460, comme Zénodore de Chalcis au même moment461. L’imagerie monétaire enregistre très localement le tournant politique d’Actium. Sans le contexte précédemment évoqué, on s’expliquerait mal ce choix de la part d’une cité de rang secondaire, qui n’a pas les raisons des princes clients, incertains de leur sort, de se concilier le vainqueur462. Nous manquons de données pour affiner l’analyse. Il se pourrait, comme R. Mouterde en avait eu l’intuition, que des liens aient existé entre Berytos et des milieux romains encore au lendemain de la victoire d’Actium. La fondation coloniale s’inscrit d’une manière ou d’une autre dans cette tradition. Cette dernière contribue à fonder l’hypothèse de l’intégration d’une partie de la population locale dès la fondation463.

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ID 1779 (autel de Rome). Sur Roma et les Poséidoniastes, BRUNEAU 1970, p. 627-628 ; sur le culte de

Roma à Délos, BRUNEAU1970, p. 444-446. Enfin, sur le culte de Roma en général, MELLOR1975 (p. 66-67,

les Poséidoniastes). 458 ID 1778 (statue de Rome) : Ῥώμην θεὰν εὐεργέτιν τὸ κοινὸν Βηρυτίων Ποσειδωνιαστῶν ἐμπόρων καὶ ναυκλήρων καὶ ἐγδοχέων εὐνοίας ἕνεκεν τῆς εἰς τὸ κοινὸν καὶ τὴν πατρίδα. Ἀρχιθιασιτεύοντος τὸ δεύτερον Μνασέου τοῦ Διονυσίου εὐεργέτου. 459

Cf. en dernier lieu l’analyse que fait M. TRÜMPER2002 (statue et pièce où elle se trouvait).

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SAWAYA2009, p. 178.

461

WROTH1964, p. 281, n° 7.

462

Politique de Tyr tout à fait différente, cf. LICHTENBERGER2009, p. 154-156.

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Les récentes fouilles menées à Beyrouth ainsi que le matériel numismatique sont des éléments d’autant plus précieux à prendre en considération que les sources littéraires font défaut pour la Berytos pré-romaine. Ces données renouvellent notre approche de la cité à l’époque hellénistique : sur cette partie de la côte phénicienne, les Romains choisissent de s'établir dans une cité sans relief particulier, mais non pas insignifiante. Les émissions monétaires sont peu nombreuses avant l'arrivée des Romains, mais Berytos fait tout de même partie de ces cités qui parviennent à battre monnaie au moment du déclin séleucide, et qui disposent d'un comptoir florissant à Délos jusqu'en 88 avant notre ère. En Phénicie, comme ailleurs, les autorités romaines évitent de fonder une colonie dans une cité au passé prestigieux et fière de son indépendance comme pouvait l’être une cité comme Tyr par exemple, dans la mesure où il ne s'agit ni de réorganiser une région dévastée, ni de punir une cité qui leur a tenu tête. À l’exception de Césarée Maritime, résidence du gouverneur de Judée avant même la fondation coloniale, les colonies pré- sévériennes du Proche-Orient n’ont pas fait office de capitales provinciales. Elles s’intégraient dans un paysage civique aux racines anciennes et prestigieuses et la logique de la colonisation romaine n’était pas de le bouleverser. En revanche, nous verrons en différentes occasions comment la colonisation a fait de Berytus une cité capable de rivaliser avec les prestigieuses cités de la côte phénicienne.

Par sa morphologie composite la colonie de Berytus tient à la fois du poste avancé républicain (propugnacula) et de la polis devenue colonie dont l’espace grec offre de nombreux exemples. Même si elle n’est pas fondée aux confins de l’empire parthe, elle apparaît, aux débuts de son histoire, en partie à la lumière des fondations ultérieures, comme un pôle, romain, aux marges de la province syrienne. Sans être à proprement parler une « tête de pont » pour des autorités romaines soucieuses de contrôler le sud de la province de Syrie, Berytus était bien située sur la route de la Judée. En outre, en s’agrandissant d’une partie de la Bekaa, Berytus intègre un nouvel espace au contact avec les États-clients de l’intérieur. À un moment où la gestion de ces principautés plus ou moins résiduelles oscille entre une autonomie jamais acquise d’une part, et l’allégeance à Rome ou à Hérode, d’autre part, la fondation de Berytus, très isolée, et l’extension territoriale, qui empiète sur un espace que ses caractéristiques socio-politiques semblent prédisposer à la gestion indirecte, ne laisse pas d’étonner. J’y vois d’abord l’application de la même recette, agrippéenne dans sa réalisation sinon dans sa conception, qu’en Pisidie.

On peut penser qu’elle vise autant la consolidation de l’emprise romaine ou l’affirmation de la présence romaine que la gestion, voire la transformation d’un espace. En ce sens, la colonisation, telle qu’elle se donne à voir à travers ces deux exemples, appartient pleinement à la provincialisation « augustéenne » de l’empire. L’extension parallèle, peut- être simultanée, des territoires civiques de Berytus et de Sidon pose alors la question du choix de la colonisation pour la seule Berytus. Sur le plan agricole, l’arrière-pays sidonien probablement partiellement occupé par un lac ou un marécage était moins favorable464. Les villages parsèment surtout le Mont Hermon. Mais on peut également explorer une autre piste, non exclusive, pour comprendre le choix de Berytus à l’échelle locale de la côte phénicienne, et se demander si la présence du grand sanctuaire a pu jouer un rôle dans une stratégie plus globale d’organisation ou de réorganisation de la région.

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